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Ex-intermittent, nouvelles cotisations

Publie le mardi 23 mars 2004 par Open-Publishing

J’ai longtemps été régisseur et assistant metteur en scène, intermittent.
J’ai travaillé dans de petites et, plus souvent, de grosses structures,
côtoyant confraternellement les salariés permanents qui faisaient tourner
ces dernières. Bien que je n’aie pas fait le calcul, je ne doute pas avoir
perçu plus d’allocations chômage (au montant mensuel fort modeste, mais cela
permettait de joindre les deux bouts) que je n’ai versé de cotisations
pendant mes périodes d’emploi. Je suis donc l’un des membres de cette
véritable association de malfaiteurs, coupables du scandaleux déficit de 800
millions d’euros que dénoncent si vertueusement le Medef et la CFDT, unis
dans leur condamnation commune.

Puis, un jour, à force de bourlinguer de théâtre en théâtre et de CDD en
CDD, j’ai fini par être à mon tour recruté comme permanent d’une grande
entreprise de spectacle. O joie ! J’allais enfin pouvoir rendre à la
collectivité ce qu’elle m’avait si généreusement donné, renflouer la caisse
des intermittents en y versant des cotisations chômage dont je n’aurais plus
de raison de bénéficier ! Et cet obscur sentiment de culpabilité qui me
taraudait face aux imprécations médéfo-cedétiennes allait enfin s’apaiser :
j’allais pouvoir payer ma dette...

Que nenni ! Figurez-vous que pas un centime de mes cotisations ne va
renflouer le déficit des fameuses annexes 8 et 10 ! Etant salarié en CDI,
mes cotisations ne relèvent plus de ces annexes, mais du régime général...
Et pourtant, je fais exactement le même métier qu’avant, exactement dans le
même type d’entreprise, où je côtoie - outre de nombreux permanents - un
certain nombre d’intermittents, mes frères...

Ceux qui brandissent ce chiffre de 800 millions d’euros de déficit, qu’ils
soient ministres, syndicalistes ou patrons, font preuve de malhonnêteté
intellectuelle. Il n’y a aucune différence fonctionnelle entre les milliers
de salariés permanents des entreprises de spectacle et les milliers de
salariés intermittents. Calculer le déficit des intermittents seuls n’a pas
de sens. Quel est le déficit de l’intérim ? Et qu’attend le Medef pour
réclamer la suppression du travail intérimaire ? La simple honnêteté
intellectuelle voudrait que, si l’on tient à calculer un déficit, on cumule
les cotisations versées et les allocations reçues par l’ensemble des
salariés des entreprises de spectacle, permanents et intermittents
confondus. Y aurait-il alors déficit ? C’est ce que, visiblement, la CFDT,
le Medef et le ministre ne veulent pas savoir. Qui veut tuer son chien...

Edouard Reichenbach, Antony (Hauts-de-Seine)

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