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Face à Obama, McCain fait durer le débat sur le débat
Publie le vendredi 26 septembre 2008 par Open-Publishing1 commentaire
Face à Obama, McCain fait durer le débat sur le débat
Par Patrick Sabatier
Ira, ira pas ? Votera, votera pas ? Chiche ou pas chiche ?
À J - 40, la présidentielle américaine tourne à la partie de poker avec pour enjeu le sort de l’économie américaine, mais aussi celui du premier débat de la campagne, prévu pour vendredi soir sur le campus de l’université du Mississippi à Oxford. John McCain est pour le moment maître du jeu, et fait durer le suspense, mais il n’est pas certain qu’il sorte vainqueur à la fin de la partie.
Le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars que le président Bush et son secrétaire au Trésor Henry Paulson ont avancé, et qu’ils veulent faire voter par le Congrès, était jeudi soir toujours dans l’impasse. Les dirigeants démocrates et républicains avaient pourtant annoncé en milieu de journée avoir conclu un accord de principe sur une nouvelle mouture acceptée par l’administration Bush. La réunion au sommet convoquée par le président à la Maison-Blanche, qui a réuni dans l’après-midi démocrates et républicains ainsi que les candidats à la présidence, John McCain et Barack Obama, devait être une démonstration d’unité nationale et l’annonce en fanfare du compromis bipartisan et historique. Elle a tourné, au contraire, à la déclaration de guerre civile dans le camp conservateur. Une partie des élus républicains du Congrès sont en effet entrés en rébellion ouverte contre l’administration républicaine de George W. Bush accusée de vouloir instaurer un "socialisme financier" par le sénateur de l’Alabama, Richard Shelby.
Or, tant qu’un accord sur le plan Paulson n’aura pas été trouvé, John McCain, qui a "suspendu" sa campagne jeudi, menace de boycotter le débat de vendredi dont il a demandé le report. Son adversaire démocrate Barack Obama a refusé tout report, et a annoncé qu’il se rendrait à Oxford quoiqu’il arrive. Obama pense à l’évidence que son rival bluffe et n’osera pas esquiver un débat. La Commission des débats, tout comme l’université du Mississippi et les médias font comme si le face à face aura bien lieu. Pourtant, McCain a prouvé à de multiples reprises par le passé qu’il était capable de gestes spectaculaires et inattendus, quand il pense y trouver son intérêt. "Le seul débat qui compte est celui qui a lieu au Capitole", a rappelé jeudi matin le sénateur de l’Arizona en arrivant à Washington. "Et j’ai bien l’intention d’y prendre ma part."
Les partisans de McCain et d’Obama s’affrontent à renfort d’arguments
Obama estime tout au contraire que "la présence des candidats au Capitole ne peut que faire dévier les discussions" et rendre encore plus problématique la conclusion d’un accord en injectant la course à la Maison-Blanche dans les considérations des parlementaires. De plus, fait remarquer le démocrate, "ce qu’on demande à un président n’est-il pas de gérer plusieurs dossiers de front ?". Rien n’empêche les candidats de sauter dans leur avion pour quitter Washington vendredi en fin d’après-midi, de s’envoler pour Memphis dans le Tennessee, l’aéroport le plus proche d’Oxford, et d’entrer en scène à neuf heures du soir pour discuter pendant 90 minutes de politique étrangère (et très probablement d’économie, étant donné le contexte). C’est même "le moment où jamais", répète Obama, pour que les candidats expliquent aux électeurs leur plan pour redresser l’économie du pays.
Les partisans de McCain accusent Obama de faire passer ses préoccupations électorales avant l’intérêt national en voulant à tout prix débattre à Oxford alors qu’il y a le feu à Washington. Ceux d’Obama rétorquent que McCain est un dégonflé qui cherche à esquiver le débat, et joue les pompiers pyromanes pour exacerber la crise et se mettre en avant alors qu’il est en train de perdre pied dans les sondages. Pour le sénateur démocrate Chris Dodd, "il ne cherche pas un plan pour sauver l’économie américaine, mais un plan pour sauver la campagne McCain". Du coup, le "débat sur le débat" occupait jeudi soir tous les écrans des télévisions sur lesquels Obama et McCain sont apparus tour à tour pour exposer leur position. Ce débat a bien sûr quelque chose de complètement surréaliste au lendemain du discours très alarmiste du président Bush qui (après le secrétaire au Trésor Paulson, le président de la Réserve fédérale Bernanke et de nombreux économistes) a prévenu mercredi soir que si un plan de sauvetage n’était pas annoncé d’ici lundi (la réouverture des marchés financiers), l’Amérique risquait de connaître un krach similaire à celui qui en 1929 avait précipité le monde dans la Grande Dépression.
Mais tout se passe comme si plus personne n’avait plus la moindre confiance dans ce que raconte le président des États-Unis, à commencer dans les rangs de son propre parti. Les mensonges et manipulations de la guerre d’Irak ont laissé, s’aperçoit-on, des traces profondes. Le plan Paulson a été très mal reçu par l’électorat. Beaucoup de citoyens n’y voient qu’un plan d’assistance publique aux millionnaires de Wall Street. Les parlementaires redoutent donc la sanction dans les urnes s’ils prennent position pour un plan de ce type. Les républicains sont dans une position particulièrement inconfortable. Ils craignent de faire les frais de la colère d’un électorat qui pourrait bien ne pas leur pardonner, après le fiasco irakien, la débâcle financière des années Bush et leur idéologie antirégulation, dont tout le monde convient qu’elle est une des causes de la situation.
Les républicains ont décidé de rompre publiquement avec "Calamity Bush"
Beaucoup de républicains semblent donc avoir décidé de rompre publiquement avec "Calamity Bush" pour sauver leur peau électorale. Ils campent sur leurs positions idéologiques conservatrices qui font du refus de toute intervention de l’État un tabou inviolable. Ils jouent aussi sur la fibre populiste qui fait soupçonner par principe aux Américains les motivations et l’efficacité de mesures émanant de Washington et de Wall Street, ces deux responsables du désastre qui cherchent à leur faire payer les pots cassés en leur faisant peur. La grande question de vendredi est donc de savoir si McCain va au final entériner le plan Paulson remanié et parvenir à y rallier les rebelles de son propre camp. Il a insisté sur la nécessité de prendre rapidement des mesures contre la crise, dont il reconnaît la gravité, mais n’a pas clairement pris position jusqu’à présent sur le plan Paulson.
Il a dit jeudi soir "comprendre les préoccupations qu’il faut prendre en compte" des opposants à ce plan. Il peut être tenté de prendre la tête de la rébellion, jouer la rupture avec Bush et se poser en défenseur intransigeant de l’Amérique profonde contre les manigances des politiciens de Washington et des financiers de Wall Street, pour capter la veine populiste qui bat dans une partie de l’électorat, et dont il a toujours été proche. Il n’est pas certain, en outre, qu’il ait assez d’influence pour faire rentrer dans le rang les rebelles de son parti, et dans ce cas, il risque de se voir obligé de suivre le courant.
Ce serait bien sûr prendre le risque d’ajouter une vraie crise politique à la crise financière, et laisser le Titanic de l’économie aller se fracasser contre l’iceberg de la crise du crédit dans l’espoir de renverser le cours de la campagne qui lui est pour l’instant défavorable. Le "Maverick", l’inclassable, tête brûlée et joueur invétéré a prouvé par le passé être suffisamment imprévisible pour qu’on hésite à parier sur le choix stratégique qu’il fera, comme sur la question de savoir s’il ira ou non à Oxford débattre avec Obama.
Messages
1. Face à Obama, McCain fait durer le débat sur le débat, 26 septembre 2008, 15:19
Progression vers le krach annonçé par Bush pour lundi prochain , et que le monde entier apprehende :
De Wall Street à l’ONU
26 septembre 2008 — Il est vrai que la session annuelle de l’ONU a paru bien pâle, en sensation médiatique et en importance des événements, à côté des événements de la crise financière puis politique courant de Wall Street à Washington. Il n’en reste pas moins que la chose a, justement à cause des liens qu’on peut établir avec la crise de Wall Street-Washington, une importance complémentaire très intéressante. Effectivement, cette crise de Wall Street-Washington fut extraordinairement présente à la tribune des Nations-Unies, ce qui montre certes que les speechwriters se sont adaptés aux circonstances avec brio, mais surtout que les circonstances étaient irrésistibles.
Par exemple, le Times de Londres (ce 25 septembre), comme toujours qualifié par nos soins de “peu suspect d’anti-américanisme” pour faire mesurer sa présentation par contraste, glose sur cette présence écrasante de la crise US et de la crise du capitalisme à la tribune de l’ONU. Le “capitalisme US” est en procès, si pas d’ores et déjà condamné.
« As the US sought to find a way out of the financial crisis, its critics at the United Nations were gloating over what they described as the crumbling of US capitalism.
»Miguel D’Escoto Brockmann, the former Sandinista revolutionary in Nicaragua who is now serving as president of the UN 192-nation General Assembly, broke with protocol in his opening speech to denounce the “unbridled greed and irresponsibility of the powerful.” “More than half the world’s people languish in hunger and poverty while more and more money is spent on weapons, war, luxuries and totally superfluous and unnecessary things,” he said.
»Cristina Kirchner, Argentina’s Pernonist president, said the world could no longer talk of the “Tequila Effect” or “Caipirinha Effect” emanating from developing nations such as Mexico or Brazil. “Now we should talk about the ’Jazz Effect’ coming from the centre of the world’s leading economy,” she said. President Mahmoud Ahmadinejad of Iran, meanwhile, baldly proclaimed : “The American Empire is reaching the end of the road.”
»Even friends of the United States took aim at greed on Wall Street. “We must not allow the burden of the boundless greed of a few to be shouldered by all,” President Luiz Inacio Lula da Silva of Brazil told the assembly. »
Autre commentaire à retenir pour entretenir notre propos, celui de Pépé Escobar, qui décrit également le lien entre l’ONU et Wall Street, sur Atimes.com du 26 septembre. Il le place dans un contexte plus large, qui est celui de la transformation du monde vers un ensemble multipolaire, d’autant plus évidente et accélérée à cette occasion que l’unipolarité essuie un coup terrible avec la crise du système financier US.
« The George W Bush administration’s US$700 billion no-accountability scheme, globally, informally dubbed “cash for trash”, is making all the headlines. Simultaneously, there’s the small matter of the United Nations General Assembly sanctioning the troubled birth of a new, multipolar world. As a 21st-century counterpart to the Dadaist Manifesto, this chain of events is priceless.
»One just had to listen to the speeches. Brazilian President Lula da Silva passionately expounded the new political, economic and commercial geography of the multipolar world. He praised the Union of Latin American Nations (UNASUR) – the first treaty uniting all South American nations in 200 years. He blast supranational economic institutions that now have no authority – and no policies – to prevent “speculative anarchy”.
»French President Nicolas Sarkozy correctly described the Wall Street meltdown as the biggest crisis since the 1930s. He is proposing to “rebuild” capitalism – in fact, in his original French, to “moralize” capitalism, not subjected to wily market operators, with banks financing development and not engaging in speculation, and with firm control of credit agencies. Sarkozy described speculators as “the new terrorists”. US Republicans of course call Sarkozy’s plan socialism – as if the Ben Bernanke-Hank Paulson bailout scheme was not no-holds-barred socialism for the wealthy.
»UN general secretary Ban Ki-moon urged the democratization of the UN. This would mean in practice a new International Monetary Fund and a new World Bank - both still controlled by the US and Western Europe. »
Les langues se délient
Bien sûr, nous ne pouvons rater l’essentiel qui est ici à répartir sur deux points que nous prendrons comme autant de confirmations. La session de l’ONU a été intéressante dans cette mesure où elle a constitué une sorte de commentaire de deux événements considérables.
• Un commentaire direct d’abord, de cet événement que nous avons désigné comme la mort du diktat de l’idéologie néolibérale. Le déchaînement a été remarquable, contre ce système de la cupidité aveugle, du creusement stupide des inégalités, de la déstabilisation et de la déstructuration érigées en règlement général de la civilisation. Ainsi qualifie-t-on aujourd’hui, à la tribune des Nations-Unies et sans soulever la moindre protestation, le système qui, il y a seulement treize mois, avant les premiers signes spectaculaires de la crise, au Royaume-Uni en août 2007, bénéficiait d’un enthousiasme absolument terroriste, d’une approbation qui sonnait comme une consigne sans réplique. L’évolution est effectivement remarquable, à mesure, après tout, de la force de l’ébranlement auquel nous assistons.
Le calendrier fait donc bien les choses, ou bien est-ce le deus ex machina des crises en cours. L’explosion de Wall Street enchaînant sur le chaos de Washington a reçu aussitôt la confirmation officielle de son importance essentielle dans la plus pompeuse des assemblées mondiales. Il est acté aujourd’hui qu’il est presque de bon ton de mettre en cause le dogme, pour un peu cela deviendrait une sorte de mode, presque un conformisme. (Il faut noter que la chose se voit au niveau des hommes politiques en charge des exécutifs, beaucoup moins au niveau des institutions internationales, encore moins bien sûr au niveau US. C’est là une source désormais assurée de tensions, alors que n’existe plus, effectivement, le diktat qui exerçait sa dictature sur les esprits.)
• Un commentaire indirect ensuite, sur la connexion impérative entre les différents “soubresauts” de la crise centrale. Le monstrueuse “crise sectorielle” de Wall Street suivie du chaos washingtonien qui se poursuit ne peuvent être cadenassés derrière l’étiquetage des affaires intérieures. Les USA le voudraient bien, ils vivent d’ailleurs ces événements de cette façon, avec cet autisme, cet isolationnisme psychologique qui ont toujours été dans leurs traits caractéristiques. Cette attitude qui semblait auparavant être l’apanage d’une puissance sans exemple et sans besoin d’aide extérieure n’a plus aucun crédit ni le moindre effet ; on dirait même qu’elle est contre-productive, qu’elle aggrave l’acte d’accusation porté contre les USA.
La “crise sectorielle” du système financier US avec son enchaînement de la “crise sectorielle” du pouvoir politique à Washington constitue donc une cause mondiale. Le monde globalisé le veut ainsi, c’est donc la pression américaniste qui a engendré le monde globalisé qui l’a voulu ainsi. Le monde parlant à la tribune de l’ONU a commenté directement et sans prendre de gants la crise intérieure de l’américanisme, pour en dénoncer les causes, elles aussi américanistes, sans la moindre gêne, sans une seule seconde songer que cela aurait pu être considéré comme une ingérence intérieure, que cela aurait été exactement cela in illo tempore.
La plaidoirie revient aussitôt, comme le montre Escobar, à imposer cette nouvelle réalité du monde multipolaire, celle que plaide Moscou depuis la crise géorgienne. (Et celle qu’admettent d’autres dont, ô surprise, les Allemands.) Plus encore, c’est une situation de monde multipolaire où l’un des pôles, celui qui prétendait être le seul pôle de puissance du monde l’instant d’auparavant, est violemment mis en accusation.
Le décloisonnement est réalisé entre les deux crises (financière et géopolitique, celle du système économique et celle du système des relations internationales) et le verdict est sans appel. Contrairement aux déclamations de robot de Condi Rice, l’isolement, à la tribune de l’ONU, était plus que jamais celui des USA mis en accusation par the Rest Of the World. Même si c’est sans songer à mal, Sarkozy a apporté son écot avec la belle formule de faire des traders de Wall Street les inspirateurs et les acteurs d’un “nouveau terrorisme”. La formule est jolie parce qu’elle porte sa dose d’anti-américanisme involontaire, qu’elle dissimule à peine son potentiel déstabilisateur dans la mesure où les traders de Wall Street ne sont pas un accident monstrueux du système mais son prolongement, voire son aboutissement logique. Si l’on en fait des “nouveaux terroristes”, c’est implicitement – et certes involontairement, c’est notre conviction évidente devant le visage sans malice du président français à la tribune de l’ONU, – le système en son entièreté qu’on charge de l’opprobre d’être lui-même terroriste, “nouveau” ou pas qu’importe. Mais qui cela peut-il étonner, à part Sarko quand on lui révélera la chose ?
Nous progressons et le travail de décloisonnement devient un travail de déconstruction. Là aussi, Sarko a mis la main à la pâte. Lorsqu’il annonce gravement que « le monde va mal », il met en cause un système et son contentement de soi, ce qui est évidemment la marque de fabrique de la position des Anglo-Saxons, si parfaitement satisfaits du monde qu’ils nous ont donnés. Le procès est sévère puisqu’il porte sur la vanité de l’acteur principal, qui fut le moteur principal du monde anglo-saxon, – vanité qui fut et qui reste sans doute, si l’on se réfère à la totale incapacité de cette psychologie de tirer quelque leçon de ce soit de son propre destin. Le procès s’accompagne, pour les Français, de la sensation roborative renouvelée d’être à la pointe d’un mouvement général, où ils sont fortement soutenus notamment par les Allemands, eux-mêmes déchaînés contre le système US.
Nous progressons et les langues se délient.
http://www.dedefensa.org/article-de_wall_street_a_l_onu_26_09_2008.html