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« Faillite contrôlée » d’un géant

Publie le jeudi 18 septembre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

TEMPS FORT
Le Temps I Article

« Faillite contrôlée » d’un géant

Le secrétaire au Trésor Henry Paulson. Cet ancien banquier n’est pas parvenu à réunir des fonds privés et a demandé à la Réserve fédérale de mettre AIG à l’abri de la faillite.

• AIG, l’assureur américain, était devenu une grenade dégoupillée ; l’Etat l’a neutralisée.
• C’est un nouveau fleuron de la finance qui tombe, une entreprise inventive.
• Le coupable : le CDS, un produit structuré dont le suremploi s’est révélé toxique.

Myret Zaki
Jeudi 18 septembre 2008

C’est l’histoire d’une gigantesque « faillite ordonnée » à 85 milliards de dollars. L’Etat américain, pris dans le tourbillon le plus destructeur qu’ait connu Wall Street, doit injecter de sa poche des sommes de plus en plus colossales pour repêcher, en catastrophe, les fleurons de son industrie financière brisés par la crise des hypothèques à risque (subprime).

Dix jours après les géants hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac, mis sous tutelle du gouvernement, Washington est venu à la rescousse, dans la nuit de mardi, du géant de l’assurance American International Group (AIG), menacé par la faillite la plus spectaculaire de l’histoire financière. Le Trésor américain a orchestré une prise de contrôle étatique, à 80%, du numéro un mondial de l’assurance, en échange d’un prêt record de 85 milliards consenti par la Réserve fédérale de New York.

L’enjeu : sauver le système financier mondial de la déstabilisation qu’aurait provoquée l’effondrement de ce groupe présent dans 130 pays et qui assure 74 millions de clients (lire ci-dessous). Les inquiétudes au sujet d’AIG avaient provoqué la panique de ses clients jusque dans ses filiales en Inde, à Hong Kong, à Singapour et en Thaïlande. Mercredi à Singapour, des assurés faisaient encore la queue par centaines, durant trois heures parfois, pour résilier leurs polices ou s’enquérir de leur situation. Suite à l’annonce, les indices boursiers s’enfonçaient toujours dans le rouge, sur fond d’extrême fébrilité, les investisseurs essayant déjà de deviner quelle sera la prochaine victime.

Aucune solution privée n’avait abouti pour sauver AIG. Mardi, tard dans la nuit, la sueur perlait sur le front des représentants du Département du trésor. Ils tentaient, des heures durant, de persuader Goldman Sachs et JP Morgan Chase de réunir un consortium de banques pour avancer dans les 24 heures un crédit-relais de 70 à 75 milliards à AIG, incapable d’honorer ses engagements. En vain. Henry Paulson, secrétaire au Trésor, qui a pourtant dirigé Goldman Sachs jusqu’en 2006, n’a pas réussi à convaincre cette dernière de mettre la main au porte-monnaie : les discussions ont capoté car les banques divergaient avec l’assureur en quasi-faillite sur la valeur des actifs qu’il proposait en garantie contre ce crédit.

Les besoins de recapitalisation d’AIG étaient énormes, les estimations allant jusqu’à 100 milliards. Le gouvernement n’avait plus le choix. Lui seul pouvait et devait tirer d’affaire le colosse chancelant. Mardi après-midi, les responsables du Trésor et de la Réserve fédérale se sont réunis avec le président George W. Bush à Washington. Mercredi matin, on apprenait que la Réserve fédérale de New York acceptait d’octroyer le prêt, qui court sur deux ans. En échange, le gouvernement procède, en réalité, à ce qu’il convient de qualifier de « saisie » plutôt que de « nationalisation » de ce pilier du secteur américain de l’assurance. Car le groupe défaillant devra payer, sur la dette fédérale, un taux intérêt de 8,5% au-dessus du Libor. Le taux, clairement punitif, signifie que l’assureur n’a pas été subventionné par l’argent du contribuable : en réalité, AIG ne sera pas viable. Si la Réserve fédérale ne prévoit pas explicitement de démanteler le groupe, ce dernier ne pourra honorer ses intérêts qu’en vendant des divisions.

Au final, le plan du Trésor sert uniquement à fournir des liquidités à l’entreprise, le temps qu’elle puisse honorer ses créanciers, puis qu’elle vende ses actifs « de manière ordonnée » plutôt que dans l’urgence, afin qu’elle ne déstabilise pas les marchés financiers mondiaux. Telle était la grande crainte des autorités. A terme, les intérêts des actionnaires d’AIG seront sacrifiés, d’autant que la banque centrale se réserve le droit de leur refuser le versement de dividendes. Ces derniers avaient d’ailleurs bien saisi la situation, mercredi : l’action d’AIG a perdu 40% suite à l’annonce. Sa capitalisation boursière est tombée à 6 milliards de dollars, alors que ce groupe valait encore près de 200 milliards en bourse en 2007. La nationalisation d’AIG, après la mise sous tutelle de Fannie Mae et de Freddie Mac, l’absorption de Bear Stearns par JP Morgan Chase, la faillite de Lehman Brothers, et le rachat de Merrill Lynch par Bank of America, vient amplifier le sentiment qu’un rouleau compresseur est en train de balayer, jour après jour, des institutions majeures du paysage financier américain. Un bouleversement historique.

Mais alors que l’on semble avoir atteint le paroxysme de la crise, serait-ce le dernier acte qui est en train de se jouer ? « L’accélération de la consolidation du secteur financier américain prend des allures certes dramatiques, mais nous arrivons au stade final de la crise », pense Marco Annunziata chef analyste de UniCredit.

« Credit default swap » : les « subprime 2.0 »
Jean-Pascal Baechler
A priori, le CDS ou « credit default swap » est un produit dérivé recommandable. Ce « contrat d’échange de défaillance de crédit » permet à son acheteur de s’assurer contre le risque de défaut de paiement associé à un titre de dette ou à un crédit. Autrefois confidentiel, il est devenu en quelques années un marché très chaud.

La taille de ce dernier est passée de 6396 milliards de dollars à fin 2004 à 57894 milliards à fin 2007. Sur cette période, le rythme de croissance a été démentiel : 108% chaque année, alors que le total du marché des dérivés de gré à gré a progressé de 32% par an.

Le principe du CDS ressemble à celui d’une assurance. L’acheteur paie régulièrement une prime à l’émetteur. En contrepartie, celui-ci s’engage à le dédommager en cas de défaillance. Mais, à la différence d’un contrat d’assurance, le CDS échappe à toute réglementation et s’échange hors bourse, de gré à gré.

Notamment, l’acheteur n’a pas à posséder l’actif sous-jacent et le vendeur n’a pas d’obligation de mettre en réserve du capital pour couvrir l’engagement. Le CDS est donc un extraordinaire instrument de spéculation.

L’explosion des volumes fait d’ailleurs craindre depuis plusieurs mois l’effondrement de ce marché : la crise « subprime 2.0 », c’est-à-dire une crise plus importante que celle des hypothèques américaines à risque. Le volume de CDS est un multiple des quelques milliers de milliards de dollars que représentent ces dernières.

Un coup de semonce a été entendu ce printemps, avec le conflit autour de CDS vendus par une filiale de l’assureur bermudéen XL Capital à Merrill Lynch. La mise en faillite lundi de Lehman Brothers, premier acteur mondial sur ce marché, a fait craindre une catastrophe provoquée par un débouclage désordonné des contrats et une cascade de pertes pour les instituts financiers. Les menaces sur AIG, dont l’exposition créée par la vente de CDS via une filiale financière se montait à 440 milliards de dollars, ont transformé la crainte en panique. La nationalisation de l’assureur a permis d’éviter le naufrage.

Messages

  • Le naufrage est juste differé de quelques mois, semaines :

    Il n’y a plus de pilote dans l’avion depuis des mois

    Economist recounts talk with Fed chairman

    By Joshua Boak | Chicago Tribune reporter
    September 17, 2008

    NAPLES, Fla. — Several months ago, economist David Hale had a private meeting with Federal Reserve Chairman Ben Bernanke, who was trying to ward off a recession by lowering interest rates and increasing the money supply in the economy.

    The problem with that approach is that the value of the dollar plunged against foreign currencies, causing crude oil prices to skyrocket because oil is pegged to the dollar. It affected food prices, gasoline and family budgets......

    http://www.chicagotribune.com/business/chi-wed_oilsep17,0,4833605.story

  • Ceux qui ont le pouvoir de reformer sont restés les bras croisés depuis 2 ans sans vouloir savoir ? :

    Le mécanisme est diabolique !

    Comprenez bien ceci : L’effondrement immobilier a conduit à l’implosion des subprime, qui a entraîné (et entraînera encore un bon moment) des dépréciations d’actifs massives et des provisions bancaires en chaîne. D’où une baisse généralisée des actifs qui creusent davantage encore les pertes des banques. Ces dernières se voient obligées de constituer à nouveau des provisions, ce qui fait fondre leurs fonds propres.

    Comme les banques doivent avoir un capital minimum (ratios prudentiels), elles doivent vendre une partie de leurs actifs dépréciés pour reconstituer leurs fonds propres. En faisant cela, elles précipitent à nouveau le prix des actifs à la baisse, ce qui creuse à nouveau leurs pertes. A nouveau, les fonds propres deviennent insuffisants, donc il faut à nouveau vendre des actifs (encore plus dépréciés qu’au tour d’avant), ce qui entraîne à nouveau une baisse des actifs, etc.

    A ce rythme, les actifs vont se rapprocher à vitesse grand V de la valeur "0" ! Les banques sont obligées de vendre, de par la réglementation prudentielle. Or en face, il n’y a pas d’acheteurs. Vous iriez rachetez leurs actifs bancaires pourris, vous ?

     Un méga jeu de dominos est en place. Et la spirale déflationniste est à l’oeuvre

    Tout comme vous, les grands investisseurs privés, les hegde funds ou les fonds d’investissement ont tout vendu et restent cash ! Pas question de se positionner pour l’instant. L’attentisme prédomine. Et ce tant qu’ils seront certains que la spirale baissière qui détruit les actifs n’est pas terminée.

    Seule la Fed rachète pour l’instant les actifs risqués des banques franchement en mal de liquidités. Mais la Fed ne peut pas racheter tous les actifs pourris, au risque de finir elle-même par imploser ! Elle a elle aussi ses limites. Et ça, pour l’instant, personne n’en parle...

     Par : Isabelle Mouilleseaux

    http://www.24hgold.com/viewarticle.aspx?langue=fr&articleid=317587_Nous+assistons+à+un+effondrement+généralisé+des+actifs

    • pour que la fed survive, il faut rapatrier 60 milliards par mois or depuis des mois l’argent se casse et ça on le dit pas, il est evident que ça va se calmer mais les retraites capitalisées seront detruites, c’est comme si un mec vendait sa rolls et devant lui il y avait plus que des smicards pour acheter, devinez combien il va la vendre sa caisse ?on m’avait expliquer il y a des années ce qu’était un fond de pension , un banquier qui disait la verité, et voila que ce qu’il avait prevu arrive