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Faire de l’Egypte une immense place Tahrir !
Publie le jeudi 24 février 2011 par Open-Publishing3 commentaires
Inès Taha, doctorante égyptienne à l’université de Grenoble a pris part à l’occupation de la place Tahrir, du 9 au 21 février. Elle a répondu à quelques questions sur cette expérience militante exceptionnelle.
Q : La place Tahrir a été un lieu central dans le processus révolutionnaire qui a entraîné la chute de Moubarak. Peux-tu nous dire quelques mots sur la manière dont s’est organisée l’occupation ?
Inès Taha : L’occupation a rassemblé au plus fort 4 millions de personnes du Caire et de province, qui partageaient la même conviction : Tenir jusqu’à la chute du régime. La durée de l’occupation et le fait qu’elle se tienne jour et nuit a nécessité de mettre sur pied un système de gestion collective des tâches politiques et de la vie quotidienne.
Il est remarquable de voir à quel point l’organisation s’est basée sur des « initiatives populaires », c’est-à-dire absolument pas sur la base des directives de leaders, ou d’organisations politiques. Les gens se sont vraiment organisés par eux-mêmes.
Pour donner quelques exemples, la protection des militants face aux milices de Moubarak – impliquant de relever l’identité et fouiller les personnes se rendant sur la place – a été prise en charge collectivement par des équipes tournantes de volontaires. La nourriture était également gérée en commun, financée grâce à des collectes et distribuée gratuitement.
Par ailleurs, de nombreux espaces avaient une fonction spécifique : lieu consacré à l’éducation et à la garde des enfants animé par des enseignants, atelier peinture, « zone hôpital » gérée par des étudiants en médecine et des personnels de santé, « espace prière » pour chrétiens et musulmans. Autre création remarquable : des toilettes et sanitaires construits pour l’occasion par des étudiants en école d’ingénieurs. Un bémol, tout de même : l’absence de douches !
Q : Cette vie collective tournée vers un objectif politique commun a remis en cause de nombreuses normes et habitudes, notamment en terme de rapports homme/femme. Peux-tu nous préciser cet aspect ?
Inès Taha : Beaucoup d’interdits ont été battus en brèche. (Par exemple, la cigarette pour les filles, voilées ou non) La mixité dans les espaces de couchages – inimaginable, quelques semaines plus tôt – s’est imposée comme une évidence. La proximité permanente et l’objectif politique commun a vraiment favorisé des relations égalitaires dans les tâches telles que le nettoyage mais aussi dans les discussions politiques.
Q : Justement, peux-tu nous dire quelques mots sur cette effervescence politique et sur ce nouveau mouvement de jeunes, issu de l’occupation de la place Tahrir auquel tu participes ?
Inès Taha : Les débats politiques étaient ininterrompus sur la place. Certains partis traditionnels avaient leur propre espace. (Frères musulmans, communistes…) Mais surtout, de nombreux groupes souvent improvisés, politiques ou artistiques (Sound system), avaient pris place sur des podiums dispersés sur la place, la plupart des gens circulant de l’un à l’autre.
C’est dans ce contexte de débat et d’action permanents que sont nés « Les Jeunes de la place », un mouvement de jeunes qui se sont rencontrés lors de l’occupation de la place Tahrir et qui n’avaient pas milité précédemment dans une organisation politique.
L’objectif général de ce nouveau mouvement est de construire une alternative à l’élite politique liée au régime et déconnectée du peuple, mais aussi de marquer une rupture par rapport à l’opposition traditionnelle à Moubarak. Le projet politique n’est pas encore complètement abouti. Mais l’idée directrice est de poursuivre la révolution et favoriser un nouveau pouvoir par en bas. La participation aux élections est pour l’instant une question que nous n’avons pas tranchée.
Q : Tu parles de poursuite de la révolution et de « pouvoir d’en bas », qu’est-ce qui pourrait, selon toi, permettre d’avancer dans ce sens ?
Inès Taha : Nous voulons permettre au peuple de s’organiser, de se former. Concrètement, notre tâche est de prendre contact avec un maximum de personnes qui partagent nos idées et organiser des débats partout dans le pays. Nous voulons développer au maximum les nouveaux espaces de démocratie qui s’ouvrent maintenant. Pour que l’Egypte entière soit une immense place Tahrir !
Le 23 février 2011
Messages
1. Faire de l’Egypte une immense place Tahrir !, 24 février 2011, 11:03
"... les nouveaux espaces de liberté qui s’ouvrent..." (je cite)... Quand est-il de l’information récente qui dit que l’Armée égyptienne interdit les luttes sociales et syndicales pouvant gêner l’économie ? J’avoue n’avoir pas plus d’info pour l’instant. Si un lecteur de Bella Ciao a l’information précise, merci de la communiquer.
1. Faire de l’Egypte une immense place Tahrir !, 24 février 2011, 11:11, par Cat
Les grêves et manifestations continuent en Egypte, il suffit de naviguer un peu sur la toile et grappiller les infos...tu peux même traduire les articles en arabe avec des outils de traduction automatique, ça donne un meilleur résultat avec l’anglais qu’en français cela dit, mais bon, tout est à portée de clic...
2. Faire de l’Egypte une immense place Tahrir !, 24 février 2011, 12:47
et à bahrein
A peine rentré dans son pays après une absence de trois mois pour se faire soigner, le roi saoudien Abdallah ben Abdel Aziz a accueilli le roi du Bahreïn Hamad ben Issa al-Khalifa, accouru pour recevoir le soutien saoudien contre les mouvements de protestation au Bahreïn.
Comme tous les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite a affiché son soutien total aux autorités bahreïniennes dès le début des manifestations populaires. Protéger le régime de Bahreïn constitue l’une des préoccupations primordiales des régimes du Golfe, qui craignent que « la contagion » de la révolte en Egypte et en Tunisie ne mette un terme aux règnes des familles royales qui datent depuis des décennies, voire des siècles !
En attendant le début du dialogue des autorités bahreïniennes avec l’opposition, les manifestants ont promis de poursuivre leur rassemblement sur la place de la Perle.
"Même s’ils me mettent le revolver dans la bouche et m’ordonnent de partir, je ne quitterai pas" la place, a déclaré Sabah Abadi, un fonctionnaire à la retraite qui campait sous une tente avec son fils et ses amis sur la place du centre de la capitale. "Je suis ici jour et nuit".
100 000 manifetants sur 700 000 habitants qui dit mieux ?