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Fermetures de classes...pour une politique de classe !

Publie le samedi 10 avril 2010 par Open-Publishing
5 commentaires

Suite à la commission paritaire du 1 avril 2010, L’Inspecteur d’Académie (IA) de l’Eure a placé, entre autres, les écoles de Pitres et du Manoir, toutes deux classées en ZEP, en situation de fermeture de classe « conditionnelle ».
Ce cas est tout à fait symptomatique de la politique du gouvernement en matière d’éducation !

C’est mathématique parait-il ! Les effectifs sont en baisse, il convient donc, pour garantir l’efficacité du service public d’éducation, de reprendre des postes aux écoles trop dotées…

Que se cache-t-il derrière l’argumentaire prétendument efficace, égalitaire et juste des services de l’IA 27 ?

Comment comprendre que tant de fermetures de classes surviennent dans le département de l’Eure alors que ce département devrait enregistrer une hausse de 650 élèves et une dotation de 35 postes supplémentaires ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de posséder plusieurs éléments de compréhension :

• Tout d’abord, la réforme de formation des enseignants, en supprimant les IUFM (Instituts Universitaire de Formation des Maitres), en portant à bac +5 le niveau requis pour passer le concours de professeur des écoles et en supprimant l’année de stage après le concours a entrainé la disparition pure et simple des moyens de remplacements des stages de formation des enseignants et des décharges de directeur d’écoles de 4 classes. En effet, jusqu’à présent, les PE2 (enseignants stagiaires ayant obtenu le concours de professeur des écoles) prenaient en charge un jour par semaine la classe des directeurs d’écoles de 4 classes, leur permettant de s’occuper des nombreuses taches administratives qui leur sont imposées. Les PE2 effectuaient aussi 2 stages de 3 semaines dans l’année dans la classe d’enseignants partant en formation.

• La disparition des PE2 pose donc un terrifiant problème à l’administration : qui assurera les taches dévolues jusqu’alors aux PE2 ? Une seule solution : des remplaçants ! Problème : ces postes de remplaçants devant être créés à moyens humains fixes (voire en baisse, merci le principe du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux !), il faut donc fermer des classes pour « créer » ces fameux postes de remplaçants… Dit autrement, les élèves du Manoir et de Pitres qui risquent de voir leurs conditions de travail se détériorer seront les « dommages collatéraux » de la politique de mastérisation (recrutement des enseignants à Bac+5) du gouvernement !

• On peut en outre mettre en perspective cette décision de fermeture avec les récentes enquêtes de sociologues qui ont démontré que les conditions d’enseignement avaient un impact beaucoup plus important chez les familles en difficulté que chez les familles aisées !!!

En décidant, par pure logique comptable (à un élève près !!) de fermer des classes à Pitres ou au Manoir sur Seine, l’Inspection Académique fait le choix délibéré de sacrifier les chances de réussite scolaire de ces enfants qui ont un besoin absolu d’Ecole !

Il n’est qu’un pas à franchir pour penser que nos dirigeants font le choix délibéré de priver d’éducation et de toute possibilité d’émancipation, toute une frange de la population qu’il entend ainsi maintenir « sous contrôle » !

Cela se recoupe avec l’abandon de toute formation « pédagogique » des enseignants, alors que l’on sait, comme l’a démontré l’expérience d’écoles pilote à pédagogie FREINET à Mons en Bareuil (59), qu’une démarche pédagogique coopérative et de qualité peut avoir un impact très fort dans les apprentissages et la relation à l’Ecole et aux savoirs chez les élèves en difficulté scolaire.

Cette décision est absolument inacceptable et chaque citoyen doit apporter son soutien plein et entier aux parents d’élèves et aux enseignants en lutte, à Pitres, au Manoir sur Seine et partout où des classes sont menacées de fermeture, pour empêcher ces fermetures et ces dégradations iniques des conditions de travail des enfants.

Cédric Forcadel, Romilly sur Andelle
 http://cooperacteur.over-blog.com/

Messages

  • Je suis glogalement d’accord avec cet article : effectivement, la dégradation du service public éducatif nuit davantage aux classes populaires qu’à la bourgeoisie. J’ayouterai que le manque de combativité des directions des syndicats enseignants pour affronter vraiment ce gouvernement est à dénoncer...

    En revanche, le débat pédagogique me semble stérile : peut-on sérieusement regretter la "formation" que dispensaient les IUFM ? la pédagogie Freinet est-elle, de manière indiscutable et évidente, la seule pédagogie digne de ce nom ?

    N’est-il pas temps de cesser de se diviser sur des questions pédagogiques et de se rassembler sur des questions politiques ?

    • Dans la Manche, mêmes logiques à l’oeuvre (45 élèves en plus 15 postes en moins, du jamais vu), et les zones de rural profond sont particulièrement touchées : 2 fermetures de collège l’an prochain (Juvigny et Le Teilleul) !!

      Sur les syndicats enseignants, j’ai l’impression qu’ils sont un des rares secteurs où ils sont assez combattifs, et que c’est plutôt à la base que la résignation et l’apathie s’étendent, sauf très notables exceptions de belles luttes cette année (93, Lille, Marseille, cf. une liste très incomplète de bahuts en lutte : http://www.cetace.org/forums/viewtopic.php?f=14&t=221 ).

      Sans parler de débat pédégogique, n’est-il pas évident qu’une formation et un temps partiel (8h/18 jusque là, 6h il y a quelques années) permet une meilleure entrée dans le métier qu’un temps plein (ou presque) dès la rentrée + formation d’une demi-journée (situation de Créteil par exemple). Désastre annoncé pour les jeunes qui vont débuter - et pour leurs élèves...

    • 8 heures de service, c’est mieux que 18h, nous sommes d’accord : ce n’est pas là un débat pédagogique, mais un combat syndical.

      Cela n’empêche pas que la "formation" des IUFM avec des "formateurs" juges et parties était en dessous de tout...

      La lutte contre la mastérisation n’est pas principalement une question pédagogique... c’est avant tout la revendication du maintien du statut de focntionnaire stagiaire, et au delà, l’exigence du maintien du statut de professeur-fonctionnaire d’Etat, contre les EPLE, les projets locaux, et l’autonomie des établissements.

    • Pareil : ce n’est pas la disparition des IUFM qu’il faut regretter (une immense perte de temps pour l’essentiel) mais le passage de 8h (avant 6h !) à 18h pour les jeunes enseignants.

    • D’accord pour dire que la formation en IUFM était très largement améliorable, et c’est un doux euphémisme...

      Il n’empèche que la question pédagogique revêt une importance toute particulière : le type de pédagogie employée a en effet un impact beaucoup plus fort chez les catégories défavorisées...

      Ne pas s’emparer de cette question, c’est accepter un avantage de fait pour les populations favorisées dont la famille possède les clefs et codes du système scolaire (Bourdieu et Passeron sont toujours d’actualité)
      Pour que l’école ne soit pas la "chasse gardée" des élites et le terrain de la reproduction sociale, il est impératif de réfléchir aux pédagogies les plus efficaces et utiles pour les élèves en difficulté ou appartenant à des classes dites défavorisées...

      Je reste donc convaincu que le combat pour une école créatrice de justice se joue sur le politique ET le pédagogique. L’égalité des chances est un leurre puisqu’elle ne gomme pas les différences des milieux sociaux et culturels des enfants...C’est vers une égalité de réussite qu’il faut tendre...

      On peut d’ailleurs penser que l’aspect pédagogique est un aspect hautement politique : promouvoir une école de la compétition, de la sélection et de l’individualisme n’est pas neutre et ne génère pas la même société qu’une pédagogie orientée vers la coopération, la formation, la responsabilisation des élèves et le respect des rythmes...

      La pédagogie de type Freinet n’est effectivement pas la seule digne de ce nom ;-)
      Cependant, et c’est la raison de mon exemple, c’est à ce jour la seule dont les effets sur les élèves de ZEP ont été évalués sur un temps long par une équipe de chercheurs qui ont constaté, pour cet exemple particulier, des effets indéniablement positifs, tant sur le plan des apprentissages que du rapport à l’école, de la diminution des actes de violences...

      Pour les petits curieux : compte rendu de cette expérience menée à Mons En Bareuil dans le livre suivant :
      Une école FREINET, fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire, sous la direction de Yves Reuter.

      Amicalement
      Cédric Forcadel