François Bayrou n’est ni de gauche, ni de gauche…

François Bayrou propose donc une France réconciliée avec elle-même, puisque la France n’est ni de droite, ni de droite…

François Bayrou s’oppose résolument à Nicolas Sarkozy, qu’il soutient depuis des années, puisqu’il a voté la quasi-totalité des lois proposées par le groupe UMP à l’Assemblée.

François Bayrou a des propositions pour la France, la France a des propositions pour François Bayrou, François Bayrou a une France pour ses propositions… Autant dire que nous sommes bien là face à un destin présidentiel.

Examinons donc quelques-unes de ces propositions, ni de gauche, ni de gauche, afin de nous faire une idée sur le pragmatisme et l’objectivité du centrisme en tant que doctrine. Car le centrisme est au milieu, et le milieu est au centre, ce qui rassure un certain nombre d’électeurs désorientés.

Monsieur Bayrou sait faire preuve d’audace : afin de réduire le chômage, il propose une solution tout à fait neuve, ni de gauche ni de gauche, il propose de faire des cadeaux au patronat. Vous me direz, voilà qui est fait depuis des années, et sans aucun résultat autre que celui de gonfler les profits des exploiteurs. Oui, mais jadis, vous aviez des cadeaux au patronat de droite, et des cadeaux au patronat de gauche. Monsieur Bayrou prévoit des cadeaux au patronat objectifs.

En effet, pour toute entreprise, quelle que soit sa taille, Monsieur Bayrou propose une exonération de cotisations sociales pour deux employés, oui j’ai bien dit pour deux employés, c’est à prendre ou à laisser, deux employés au rabais ; et un rabais du centre, c’est un rabais qui vient du ventre ! Bien sûr, cela va davantage creuser le déficit organisé de la Sécu, mais il se peut fort bien que Monsieur Bayrou ait des amis chez Axa et que la sécu, conquête de la Libération – les communistes mon cher…- soit, dans le chef du candidat centriste, amenée à être privatisée… Mais attention, comme chacun sait, privatiser, ce n’est pas faire preuve d’idéologie, la privatisation n’est ni de gauche, ni de gauche…

Face au drame vécu par des millions de nos concitoyens, réduits à l’inactivité et à l’aumône, le candidat centriste démocrate-chrétien, qui ne manque jamais de verser son obole à la sortie de la messe, face à ce drame donc, Monsieur Bayrou est porteur de propositions fortes visant, non pas à livrer une main d’œuvre captive à ses amis entrepreneurs de l’Opus Dei, non, mais à rendre leur dignité aux assistés. En effet, Monsieur Bayrou propose aux érémistes d’occuper un petit emploi je cite « pour arrondir leurs fins de mois »… Sachant que, en toute logique, le total de leur rémunération ne saurait s’approcher trop du SMIC, je vous laisse imaginer le montant de l’aumône consentie… et puis l’important, c’est qu’ils retrouvent leur dignité, en rendant service, puisqu’il s’agirait d’offrir les érémistes aux associations et collectivités locales… Connaissant les manques criants dans certains secteurs, comme l’aide à domicile, les gardes d’enfants, l’aide aux personnes âgées, besoins auxquels, par souci d’économie, les gouvernements ni de droite ni de gauche – et inversement – ne veulent pas répondre, connaissant ces besoins, on vous laisse deviner par qui seront remplacées les infirmières et autres personnels statutaires de demain : oui, par des érémistes devenus des sous-salariés…

François Bayrou, qui endosse volontiers le pelage de l’agneau nouveau-né étranger aux manœuvres politiciennes et à l’exercice du pouvoir, a le cuir endurci par des années de combines et d’expériences ministérielles. Il fut, chacun s’en souvient, ministre de l’Education, et il a là aussi des propositions, où l’audace le dispute à l’innovation. François Bayrou veut lutter contre l’illettrisme, oui, vous avez bien entendu, François Bayrou, malgré les angles arrondis du centrisme, François Bayrou est contre quelque chose, il est contre l’illettrisme, et ça c’est vraiment courageux… Lire et écrire, c’est vraiment fondamental, si on veut relever les défis de demain, et ne plus se laisser berner par des attrape-nigauds du type « je me présente mesdames et messieurs, je suis ni de droite ni de gauche… »

Dans un entretien accordé au torchon gratuit « 20 minutes », le 24 mars dernier, Monsieur Bayrou fait montre de son projet pour vaincre l’illettrisme : « je veux discuter » (voila déjà un bon début, il veut discuter) « avec l’Education Nationale » (- bonjour madame l’Education Nationale, - bonjour Monsieur Bayrou) « sur les objectifs » (donc ça c’est le futur) « qu’elle peut » (donc c’est une possibilité) se fixer pour arriver à l’illettrisme zéro dans 5 ans ». Vu les modalités employées pour arriver à un tel résultat, les 5 ans seront écoulés que Bayrou n’aura pas fini de discuter. Mais justement, discuter, ce n’est ni de droite, ni de gauche, ça tombe très bien…

François Bayrou représente, non pas un espoir pour les Français, mais une possibilité, illusoire, de répit. Face au saccage de nos conquêtes, face à la paupérisation et à la précarisation qui rongent le pays, le choix qui se présente à nous est un choix de classe, qui oblige à voir les contradictions en face, et à nous débarrasser des dernières illusions sur la possibilité que le cours des choses s’inverse sans que nous, peuple, intervenions… Bayrou représente le dernier avatar, une neutralisation politique, une négation absolument irraisonnée du clivage droite/gauche, et donc de la lutte des classes – et c’est pour ça qu’il plaît, car la situation objective fait peur à beaucoup, et le vote Bayrou gomme, en surface, la notion même de conflit – ce qui ne fera que l’aiguiser davantage…

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant d’entendre, ici et là, pour ne pas dire à droite et à gauche, des voix appelant à un rapprochement entre PS et UDF. En effet, comme François Bayrou, le PS désormais n’est plus ni de gauche, ni de gauche… Avec Bayrou, la France de toutes nos forces, des forces de droite, mais aussi des forces de droite…

HDM
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