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Henri Emmanuelli sur RTL ce matin

Publie le lundi 14 mars 2005 par Open-Publishing
8 commentaires

Jean-Michel APHATIE : Bonjour Henri Emmanuelli. Vos déclarations de vendredi dernier font du bruit. Vous avez suggéré que les socialistes qui recommandent aujourd’hui le "oui à la Constitution Européenne" vous faisaient penser à ces députés socialistes qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pierre Laval en juillet 40. Vous seriez donc Henri Emmanuelli, le de Gaulle de ce nouveau siècle, l’homme qui dit non ?

Henri EMMANUELLI : Écoutez on me fait dire ce que je n’ai pas dit et je n’aime pas les associations d’idées.

Vous l’avez dit, oui.

Non. Je vais vous dire ce que j’ai dit et je n’aime pas les raisonnements analogiques. J’ai dit que la majorité du parti n’était pas infaillible, et j’ai donné deux exemples historiques où cela avait été le cas. Alors, par esprit d’association, par raisonnement analogique dont je laisse la responsabilité à ceux qui le font, on a dit que je comparais ceux qui votaient pour le oui à ceux qui avaient voté les pleins pouvoirs. Ce genre d’amalgame, j’y suis habitué, j’aurais dû me méfier. Ce que je regrette c’est que le fait que l’on fasse cet amalgame puisse choquer. Mais ce que je regrette aussi c’est que certains en fassent l’utilisation qu’ils en font, qui est une utilisation abusive, et un peu médiocre.

Vous avez dit : les socialistes se sont trompés en juillet 40. Les socialistes se sont trompés en 1956.

Non. Vous oubliez le départ, c’est ça qui est quand même anormal. J’ai dit : "la majorité du parti n’est pas infaillible et ça s’est vérifié dans l’Histoire". J’ai donné deux exemples. Si vous oubliez le début, ça n’a plus de sens ! Et c’est ce qui est fait systématiquement depuis samedi. Cela dit, je ne pense pas que ce soit ce qui passionne les Français. Moi je fais campagne contre le traité constitutionnel, et plutôt que de parler de petites phrases sans grand intérêt, moi j’aimerais que ceux qui sont pour le oui me donnent un peu leurs arguments. J’aimerais aussi pouvoir donner le mien.

Alors liquidons la querelle de votre déclaration. Vous avez évoqué "l’infaillibilité". On entend aussi autre chose. C’est comme si vous évoquiez une forme de trahison de la part de ceux qui soutiennent le oui à ce que vous définiriez comme un idéal du parti socialiste.

"Trahison", c’est un mot excessif. J’ai écrit dans la lettre ouverte aux militants que je pensais "que la sociale démocratie faisait une erreur historique", c’est tout de même pas la même chose.

La sociale démocratie, c’est François Hollande et la direction du parti socialiste, nous sommes d’accord ?

Oui, je pense qu’elle fait une erreur historique parce qu’elle ne prend pas en compte le problème majeur des années à venir, c’est-à-dire les délocalisations, la protection de l’emploi et du salarié en Europe. On promeut une sorte de libre échange sans précautions, qui va exposer des millions de salariés en Europe, à la précarité, au chômage ou à la pression sur les salaires. Et c’est ça mon problème principal, c’est pas les petites phrases des uns ou des autres !

C’est les vôtres, les vôtres Henri Emmanuelli.

Mais les miennes on les a bien déformées Monsieur Aphatie, et vous le savez parfaitement. Et ça n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on se livre à ce genre d’amalgame. Et je n’ai pas l’intention de polémiquer avec les socialistes. Moi je ne fais pas campagne dans le parti, je fais campagne dans le pays et je suggère à tout le monde d’en faire autant parce que les semaines passent, et je constate que sur l’argumentation on n’avance pas beaucoup.

Même vos amis ne vous ont pas compris Henri Emmanuelli. Jean-Luc Mélenchon, qui défend aussi le non à la Constitution Européenne, qui anime avec vous un courant, dit qu’il désapprouve totalement vos propos, et déclare que votre courant commun "Le nouveau monde", est désormais mis en sommeil. "C’est la fin d’une période", a t-il dit.

Écoutez, il y a eu une réunion du courant où il y a eu deux cents personnes, ça n’a pas été les conclusions. Alors chacun dit ce qu’il veut. Je viens de vous dire à l’instant que je ne polémiquerai pas avec les socialistes, qu’ils soient pour le oui, ou qu’ils soient pour le non. Moi ce qui m’intéresse, c’est d’essayer d’empêcher les Français de commettre une erreur, en acceptant, en avalisant une orientation libérale, qu’on veut leur faire avaler avec ce traité constitutionnel, mais aussi avec la directive Bolkestein avec la directive sur la réduction du temps de travail, sans parler du feu vert donné à la Commission pour les délocalisations. Ce qu’a fait Mme Hupner et ce qu’a répété Monsieur Baroso malgré les injonctions de Monsieur Chirac, en disant que les entreprises doivent, et peuvent, se délocaliser.

Vous voulez éviter une erreur Henri Emmanuelli. Vous voulez éviter une dérive libérale. Selon vous, l’erreur c’est la direction du parti socialiste qui la commet, la crise est grave au sein du parti socialiste Henri Emmanuelli.

Vous voulez m’entraîner dans une polémique avec le parti socialiste.

Mais c’est vous qui la créez la polémique.

Nous avons déjà eu ce débat au parti socialiste pendant des mois où nous avons dit cela, nous avons dit : attention, c’est une erreur historique. Il y en a d’autres que moi qui l’ont dit d’ailleurs, qui sont aujourd’hui un peu plus silencieux, mais ils ne se sont pas privés de le dire à l’époque. Je pense notamment au président de la région Nord/Pas-de-Calais. Et je pense à quelques autres présidents de région. Mais peu importe... Moi je ne fais plus campagne dans ce parti, parce qu’elle a eu lieu au mois de septembre.

Et vous avez été mis en minorité.

Je suis membre de ce parti et je fais campagne dans le pays.

Vous avez été mis en minorité Henri Emmanuelli, à quoi a servi ce référendum finalement ?

J’ai expliqué qu’il y avait eu un référendum. Que le oui l’avait emporté. Je ne conteste absolument pas le droit et le devoir pour la direction du parti de faire campagne pour le oui. Monsieur Aphatie j’aimerais parler de l’Europe, mais je n’y arriverai pas mais moi je considère que la façon dont on fait campagne, c’est-à-dire une espèce de oui, béat. Lorsqu’on dit aux gens que voter ce traiter ce sera garantir le service public, je pense que ce n’est pas exact. Lorsqu’on dit aux gens que voter ce traité ce sera contre la directive Bolkenstein, je dis que c’est une contre-vérité. Lorsqu’on dit aux gens que cette Europe sera plus sociale, je pense que c’est inexact, etc. etc.

Paul Quinio dans Libération, vous savez ce qu’il écrit ce matin ?

Non.

"Voilà une boulette qui risque de plomber Henri Emmanuelli un bon bout de temps".

Eh bien j’ai l’impression que Monsieur Quinio rêve peut-être. Mais vous savez il y a ce qu’écrit Monsieur Paul Quinio et puis il y a les centaines de messages que je reçois. J’en ai même reçu de très intéressants, y compris sur ce sujet, je le livrerai à Monsieur Paul Quinio. J’espère qu’il se fera un devoir de les publier.

Sans être trop vulgaire, vous ne vous êtes pas accroché vous-même une casserole aux basques là avec cette déclaration ?

Écoutez Monsieur Aphatie, je pensais qu’on pourrait parler de l’Europe, mais je vois que...

Vous en avez parlé ! Vous avez parlé d’erreur de libéral.

La mode aujourd’hui n’est-ce pas est au commentaire des petites phrases. Et je vais vous dire une chose très tranquillement Monsieur Aphatie.

J’espère bien oui.

Je comprends qu’on ne veuille pas qu’on parle aux Français des raisons de ne pas voter ce traité, mais je ferai tout ce qui est en mon modeste pouvoir pour qu’on leur en parle ! Parce qu’on est en train de les engager dans une impasse ! Je vais faire le tour des délocalisations dans ce pays. Je reçois des appels de partout d’entreprises et de salariés qui sont dans l’angoisse, et pendant ce temps, il faudrait parler du microcosme ! Eh bien, non, je ne parlerai pas du microcosme ! Je parlerai des salariés, des Françaises et des Français et je parlerai de l’Europe ! Et je dirai deux choses simples.

Vite il nous reste une minute.

Premièrement, il n’est pas vrai que voter contre ce traité c’est voter contre l’Europe.

Vous l’avez déjà dit.

Je suis un Européen convaincu, et deuxièmement, au nom de l’Europe, on ne me fera pas confondre la droite et la gauche !

Laurent Fabius sera sur France 2 jeudi soir, vous espérez, vous attendez qu’il sorte un peu de la réserve qu’il observe aujourd’hui Henri Emmanuelli ?

Et on revient au parti socialiste, je vous en remercie. Je ne sais pas ce que dira Laurent Fabius. La seule chose que je souhaite c’est qu’il y ait un maximum de socialistes qui se prononcent pour le "non" ! Qu’il s’appelle Laurent Fabius, ou qu’il s’appelle le militant de base ! Et moi je vais dans la semaine qui vient, structurer le "non" socialiste, de façon à ce que beaucoup de socialistes dans ce pays, qui sont attachés profondément à l’Europe, sachent qu’ils peuvent voter contre ce traité, sans voter pour l’Europe. Cette Europe ne sera pas politique, elle ne sera pas démocratique, elle ne sera pas sociale.

C’est fini, c’est fini. Henri Emmanuelli, qui n’aime pas commenter les petites phrases, était l’invité d’RTL ce matin. Bonne journée.

Messages

  • Les faits saillants de l’histoire des "socialistes" donne toute la mesure des trahisons : elles sont la norme, pas l’exception.

    Union Sacrée nationaliste après l’assassinat de Jaurès en 1914.
    Non-intervention dans la guerre d’Espagne.
    Construction européenne contre les peuples et les travailleurs.
    Répressions coloniales soutenues par la SFIO.
    Tournant de la "rigueur" et du "franc fort" à partir de 1982.
    Attaques contre la laïcité.
    Privatisations sous le mitterrandisme et après, au point de surpasser la droite.
    Destructions des services publics.
    Régionalisation contre le principe d’égalité des citoyens.

    Serge Halimi dans son "grand bond en arrière" décrit tout cela dans le détail.

    Le vote Oui du PS n’est que l’ultime avatar d’un parti qui, dans ses composantes majoritaires, est la copie conforme du Labour, du SPD, du PS espagnol : un parti qui fait croire au gogo qu’il y a une alternance démocratique alors qu’il ne s’agit que d’un théâtre d’ombre dont le dernier acte conduit à la réduction en esclavage de l’ensemble de la population de la planète.

    • Je trouve la remarque ci-dessus typique des procés staliniens.

      Quant à Emmanuelli son amalgame répugnant est d’un irrespect vis à vis des déportés et de ceux qui ont souffert du pétainisme.

    • Il ne s’agit pas d’une remarque, mais d’un rappel historique.

      Qualifiez-le de procès stalinien si ça vous chante.

    • Zut, j’arrive un peu tard sur ce fil, mais le rappel d’Emmanuelli est tout à son honneur. Je ne vois pas par quel bizarrerie sémantique ce rappel des erreurs passées des sociaux-démocrates en fait quelqu’un d’irrespectueux vis à vis des déportés et de ceux qui ont souffert du pétainisme.

      Tiens, un autre rappel sur quelqu’un qui a dit NON. C’était Pierre Mendes France, le seul à l’époque qui s’opposait à l’envoi d’une délégation "d’athlètes" français aux JO à Berlin de 1936. Certainement encore une marque d’irrespect pour les athlètes et les sportifs !

      Bravo Henri et ne t’arrête pas devant de tels amalgames, certains d’entre nous n’ont pas encore mis leur cerveau en jachère et tu nous donnes du grain et de l’espoir.

      Trahison, reniement, abandon, désertion, tromperie, duperie, ... les mots ne manquent pas pour "qualifier" l’actuelle campagne officielle du PS. Heureusement qu’il y a encore une tendance Jean Jaurès dans ce parti en pleine déliquescence.

  • Emmanuelli dit NON et c’est ça l’essentiel, le journaliste poses des questions qui empêche Emmanuelli d’argumenter ce NON ; raz le bol de parler à côté de la plaque, que le parti socialiste regorge d’ enfoirés c’est un fait ! en vas pas en parler 107 ANS ! discutons plutot de ce NON !