Accueil > INDE : ÉTAT D’URGENCE SUR LE NET

INDE : ÉTAT D’URGENCE SUR LE NET

Publie le samedi 22 juillet 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

De votre correspondant Himalove en Inde

Il y a 31 ans les policiers indiens débarquaient, dans les salles de rédaction, et prenaient le contrôle des journaux et magazines.

La censure devait durer 19 mois.

Pas un mot, pas une ligne ne sortait sans l’imprimatur de l’État.

Indira Gandhi parlait, à la radio, d’empêcher la presse de tomber dans les mains de l’étranger.

Dans le plus grand secret, le 13 juillet 2006, le ministre des Technologies, de la Communication et de l’Information, ordonnait par décret (1) la fermeture de 17 websites (2).

La nouvelle se répand doucement dans la presse...

Le ministre Dayanidhi Maran, contacté le 18 juillet par le quotidien The Hindu, déclare qu’il a agi à la requête de l’Intelligence Bureau, et que ces fermetures sont liées aux 7 attentats aveugles, qui ont fait presque 200 morts et 900 blessés à Mumbay, le 11 juillet.

Le Département des Telecom indiens, qui a exécuté l’ordre du ministre, a bloqué outre les 17 blogs, plus d’une centaine de pages indépendantes.

Ces blogs, visés par l’Intelligence Bureau indien, comme www.hinduunity.org ou www.exposingtheleft.blogspot.com appartiennent à la mouvance, proche du Bharatya Janata Party ou du Vishwa Hindu Parishad, violemment islamophobe et anticommuniste.

Ce qui a entraîné la colère d’une organisation, « basé à New York », nommée Committee to protect Journalists (CPJ), dirigé par un certain Joël Simon.

Dans une lettre adressée au Premier ministre indien, le docteur Manmohan Singh, le directeur américain de cet étrange comité, soucieux des intérêts des journalistes indiens, s’indigne que cette censure soit intervenue sans explication ni procédure judiciaire.

Selon lui, « cette fermeture du Net a entravé le flux des nouvelles et les réactions du public, à un moment crucial de la vie du pays... ».

The Hindu parle d’une atteinte à la prise de parole, contraire à l’esprit de la Constitution et aux nouvelles dispositions quant à la liberté de la presse, votées par l’alliance, dirigée par Sonia Gandhi, au pouvoir depuis le 13 mai 2004.

Il y a en Inde 40 000 internautes sur une population de plus d’un milliard d’habitants.

Internet concerne les milieux d’affaire, les gens des villes, étudiants, enseignant, gouvernement, administration, police et armée.

Bien que les cafés Internet soient nombreux et d’un accès facile, seule une élite peut se payer le luxe d’une connexion et un ordinateur ; et a suffisamment de temps libre pour y consacrer plus d’une heure par jour.

Les journaux et magazines, sur papier, très nombreux, restent toujours beaucoup moins chers que la presse électronique ; et reflètent davantage les langues, les idées, les sentiments des couches sociales moins favorisées.

Un quotidien équivalant du journal « Le Monde » coûte 2,50 roupies ; une heure d’Internet, 20 roupies !

Le gouvernement indien justifie le décret du 13 juillet pris à l’encontre de certains blog comme une mesure de prévention ; il s’agissait au lendemain des attentats meurtriers du 11 juillet à Mumbay d’éviter les appels aux meurtres.

Après des attentats similaires, en 1993, à Mumbay, il eut des émeutes antimusulmanes, organisées par Shiv Sena...

La veille des attentats du 11 juillet 2006, après la profanation de la statue de la femme de Bal Thackeray (le Tigre de Bombay), les troupes de Shiv Sena mettaient le feu à des stations de bus et attaquaient la police...

Au Gujarat, en février 2002, l’incendie accidentel d’un train, menant à Ayodhya, provoquait un pogrom antimusulman titanesque : 3 000 hommes, femmes, enfants étaient massacrés sous l’œil complice de la police.

À l’époque des websites hindous avaient attisé la haine communautariste, et désigné immédiatement les musulmans comme coupable de l’incendie.

Bien que l’incendie de Godhra soit aujourd’hui reconnu accidentel, de nombreux musulmans restent en prison, au Gujarat, pour avoir soi-disant jeté des bombes incendiaires sur le train plein de militants hindous.

Cet incendie suivi d’un pogrom a précédé l’arrivée au pouvoir, dans l’Etat du Gujarat, du fasciste hindou Narendra Modi, surnommée par un juge de la Cour suprême indienne « le Néron des temps modernes ».

Les attentats commis à Mumbay le 11 juillet 2006 n’ont rien d’accidentel, et paniquent les autorités.

Même si officiellement, on accuse des militants du Laskhar el Toiba, basé au Pakistan, d’être l’auteur des massacres, la thèse d’un complot, avec d’autres responsables, n’est pas écartée.

Le 1er juin 2006 à Nagpur, au siège des Rashtrya Swayamsevak Sangh, a lieu une étrange attaque : 3 pakistanais, habillé en policier indien, à bord d’une voiture de fonction, brisent la barrière de sécurité, et se font fait tuer bêtement par des commandos.

Les cadavres des attaquants « pakistanais » non identifiés sont brûlés de suite ; et la police refuse de répondre à une commission, enquêtant sur les circonstances de cet étrange incident...

Beaucoup de journalistes et même des membres du gouvernement parlent de « fake encounter ».

Des militants hindous préparant des attentats et signant du nom de musulmans ne sont pas choses rares en Inde.

Non plus, l’implication directe ou indirecte d’étrangers dans des actes de subversion sur le territoire indien.

Outre l’ennemi intime, le Pakistan, des agents de Sa majesté britannique et des membres de la CIA ont été identifiés, par les services de sécurité, dans des opérations de terrorisme, d’espionnage et de corruption.

L’affaire des sous-marins français Scorpène, vendue à l’Inde, par la société Thalès, a mis à jour un réseau d’espionnage, proche de l’amiral Prakash, chef de l’Indian Navy, qui livrait des renseignements sur la stratégie et les besoins de la marine.

Pire la mise en place de module de renseignement commun entre les Américains et les Indiens, le National Security Council, a permis à la CIA de siphonner électroniquement des milliers de documents secrets ; et pénétrer le système de défense indien.

Sitaram Yechuri, membre du parti communiste indien, avait averti le gouvernement du danger d’un rapprochement stratégique avec les Américains : « plus vous serez proche d’eux, plus vous récolterez des affaires d’espionnage et des attentats ».

Le jour même de l’attentat de Mumbay, à Srinagar, des jeunes cachemiris payés 500 ou 1000 roupies jetaient des grenades sur les touristes.

On assiste en Inde à une libéralisation, privatisation et globalisation du terrorisme.

Les auteurs des attentats « aveugles » ne sont plus des militants mais des mercenaires.

Pour comprendre les attentats de Mumbay, il faut les inscrire dans un contexte international.

Ces attentats ont lieu la veille du sommet du G8 à Saint-Pétersbourg, au moment même où Israël dont les fondamentalistes hindous sont l’ami, déclenche l’opération « Pluie d’été » en Palestine puis au Liban.

Cette diversion terroriste, à Mumbay, permet de polariser l’attention des chefs d’Etat sur « l’ennemi commun », l’Islam.

Le gouvernement indien en oublie de condamner l’agression israélienne et la destruction de Beyrouth.
L’Inde est la seconde nation « musulmane » au Monde après l’Indonésie ; il y a environ 144 millions de musulmans.

Avec des fondamentalistes hindous qui prétendent gouverner le pays, c’est un champ d’expérience rêvé pour les agents du Mossad...

Internet et l’occupation des médias sont devenus l’enjeu et le terrain favori de ces fascistes.


1.Voir photocopie du décret, p.12, The Hindu du 21 juillet 2006.

2.La liste des 17 websites fermés y figure, www.thehindu.com ; Mumbay et Indiaindymedia n’y figurent pas.

Messages

  • "Il y a en Inde 40 000 internautes sur une population de plus d’un milliard d’habitants."
    Ce chiffre paraît fantaisiste.

    • en effet chiffre totalement irréaliste, les cyber cafés existent aussi en plus des pc et des portables !!!

      satya

    • The Hindu donne le chiffre de 38 000 internautes ; si ce chiffre est fantaisiste, cest soit une coquille, soit vous ou moi devons cherchez le chiffre reel des internautes indiens. Faites-moi confiance, si je me suis trompe, il y aura un erratum. Si vous le trouvez, communiques-le moi... Toujours est-il que les cyber cafes ne sont pas frequentes par le monde rural, qui represente presque 70 pour cent de la population. Si ce chiffre vous semble aberrant, cest que comme la plupart des bourgeois des villes, vous vivez dans un monde virtuel ou le risque de mourir de faim nexiste pas. IL Y A 300 millions dindiens, qui vivent avec moins dun euro par jour (1 euro = 58 roupies). Ce chiffre na rien de fantaisiste...

      C`est curieux que vous voyez des Cyber Cafes partout, en Inde, mais que vous ne voyez pas ces trois cent millions !

      HIMALOVE

    • ce n’est pas que je vois des cyber cafés partout, mais c’est que j’ai fait connaissance avec un jeune indien qui les utilise :D

      je lui demanderais des chiffres précis la prochaine fois que je lui écrirais, vous pouvez compter sur moi, sinon comme il m’a invitée à son mariage, qui sait je reviendrais avec des infos précises et directes ???

      alors cherchons, cherchons ;)

      satya

  • "Si ce chiffre (40 OOO internautes sur une population d’un milliard) vous semble aberrant, cest que comme la plupart des bourgeois des villes, vous vivez dans un monde virtuel ou le risque de mourir de faim nexiste pas."
    Déduction fantaisiste, monsieur Sherlock.
    Watson