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Il faut politiser l’"affaire DSK" !
par Antoine (Montpellier)
Publie le samedi 10 décembre 2011 par Antoine (Montpellier) - Open-Publishing6 commentaires
Il y a plusieurs façon d’aborder l’"affaire DSK", comme la désignent avec une délectation plus ou moins assumée les médias les plus, mais aussi les moins, pipoles. Laissons de côté le point de vue moralisateur ("quelle honte de se laisser aller à ça !") et - pardon pour la redondance - le point de vue ...voyeur ("cela ne nous concerne pas mais..."). Chacune de ces visions, à sa façon, oublie ou cherche à faire oublier la question proprement politique sous-jacente à "l’affaire" et, si l’on se penche sur celle-ci, on peut éviter l’autre piège tentant, celui de l’ instrumentalisation politicienne, en vérifiant, au détour d’un article du Monde mis en ligne le 9 décembre, ce qui est mis en évidence de la chambre du Sofitel US aux tables du Fouquet’s parisien et que le système de domination refoule, à l’exception de quelques articles comme celui-ci du Monde : les passerelles entre la "gauche" (je ne mettrai plus par la suite les guillemets qui disent l’inadéquation du terme pour désigner le Parti Socialiste) et la droite UMP (qui mériterait, elle, les guillemets au vu de ses complaisances envers les poubelles idéologiques du FN). Des passerelles donc qui s’apparentent à des connivences travaillant dans le souterrain des relations personnelles entre les responsables au plus haut niveau de ces deux partis mais qui ont surtout des correspondances avec ce qui se déploie à l’air libre des positionnements strictement politiques.

Que nous révèle/confirme l’article d’Ariane Chemin ? Le plus simple est de lui laisser la parole à travers les extraits suivants (on se reportera à l’ensemble de l’article via le lien mis à la fin des citations), je surligne seulement ce qui étaye mon propos :
. "C’est un déjeuner de copains, deux semaines avant le scandale du Sofitel. Bernard Squarcini, le patron du renseignement intérieur, retrouve autour d’une table Jullien Dray, le député socialiste de l’Essonne, et Max Torossian, le nouveau chef d’état-major de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI)."
. "Ce "flic de gauche" est aussi un "pote" de Julien Dray depuis que, dans les années 1980, aux Renseignements généraux de la Préfecture de police de Paris, il avait été chargé de "suivre" SOS-Racisme."
. "On ne fera pas une campagne sale. Les services vont la jouer loyale." La phrase est prononcée l’air de rien, mais résonne presque comme un pacte entre droite et gauche, une offre de paix armée, à la veille de la présidentielle, pour éviter d’ouvrir la boîte de Pandore."
. "C’est l’avantage – ou l’inconvénient – de partager ses réseaux : entre la Sarkozie et feu la Strauss-Kahnie, infos et intox circulent à vive allure. Mêmes amis, mêmes restaurants, mêmes villégiatures…"
. "En mars, Dominique Strauss-Kahn a donné rendez-vous au Pavillon de la Reine, place des Vosges à Paris, à Alain Bauer. Il est un intime de trente ans de Stéphane Fouks, le patron d’Euro RSCG [chargé de la com’ de DSK]."
. "Alain Bauer est aussi devenu le "Monsieur Sécurité" très écouté du président de la République. "
. "Consultations privées, apartés, mélange des genres, en politique, les amitiés recèlent parfois des mystères."
. "Il ne faut pas se méprendre sur le coup de pouce donné par l’Elysée, à l’été 2007, à la candidature de "Dominique" à la présidence du FMI [sous entendu : le neutraliser comme potentiel candidat à la présidence de la République en l’attachant à la prestigieuse tâche de présider le FMI : "Lui [Sarlozy] préfère jouer au "meilleur DRH de la gauche" et s’offre le plaisir de le pousser à la tête du FMI."]"
. "Les deux hommes [DSK et Sarkozy] – ex-députés, avocats d’affaires, venus à la politique sans passer par l’ENA – s’apprécient. Ils se fréquentaient de temps à autre, avec leurs épouses. En 1993, au début de la cohabitation, un premier dîner a eu lieu au Fouquet’s : Anne Sinclair présente le ministre du budget à son mari, qui vient de perdre les législatives. Ils se retrouvent sur l’île de la Jatte, chez Cécilia et Nicolas, ou chez le couple Strauss-Kahn-Sinclair, avenue du Général- Maunoury, dans le 16e arrondissement, ou encore chez Jacques Attali pour une pendaison de crémaillère. Entre eux, une forme d’estime et de connivence sociale."
. "Et à l’intéressé, les yeux dans les yeux, un jour que le patron du FMI a fait le voyage de Washington jusqu’à la rue du Faubourg-Saint-Honoré [Sarkozy déclare] : "Dominique, toi et moi, on ne nous aime pas, on est pareils, on est des métèques, on aime le fric et les femmes""
Tiré de Ce que Sarkozy savait de DSK (site du Monde ce 9 décembre)
On retiendra de ces citations la confirmation, mais avec quand même des données précises liées à l’"affaire", de tout ce qui rattache personnellement des membres essentiels de la direction du Parti Socialiste à ce que la droite sarkozyenne représente de plus antipopulaire, si l’on veut bien laisser de côté le pseudopopulisme ou "populisme"-antipeuple d’une Marine le Pen. Ces liens personnels n’empêchent aucunement, on le voit bien, les mauvais coups sur fond de rivalités pour occuper le pouvoir politique avec le paradoxe d’un Sarkozy promouvant un homme de gauche (j’ai bien dit que je ne mettais plus les guillemets) à une des plus hautes instances du capitalisme mondialisé. Mais est-ce bien un paradoxe ? Et surtout il est bien clair que ces rivalités se situent dans le même camp : DSK, comme l’essentiel de la sphère dirigeante du PS, quelles que soient les velléités plus ou moins sincères de sa dérisoire gauche (sans guillemets à la réflexion) montebourgienne ou pas, joue avec la droite, dans le même espace, celui du libéralisme restructurateur des formes d’exploitation économique et de domination politique du travail au profit du capital. Dans ce jeu fermé les différences ne sont plus que des nuances : Hollande est contre l’instauration de la règle d’or de Sarkozy ...avant les élections mais il partage, comme l’ensemble de la direction de son parti, la volonté d’une rigueur budgétaire calée sur le non dépassement des 3% de déficits publics qui interdit de fait toute politique d’alternative !
Ce qu’il me semble donc nécessaire de souligner c’est qu’à eux seuls les liens personnels que met en lumière l’"affaire" DSK ne suffisent pas à décoder politiquement celle-ci : c’est rapportées à l’histoire de la social-libéralisation du socialisme français depuis les années Mitterrand, c’est au vu des pratiques passées et présentes de ce qui constitue la galaxie européenne du socialisme dans laquelle sont inscrits les Hollande, Aubry, Royal, etc. aux côtés des sabreurs des droits sociaux que sont, dans l’actuel contexte de crise de la bourgeoisie européenne, Zapatero ou Papandréou, c’est en tenant compte du programme social-libéral du PS pour la présidentielle dont les "hollandais" n’ont de cesse pourtant de se démarquer pour le droitiser encore plus, c’est donc en croisant ces données proprement politiques que les accointances personnelles de "nos" socialistes et des sarkozyens, elles-mêmes fondées sur la lourde sociologie de ce qu’il faut bien appeler une commune appartenance de classe, s’éclairent autrement qu’anecdotiquement. Même s’il en coûte de le reconnaître, se fait jour, contre toutes les procédures d’obscurcissement à l’oeuvre, que le Parti Socialiste et la droite c’est...du pareil au même. Je sais que cela fait grincer bien des dents à gauche, surtout chez ceux qui tiennent au caractère exceptionnel, au sens bien plat qu’il serait une exception, du PS français par rapport aux socialistes espagnols, grecs auxquels on pourrait ajouter les blairistes britanniques ou les shroederiens allemands...
Et là, je reconnais que ma démonstration atteint sa limite car, prenant appui sur le présent et le passé des expériences socialistes, elle bute sur la "chance" du PS d’être dans l’opposition au moment même où ses corréligionnaires européens sont appelés à appliquer moutonnièrement l’orthodoxie capitaliste du moment. Mais, bien entendu, cette chance n’aura qu’un temps dans l’heureuse hypothèse d’une victoire en 2012. Car cette victoire pourrait bien (on remarquera ma prudence conditionnelle) consacrer le début de la fin, telle que nous l’avons "supportée", maintes fois, sous Mitterrand et sous Jospin. A la différence près, et elle est de taille, que nous sommes aujourd’hui dans l’heure de vérité d’une offensive hyperbolique du capital qui n’autorise plus les entre-deux précédents du type "je suis socialiste mais je me dois à la rigueur austère et privatisatrice pour que les lendemains sociaux chantent" : aujourd’hui, en mars 2012 pour la France, l’alternative, au sens plein du terme, se pose(ra) en "pour ou contre le capital". Zapatero et Papandréou ont choisi le pour, ils ont eu contre eux leur peuple. Hollande, bénéficiant au départ du luxe relatif que constitue le ras le bol du sarkozysme, est déjà en train de se corseter lui-même par la nécessité, pour lui, d’obtenir le label de crédibilité de l’Union Européenne, du FMI, des agences de notation mais aussi directement du patronat européen .. sans perdre l’appui électoral nécessaire à son accession aux "affaires" comme on dit aussi pour la gestion loyale du capitalisme. Tout un jeu d’équilibriste proprement politicien.
Alors, de DSK à Hollande, la question qui doit nous intéresser à gauche, celle qui est (devrait être ?) irréductible aux guillemets, est celle-ci : comment peut-on contrecarrer les pesanteurs inscrites structurellement dans le social-libéralisme, réactualisées par les avatars éroticopolitiques strausskahniens, en promouvant, malgré des critiques virulentes au gré des ouvertures hollandaises vers Bayrou, l’idée que c’est la gauche tout entière qui pourra en finir non seulement avec l’épiphénomène sarkozyen mais avec le Léviathan capitaliste ?
La question est adressée, cela va de soi, avant tout au PCF et au PG, à tous ceux qui suivent le Front de Gauche sur la voie du "grand rassemblement (front)-populaire pour battre Sarkozy et le capitalisme" ! Car, il ne sert à rien de ruser sur ce qu’un rapport de force pourrait imposer au PS qui a, pour lui, outre ses ancrages institutionnels à tous les niveaux de l’Europe et des Régions et départements, outre l’appui du FMI, de l’OCDE et de toutes les officines mondiales du capital, ces proximités avec les Bauer, Attali, Squarcini, Fouks, Paszkowski, voire Minc, sans oublier l’ami "socialo-sarkozyen" Jouyet, l’homme clé du dispositif de Hollande, qui vont et viennent entre les commissions sarkozyennes "pour la libération de la croissance" ou pour le développement du sécuritaire. Avec à la clé des agapes à L’Aventure (!) ou au Fouquet’s. "Mêmes amis, mêmes restaurants, mêmes villégiatures…". Ce qui, sans faire une politique, plombe, celle que l’on met en oeuvre !
Dans d’autres temps, moins défavorables, le PCF s’est laissé instrumentaliser par l’idée du "grand rassemblement de la gauche" et a contribué à démobiliser les velléités de résistance en les détournant de la seule voie qui vaille même si elle est escarpée et semée d’embûches : celle de la construction d’une gauche claire sur elle, sur son objectif et surtout sur ses moyens de l’ atteindre. Or c’est bien là que le bât blesse puisque, par son utopie grise de vouloir aujourd’hui redresser le cours social-libéral du PS, le Front de Gauche reproduit l’erreur dramatique du PCF des années passées et hypothèque ainsi les chances de reconstruire les liens avec le salariat agressé et les couches populaires toujours plus marginalisées et exclues par ce qui leur apparaît comme la bande des amis du Fouquet’s et de L’Aventure et ses relais à tous les étages institutionnels du pays, collectivités locales comprises. Comment espérer détourner de l’abstention ou des sirènes lepenistes les perdants de ce saute-mouton des gestionnaires de droite et de gauche du capitalisme, si, comme Pierre Laurent ou Jean-Luc Mélenchon, on fait la concession de déclarer que les socialistes sont de gauche, d’une gauche qu’il faut - qu’on peut -, contre toute évidence strausskahnienne, redresser ? Comment redonner l’espoir que le capitalisme peut être combattu avec des chances de succès si, pour cette cause perdue d’avance, cette déraisonnable volonté de ramener le PS à gauche, on se coupe, comme il a été fait avec le NPA, d’une démarche de rassemblement anticapitaliste/antilibéral ?
Ne nous méprenons pas : rien n’empêche, sur la base de cette méfiance structurelle assumée envers la gauche de droite et sur, conséquemment, la volonté de créer le rassemblement offensif d’une gauche de rupture et vraiment d’alternative (sur le terrain aussi des alliances politiques), de "tout" faire pour battre la droite au second tour de la présidentielle et aux législatives, y compris en votant Hollande...avec le seul rapport de force qui vaille : celui d’une campagne des présidentielles fondée en indépendance programmatique et d’alliance totale envers ledit Hollande et son parti et sur l’affirmation que le développement des luttes est ce qui donne sens à cette logique d’alternative au capitalisme ! Gageons que le NPA et quelques autres répondraient présents pour une telle orientation ! Alors, est-il trop tard pour tirer les leçons politiques du Sofitel new-yorkais et du Carlton lillois au profit des "gens" de La Courneuve, de Grandange et des ailleurs populaires désertés par la "gauche" (retour des guillemets pour boucler le billet) ?
Messages
1. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 10 décembre 2011, 16:34
"politiser l’affaire DSK", bof, mais depuis mai, j’ai de plus en plus de mal pour bander sur ce sujet...
1. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 10 décembre 2011, 18:06, par antoine (Montpellier)
Très bon, bander me semble tout à fait dans le coup, si je puis dire !
2. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 10 décembre 2011, 21:34, par jaja
le dur à bander, t’as pas lu l’article !
trop long pour toi ?
3. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 11 décembre 2011, 08:27
Trop long, non, mais j’ai du mal a voir le rapport entre le FdG et "l’affaire DSK", même en faisant un détour par le PCF ! Par contre çà ne répond pas à une question fondamentale : Pourquoi tant de prolos français, réellement intéressés par un changement profond, s’apprêtent à voter "utile" (dixit Krivine...) en votant pour le candidat du parti de DSK ou même pour Bayrou ?
4. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 12 décembre 2011, 00:08, par antoine (Montpellier)
Le FdG fait l’impasse sur l’obstacle politique, redoublé sociologiquement, que représente le PS. Continuer à présenter celui-ci comme un parti de gauche, comme si rien ne s’était passé dans les années 80 (le basculement total du PS dans le social-libéralisme/capitalisme), c’est accréditer la légitimité de s’allier à lui, sous condition de redressement par l’instauration d’un rapport de force...électoral ! C’est fourvoyer le refus du sarkozysme et surtout du capitalisme dans le modèle dépassé d’une union de la gauche prétendument new look. C’est donc fermer les yeux sur la chaîne du renoncement au changement qui se décline en DSK-FMI-Hollande, Aubry, Royal-Jouyet-Bauer, etc. avec au bout de la chaîne Sarkozy, le patronat français, européen, etc. en passant par Almunia-Commission européenne, Lamy-OMC, etc.
L’impasse sur cette chaîne qui solidarise le PS avec le capitalisme, enchaîne le FdG et, s’il réussit son opération, enchaînera la contestation anticapitaliste.
Ce vote utile de "tant de prolos" n’est peut-être pas aussi massif que vous le dites. L’absentéisme ouvrier et peut-être son basculement partiel vers le FN est à mettre dans la balance. Tous ces positionnements ont plusieurs causes convergentes dont on peut repérer : les effets du chômage et de la précarité sur l’envie d’en découdre (autant faire "sûr" en votant Hollande !) et l’incapacité de la gauche de gauche à s’unir en indépendance offensive vis-à-vis du PS. La politique du moindre mal (Hollande) d’un côté et celle du pire (Le Pen) en passant par ce que je vois, contre l’avis de ceux qui parlent d’un absentéisme politique massif, comme un "rien à foutre de la politique" ferment les possibles politiques d’une rupture anticapitaliste.
2. Il faut politiser l’"affaire DSK" !, 11 décembre 2011, 09:06
politiser ??pourquoi !, on s’en tape de dsk et on s’entape de la goche en général