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Il n’y a pas d’affaire Tiberi, il y a un scandale républicain : le Conseil Constitutionnel !

Publie le mercredi 4 février 2009 par Open-Publishing

Le procès Tiberi des fraudes électorales du 5ème arrondissement de Paris vient de s’ouvrir devant la 16ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris. La presse s’y intéresse à juste titre, comme fait divers. Or cette affaire a révélé non pas simplement l’existence de pratiques illégales au cœur même de la capitale, mais un dysfonctionnement grave de nos institutions, un de plus, touchant, encore une fois, le Conseil Constitutionnel, cet archaïsme qu’on croirait directement hérité de la Curia Regis de Philippe le Bel, et qui agit dans des conditions à peine moins scandaleuses que sa lointaine parente il y a sept siècles.

De quoi parle-t-on en effet ? De l’inscription illégale d’électeurs sur les listes du 5ème arrondissement de Paris, sur des listes où ils n’ont rien à faire parce que ne répondant à aucun des critères d’inscription prévus par le Code électoral. Le problème est qu’on en est toujours à établir si ce délit a ou non été commis. Or le droit a été dit de manière définitive il y a déjà 11 ans, depuis que les listes électorales de cet arrondissement parisien, et partant ses urnes, sont reconnues frauduleuses depuis la découverte à l’occasion des élections législatives de 1997 d’un système massif de fausses inscriptions qui a été jugé le 20 février 1998 par le Conseil Constitutionnel dans sa décision relative aux élections législatives du 1er juin 1997 dans le 5ème arrondissement.

Les décisions du Conseil Constitutionnel – on le sait mieux depuis que le président de la République a lui-même tenté il y a quelques mois de s’en affranchir – s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités judiciaires et administratives en vertu de l’article 62 de la Constitution de 1958, et ce non seulement dans leur dispositif, mais aussi dans les motifs qui en constituent le fondement (Conseil constitutionnel n° 88-1127 A.N. Meurthe et Moselle du 20 avril 1989). Le caractère frauduleux des listes électorales du 5ème arrondissement en leur état de 1997 ne pourra jamais être contesté, sauf à violer l’article 62 de la Constitution.

Mais que s’est-il passé depuis 1998 ? Rien. Et nul ne sait à ce jour si ces faux électeurs dont le Conseil Constitutionnel a établi la liste en 1998 ont été ou non radiés. Car cette liste reste toujours secrète à ce jour, et le Conseil Constitutionnel s’est refusé à la transmettre non seulement aux autorités préfectorales qui auraient dû immédiatement faire radier ces faux électeurs par les commissions de révision des listes électorales, mais même à la juge d’instruction chargée du versant pénal de cette affaire qui en avait pourtant à l’époque fait la demande (le 22 octobre 1998, décision de refus du Conseil du 10 novembre 1998).

Pourtant, le 27 avril 1999 suivant, la rapporteur auprès du Conseil Constitutionnel, Madame Christine MAUGÜE entendue par la juge d’instruction, avait confirmé l’existence d’une liste d’environ 800 noms de faux-électeurs établie à l’appui de son rapport au Conseil Constitutionnel du 17 février 1998, et fondement à la décision du 20 février suivant. C’est effectivement ce chiffre qui avait circulé dans la presse, qui a été repris ces derniers jours, et qui n’a jamais été démenti par le Conseil Constitutionnel.

La question va se poser de manière pressante devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, ledit Tribunal étant lui-aussi lié par l’article 62 de la Constitution et ne pouvant déjuger en aucun cas le Conseil Constitutionnel. Autrement dit, le TGI ne peut plus dire aujourd’hui qu’il n’y avait pas de fraude organisée et massive. Et il est obligé de mettre un nom et un visage sur chacune des deux personnes désignées par le Conseil en 1997 comme étant des « personnes liées et apparentées au candidat élu ». En juger autrement serait ouvrir rien moins qu’une crise constitutionnelle.

Ce procès va donc bien au-delà du simple cas d’un homme politique en fin de carrière : il devrait être celui d’une survivance d’ancien régime au sein de nos institutions, ce Conseil Constitutionnel qui, à l’inverse de toutes les cours suprêmes des régimes démocratiques (y compris de la cour constitutionnelle turque) perpétue des règles d’un autre temps, celles du secret des débats, de celui des délibérés, du secret des votes, de l’interdiction d’opinions dissidentes des juges de la minorité, etc… Tant que la République française tolèrera en son sein un tel archaïsme, et n’aura pas aligné les règles de fonctionnement du Conseil Constitutionnel sur celles des autres démocraties, il y aura encore et encore des « affaires » Tiberi.

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