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Impérialisme étasunien et dictature des mollahs
par F Sharifi
Publie le mardi 6 janvier 2015 par F Sharifi - Open-Publishing1 commentaire
Derrière les négociations autour du nucléaire iranien le grand marchandage
Plus personne ne peut battre les tambours de la guerre. L’atmosphère hostile créée contre nous a disparu. Le monde a réalisé que les intérêts communs peuvent mener à un accord. » Ces propos de Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, font suite aux négociations sur le dossier du nucléaire qui se sont achevées le 24 novembre dernier. Elles sont prolongées jusqu’au 1er juillet 2015.
Pour Washington et Téhéran l’analyse est semblable : tôt ou tard un accord sera signé Pour la mollahrchie, la position des puissances secondaires tels que la France et de l’Union européenne n’est pas essentielle. En revanche, derrière un accord sur le nucléaire c’est tout une stratégie d’alliance qui se dessine entre la République Islamique et les Etats-Unis. Depuis la chute du bloc soviétique et les différentes interventions impérialistes en Irak et en Afghanistan, la dictature des mollahs et l’impérialisme étasunien n’ont cessé de se rapprocher, se trouvant nombre d’intérêts communs.
Bien sûr les négociations autour du dossier nucléaire seront longues et révèlent les divergences d’intérêts entre les grandes puissances. Ainsi, la France fait tout pour empêcher un accord, Fabius se faisant le porte-parole de Netanyahou et de la monarchie saoudienne. La France entend profiter du désamour entre Washington et Riyad pour renforcer sa position dans la région. Cela se fait au détriment de l’accès au marché intérieur iranien. Ainsi, la France occupe le 16e rang avec moins de 500 millions d’euros d’échanges annuels avec la République Islamique d’Iran. Elle se situe loin derrière ses concurrents européens et asiatiques et même derrière les Etats-Unis. Au cours des neuf derniers mois de l’année 2014, les échanges commerciaux entre l’Iran et l’Allemagne ont connu une progression de +33% atteignant 1,6 milliard d’euros (contre 350 millions pour la France), sans parler de la hausse importante des exportations américaines vers le marché iranien.
Cela étant dit, la République Islamique n’abandonnera pas totalement son programme nucléaire. La direction des Gardiens de la Révolution et le Guide souhaitent que la République Islamique d’Iran soit un « pays du seuil » c’est-à-dire d’être en capacité de se doter de l’arme nucléaire si besoin mais de ne pas développer un arsenal à ce stade. Enfin, la mollahrchie joue de la concurrence interimpérialiste et poursuit, pendant les négociations, son programme nucléaire civil. Ainsi, la Russie et la République Islamique viennent de signer un accord le 11 novembre 2014 pour la construction de deux nouveaux réacteurs. En effet, l’entreprise russe Rosatom vient de signer avec son homologue iranien NPPD un contrat sur la construction de deux réacteurs avec possibilité d’extension à quatre, pour la centrale de Bouchehr. Pour l’instant les négociations entre la République Islamique d’Iran et le groupe 5+1 achoppent sur deux points essentiellement : le calendrier pour la levée des sanctions internationales et la taille du programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran. Pour le moment, la mollahrchie affirme vouloir multiplier par dix son programme actuel d’ici sept ans, notamment en utilisant des machines plus modernes et plus rapides alors que les grandes puissances ne souhaitent pas parler de levée des sanctions, mais simplement d’une suspension. Malgré ces blocages, un accord entre le régime dictatorial de Téhéran et l’impérialisme étasunien est probable.
En effet, le contexte régional chaotique qui pose un problème à la Maison Blanche et la situation sociale et économique catastrophique en Iran poussent au rapprochement.
En effet, la corruption généralisée au plus haut sommet de la mollahrchie, l’explosion de la misère et du chômage, l’inflation galopante (plus de 40%), la chute des cours du pétrole (le baril de brut a perdu 50% de sa valeur en six mois), les sanctions économiques et financières pèsent lourdement sur les peuples d’Iran. D’autre part, la répression quotidienne des aspirations démocratiques et sociales, les attaques contre les militants ouvriers qui luttent pour leurs droits, les « réformes » contre le code du travail et la mise en place de législations toujours plus avantageuses pour la classe possédante et les clans au pouvoir accentuent la coupure entre le régime et l’immense majorité de la population.
Dans ce contexte, le Guide de la Révolution Khamenei et le Président de la République Rohani veulent la levée des sanctions pour regagner des marges dans la redistribution clientéliste afin de redonner de l’air au régime.
Face à Daech et à un Irak plus que délité, les « alliances » se reconstituent
Pour Washington, l’instabilité régionale et l’échec de toutes ses interventions impérialistes passées poussent à un « rééquilibrage » des alliances. Il s’agit d’enregistrer les rapports de forces régionaux et l’influence de la République Islamique. Cela soulève l’inquiétude de la monarchie saoudienne dont le soutien aux divers courants réactionnaires et contre-révolutionnaires de l’islam politique a été un des facteurs d’accentuation des guerres et de la montée de Daech. Riyad et Téhéran se livrent une guerre indirecte et par forces interposées. Cela favorise les logiques d’affrontements interreligieux alors que ce sont bien des intérêts capitalistiques et d’Etats qui se cachent derrière. Bien entendu, les formes que prennent ces affrontements et leurs violences sectaires prennent racine dans les réalités politiques, sociales et économiques délabrées de la région. Elles s’appuient sur le vide laissé par la défaite des mouvements nationalistes arabes et de la gauche révolutionnaire. Plus globalement, ces affrontements renvoient aux modes d’insertion modifiées à la mondialisation capitaliste et à l’abandon de pays et de populations entières à un mode d’extraction de la plus-value et des richesses qui renvoie davantage à une économie de la prédation qu’à un développement capitaliste classique adossé à des Etats-nations.
Aujourd’hui, la monarchie saoudienne défend non seulement sa place dans la géopolitique régionale mais aussi ses intérêts financiers. Or, pour la Maison Blanche il est important de contenir les ambitions transfrontalières de Daech qui bouleversent profondément les équilibres régionaux, menacent les pétromonarchies du Golfe et les intérêts de l’impérialisme étasunien. Au-delà de sa violence sectaire et de la barbarie de ses actes, l’une des principales caractéristiques et singularité de Daech est d’avoir modifié « les règles du jeu » et d’afficher la volonté de se départir des frontières historiques, du moins entre la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Palestine, et l’Irak. Cet espace est perçu comme une structure géographique et politique unique.
Impérialisme étasunien et dictature des mollahs
Téhéran et Washington ont soutenu ensemble le gouvernement Maleki et soutiennent désormais son successeur Haidar Al-Abadi. La percée de Daech a renforcé la communauté d’intérêts entre l’administration étasunienne et le régime des mollahs. Il est de notoriété publique que les Gardiens de la Révolution interviennent depuis des mois sur le territoire irakien.
La collaboration entre l’impérialisme étasunien et la dictature des mollahs est de moins en moins discrète d’ailleurs. Ainsi, le Pentagone a révélé, mardi 2 décembre, que l’aviation iranienne avait bombardé des positions de Daech en Irak. Frappes saluées immédiatement par John Kerry.
En Syrie, la répartition des rôles entre l’impérialisme étasunien et la mollahrchie est tacite mais réelle. L’aviation US mène des frappes contre Daech, mais ce sont les Gardiens de la Révolution qui, au sol, combattent d’un côté les révolutionnaires syriens et de l’autre s’en prennent aux forces de « l’Etat islamique » là ou elles gênent le régime dictatorial de Bachar el-Assad.
De son côté, le pouvoir syrien soutenu par le Hezbollah libanais et par la République Islamique, poursuit le massacre quotidien de civils. Bachar el-Assad, qui vient de renouveler ses offres de services à l’impérialisme étasunien pour « lutter contre le terrorisme », a les mains libres pour écraser la révolution syrienne.
Même sur le Kurdistan d’Irak, les approches entre l’administration Obama et Téhéran sont communes. Ils soutiennent et arment Barzani tout en empêchant les composantes de la gauche Kurde de s’armer et s’opposent aux droits démocratiques et aspirations des Kurdes de Turquie ou d’Iran. Ainsi, les Kurdes d’Iran qui ont tenté d’exprimer leur solidarité avec la bataille qui se mène à Kobané ont été fortement réprimés par les Gardiens de la Révolution sans que cela n’émeuve les grandes puissances. Pour les courants de la gauche révolutionnaire kurdes qui avaient jusque-là profité de l’autonomie du Kurdistan d’Irak et notamment pour les organisations de la gauche révolutionnaire des Kurdes d’Iran qui ont trouvé refuge au Kurdistan d’Irak après la chute de Saddam Hussein, la situation est pour le moins dangereuse. Elles se trouvent aujourd’hui, plus qu’hier, à la merci des accords et rapprochement entre la République Islamique d’Iran, l’impérialisme étasunien et la direction Barzani. Le danger pour ces organisations est de se retrouver en quelque sorte en « liberté surveillée ».
Résister à toutes les forces contre-révolutionnaires
Au Moyen-Orient comme dans tout le monde arabe, les peuples s’affrontent aux forces contre-révolutionnaires que sont les Etats, les courants de l’islam politique et les puissances impérialistes.
La situation nécessite la réactivation à l’échelle internationale d’un camp anti-impérialiste, socialiste et laïque qui pose la nécessité de la solidarité concrète avec les forces progressistes en lutte contre les barbaries, pour la démocratie et la justice sociale au Moyen-Orient. Il est de la responsabilité des courants révolutionnaires et anticapitalistes d’aider à l’émergence de ce combat pour l’émancipation. (Décembre 2014)
Par Babak Kia
Publié par Alencontre le 4 - janvier – 2015
Messages
1. Impérialisme étasunien et dictature des mollahs, 6 janvier 2015, 09:12, par F Sharifi
Le caractère dictatorial et religieux des Etats de la région , les pétrodollars des dictatures théocratiques Saoudite & Iranienne et la politique destructrice des USA ont fortement dégradé la situation politque du moyen orient
L’offensive néolibérale , la corruption des élites dirigeantes de ces pays , la politique destructrice de l’impérialisme et la politque criminelle de l’Etat juif d’Israël contre les Palestiniens ont fortement dégradé les conditions de vie des populations de la region , engendrant des nouvelles forces encore plus réactionnaires et criminelles à l’exemple de Daesh .
Sortir de cette situation chaotique nécessite la réactivation d’un camp anti-impérialiste, socialiste et laïque avec une solidarité concrète des forces progressistes en lutte contre les barbaries, pour la démocratie et la justice sociale au Moyen-Orient.