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Intifadansk : Copenhague jumelée avec Clichy-sous-Bois et Naplouse (videos)
Publie le lundi 5 mars 2007 par Open-PublishingPar Fausto Giudice, 3 mars 2007

Ce n’est pas un feu de paille, ce n’est plus une émeute, c’est un soulèvement, une intifada. Comment dire intifada en danois ? On a le choix entre deux mots : opstand et oprør. Le soulèvement de la jeunesse danoise et européenne provoqué par l’évacuation militaire de la Maison des jeunes (Ungdomshuset) de Nørrebro (rebaptisé par les jeunes "Nørrebronx") jeudi matin, est entré samedi dans sa troisième journée. Les deux nuits précédentes ont été très chaudes et la journée de samedi a vu une manifestation tourner à l’affrontement avec la police après que celle-ci avait tenté d’empêcher les manifestants de se diriger vers la Maison des jeunes, autour de laquelle la police a érigé un « mur de fer » (on se croirait presque en Cisjordanie…).
Le feu risque de s’étendre ailleurs en Europe du Nord : des manifestations de soutien ont eu lieu à Hambourg et Berlin et à Malmö, de l’autre côté du Sund, le détroit qui sépare le Danemark de la Suède, la police a procédé vendredi matin à une perquisition de l’ Akitvitetshus, un équivalent suédois de Ungdmoshuset, sans doute à titre préventif.
Les jeunes en colère de Copenhague sont, à la différence de ceux des banlieues françaises en novembre 2005, politisés. Preuve en est une des nombreuses actions qu’ils ont mené depuis l’évacuation d’Ungdomshuset : ils ont occupé le siège du parti social-démocrate, qui détient le pouvoir municipal dans la capitale de ce royaume du Danemark, dans lequel il y a décidément « quelque chose de pourri » (Hamlet). Il ne serait pas venu à l’esprit des émeutiers français de novembre 2005 d’occuper le siège de l’UMP…
La mairesse social-démocrate Rita Bjerregaard a en effet été à l’origine de cette affaire, puisqu’elle a trahi ses promesses électorales de soutenir la contre-culture et notamment cette Maison des jeunes que la muncipalité avait donné aux jeunes il y a 25 ans, préférant brader le terrain à une église fondamentaliste joliment appelée la « Maison du père » (Faderhuset) pour la modique somme de 12 millions de dollars, alors que le terrain est évalué à au moins 20 millions.Bref, avec Faderhuset contre Ungdmoshuset, on nage dans la symbolique. Mais ici, ce ne sont pas les fils qui veulent tuer le père, mais plutôt le père qui veut, sinon les tuer, du moins envoyer les fils se faire voir ailleurs.
Dans ce drame collectif télévisé, un ennemi a enfin pu être identifié : ce sont les « émeutiers étrangers », plus précisément les « Autonomes allemands » débarqués de Hambourg et Berlin pour casser du flic viking. Ça fait franchement rigoler : cela fait des années que l’on nous bassine avec l’Europe unie, la disparition des frontières, le grand marché unique, et on voudrait soudain rétablir ces frontières pour empêcher des jeunes de se déplacer et de bouger pour vivre à leur manière ?
"Il y a un noyau dur de casseurs qui provoquent les troubles", déclare sentencieusement le porte-parole de la police de Copenhague, Flemming Steen Munch, qui est sans doute un social-démocrate bon teint.
A la manifestation de vendredi soir, de nombreux manifestants, filles et garçons, étaient âgés de moins de 18 ans."On dit que c’est la faute d’une minorité, les Autonomes. C’est insensé. Nous avons tous l’esprit de révolte et de solidarité internationale des Autonomes", dit Per, un punk de 16 ans. "Si nous érigeons des barricades ou mettons le feu aux poubelles, c’est pour crier notre désespoir face à un pouvoir qui ne laisse pas de place à ceux qui sont hors normes".
Et les placides Danois interloqués de s’interroger sur l’état d’esprit de ces jeunes, dont certains ont à peine 12 ans , qui ont pris la rue comme champ de bataille contre la police et l’ordre établi.
"Il est illusoire de croire que les troubles sont l’oeuvre d’une minorité de jeunes. Car on n’a jamais arrêté et emprisonné autant d’adolescents de 14 à 18 ans que ces dernières 48 heures, et il y encore des milliers de protestataires dans les rues", affirme Rasmus Willig, grand-prêtre de la sociologie danoise (il est président de l’association des sociologues du royaume)."Les politiques devraient se demander si ce nombre record d’arrestations de jeunes n’est pas un signe de malaise de la jeunesse", poursuit-il. Pour lui, "les autorités de Copenhague n’ont aucune idée de ce qui se passe dans une frange de leur jeunesse".Il rejette la responsabilité de la crise sur la mairie de Copenhague qui "a enlevé à ces jeunes marginaux une maison qui était leur point d’attache".
"Ces jeunes représentent un groupe de marginaux qui ont besoin d’un endroit à eux, où ils peuvent vivre selon leurs propres règles", a-t-il ajouté. D’accord avec Rasmus sur la deuxième partie de sa phrase : « leurs propres règles », c’est l’exacte définition du mot « autonomie ». Mais « marginaux » ? On peut parler de « marginaux » tant il s ‘agit de quelques dizaines ou même de quelques centaines d e personnes, mais quand ils ‘agit de milliers ? Il faudrait plutôt dire, Monsieur le sociologue : « victimes de tentatives de marginalisation à partir du moment où ils refusent de marcher dans les clous du triptyque imposé à toute la jeunesse européenne « boulots précaires-stages bidon – macdo » (+mp3) » avec comme seule proposition d’aventure celle de s’engager dans l’armée pour aller pacifier l’Iraq, l’Afghanistan, le Kosovo ou la Bosnie.
Selon Rasmus, "on les a déracinés et jetés à la rue. Il n’y a rien de surprenant à ce qu’ils se révoltent". « C’est irresponsable d’autant que (la maison de jeunes) d’Ungdomshuset a été l’offre culturelle la plus variée et la moins chère du Danemark (...) grâce au bénévolat de ses occupants ».
Selon lui, la disparition d’Ungdomshuset "signifie dans le milieu de la culture underground en Europe la destruction d’un de ses grands symboles, ce qui explique la présence d’un aussi grand nombre d’étrangers à Copenhague". « La crise ne sera résolue que politiquement et non par la force policière », conclut notre sociologue en chef.
Eh bien, on n’attend plus que l’ouverture de négociations sur une feuille de route pour un plan de paix sociale. Question : étant donné que le Danemark fait partie de l’OTAN, ce même OTAN ne pourrait pas envoyer de forces d’interposition impartiales. Alors, que faire ? Peut-être le Luxembourg, le Liechtenstein, Andorre et Monaco pourraient-ils envoyer des casques bleus pour surveiller l’application du futur plan de paix ? Ils devront bien se protéger car les rues de Copenhague sont pavées et les lanceurs danois de pavés sont actuellement les meilleurs d’Europe.
À moins que Monsieur Anders Fogh Rasmussen, le fidèle caniche danois de Deubelyou et présentement Premier ministre danois ait d’autres plans, ce qui expliquerait pourquoi il vient de décider de rapatrier en août prochain les 430 soldats danois opérant sous commandement britannique à Bassorah et de les remplacer par une unité héliportée. Verra-t-on bientôt les braves pioupious de Sa Majesté rétablir l’ordre dans les rues de Nörrebro et Christiania ? C’est qu’ils doivent être devenus des experts en répression de révoltes, depuis le temps qu’ils sont en Irak !
Source : Basta ! Journal de marche zapatiste http://azls.blogspot.com/
Regardez ces vidéos, qui en disent plus long sur la "tolérance répressive" (Marcuse) dans le royaume démocratique du Danemark que bien des discours !