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Italie : Veltroni, Berlusconi ou "Veltrusconi" ?
Publie le vendredi 11 avril 2008 par Open-Publishing
de ÉRIC JOZSEF et MARC SEMO
Quelque cinquante millions d’Italiens retournent aux urnes les 13 et 14 avril pour des élections législatives anticipées. Un scrutin crucial malgré une campagne morne dominée par deux personnalités que presque tout oppose : à droite, le tycoon des médias, Silvio Berlusconi, 71 ans, deux fois Premier ministre, et à gauche le très populaire maire de Rome, l’ex-communiste Walter Veltroni, 52 ans.
Silvio Berlusconi est-il encore favori ?
Au début de la campagne, le parti du Peuple de la liberté (PDL), fusion de Forza Italia de Silvio Berllusconi et des ex-néofascistes d’Alliance nationale, était crédité de plus de dix points d’avance. La paralysie de l’hétéroclite coalition sortante allant du centre à l’extrême gauche de Romano Prodi avait fait oublier le très maigre bilan des cinq ans de gouvernement (2001-2006) du milliardaire.
Arrondissant son discours, reconnaissant « ne pas être Superman », Il Cavaliere se pose désormais en « père de la nation », mettant en avant son expérience d’entrepreneur dans un contexte de crise économique mondiale. Mais l’écart ne serait plus désormais que de quatre points avec le Parti démocrate de Walter Veltroni. Le pari du premier citoyen de la « ville éternelle » était ambitieux : réunir dans un même parti de centre-gauche les ex-communistes et les démocrates chrétiens de gauche afin de créer une force clairement réformiste « en lutte contre la pauvreté et non contre la richesse », s’inspirant des démocrates américains, afin de créer une alternative crédible de gouvernement qui ne soit plus otage de la « gauche de la gauche ». Abandonnant le drapeau rouge pour le tricolore, évitant l’antiberlusconisme facile même s’il rappelait « qu’en 2026 seulement, il aura l’âge de son adversaire », Walter Veltroni a sillonné le pays dans un bus pour une campagne de proximité remobilisant les déçus de la gauche. Mais son programme n’est guère différent de celui de Silvio Berlusconi - coupe dans la dépense publique et baisse des impôts -, avec qui il partage le même talent pour le marketing politique télévisé.
Y a-t-il un risque de blocage politique ?
« Pour pouvoir véritablement gouverner, j’ai besoin d’une large majorité. » Bien que s’affirmant certain du succès, Silvio Berlusconi a haussé le ton dans les derniers jours pour mobiliser ses électeurs et tenter d’éviter un score serré, voire un match nul, à savoir la Chambre des députés à la droite et le Sénat au centre et à la gauche. Byzantine, concoctée par l’ancienne majorité de Berlusconi, la loi électorale prévoit une forte prime de majorité. A la Chambre, celle-ci est sur base nationale. Avec seulement 24 000 voix d’avance, Prodi avait obtenu 70 sièges de plus. Au Sénat, en revanche, la répartition s’effectue sur base régionale. L’Union de la gauche n’avait eu qu’un siège d’avance. Aujourd’hui, le jeu est encore plus ouvert, en raison des petits partis qui ont refusé la logique du bipartisme. La gauche radicale et écologique a fait son unité autour du communiste Fausto Bertinotti. Se démarquant de Silvio Berlusconi, les démocrates chrétiens de Pier Ferdinando Casini et la droite nationale de Daniela Santanchè risquent quant à eux de semer le trouble dans quelques régions où ils sont bien implantés, en particulier dans le Latium. En cas de blocage, nombre d’observateurs prédisent déjà l’émergence d’une grande coalition entre les deux principaux partis pour gérer les dossiers les plus urgents et adopter une réforme électorale. L’hypothèse politique a déjà un nom : le « Veltrusconi ».
Quel est le véritable enjeu des élections ?
Marquée par la crise des ordures à Naples, la contamination des mozarellas à la dioxine et plus encore par le naufrage d’Alitalia, la compagnie nationale au bord de la faillite, la campagne électorale n’a pas permis de faire souffler un vent nouveau. Et cela alors que le pays connaît une situation économique extrêmement préoccupante. Avec une prévision de croissance du PIB d’à peine 0,3 %, le Fonds monétaire international rappelle que « l’Italie est en panne » et se retrouve « la dernière de la zone euro ». Selon l’Institut national de la statistique, « 20 % des familles italiennes vivent avec moins de 1 200 euros par mois ».