Accueil > J-48 : boulevard Le Pen
de Serge Rivron
“Se taper un p’tit Le Pen”, c’est apparemment devenu le must du journaliste audiovisuel. Occasion de montrer son impartialité et sa maîtrise de l’interview. On envisage goulument le petit festival de fortes répliques et de sympathique grandeur d’âme qu’on va pouvoir opposer au monstre. La fine observation placebo. Le jeu de contre formidable. Ils doivent gagner des points de professionnalisme, à ce grave risque, c’est sûr ! Moyennant quoi, à chaque occasion c’est le madré président du Front qui les récolte, les points. Et facile, des fois.
On est à France Inter ce matin, chez Nicolas Demorand. Il n’avait pas été que nul, au demeurant, Demorand. Il s’était octroyé un petit bout de succès d’auto-estime tout à fait immune, en tentant d’arrêter le bulldozer au moment où il s’apitoyait un peu trop sur les caniches et les matous à ses mémères.
Il lui avait sarcastiquement fait remarquer que l’enjeu de l’élection présidentielle n’était peut-être pas là. Mais sur le coup, déjà, il avait peiné un peu à s’imposer, Demorand, son insistance à réasséner trois fois l’argument finissant par servir sur un plateau à Le Pen une diatribe sur les valeurs d’une civilisation digne de ce nom. Il aurait pu s’en tenir là, le petit interviewer, mais non.
Il a fallut qu’il insiste à se peaufiner la posture d’irréductible décapiteur de vieux facho. C’est une question plutôt intelligente posée en fin d’émission par un auditeur pas du tout trié qui fut l’origine du Boulevard Le Pen du jour : l’auditeur vantait comme modèle le métissage de la société réunionnaise, le travail pluri-ethnique centenaire pour une société joyeuse et harmonieuse. A juste titre, et on sentait Le Pen un instant pédaler dans sa réponse, pas très sûr de l’angle pour l’aborder à son avantage.
Finalement, il lâche un truc du genre qu’il a été le premier leader à faire appel à des responsables noirs et maghrébins, que pour lui, les différences de race n’ont jamais été déterminantes. Et vlan, la porte ouverte qu’attendait d’enfoncer Demorand : “Mais enfin, les races, ça n’existe pas !”, le voilà qui s’exclame. Heureusement, c’était la fin très proche de l’émission. Le Pen a juste eu le temps d’une boutade tueuse d’idiot, une de celles qu’il pourrait manquer si tous les Demorand du monde arrêtait de se donner la main : “Ah ! bien, mais alors, si les races n’existent pas, pourquoi vous me parlez de métissage ?”.
Dans le cafouillage avant jingle, on a entendu Demorand penauder vaguement qu’il voulait parler du “concept de race” - ce qui est encore plus bête. Il est neuf heures, les informations. Le Pen s’en est allé pépère sur le boulevard Demorand.
Messages
1. La laisse d’or : Nicolas Demorand, 5 mars 2007, 23:20
La laisse d’or : Nicolas Demorand
La lutte est acharnée mais Le Plan B ne décerne la laisse d’or qu’au plus servile.
On dit de lui que c’est le nouveau Serge July, le passé militant en moins. Autant dire que les dents de Nicolas Demorand labourent depuis longtemps les couloirs de la Maison ronde de Radio France. Non sans profit (pour lui) : la direction de France Inter, qui entend simultanément reléguer Daniel Mermet à une heure de moindre écoute, vient de promouvoir Demorand à l’animation du « 7-9 ». Lors du référendum européen, Paoli avait défendu le « oui ». Sur France Culture, Demorand aussi. En donnant la parole à Adler, puis à Olivier Duhamel, puis à Slama. Tous partisans du « oui ». Racontant sa bérézina référendaire, Duhamel a salué « l’exceptionnel soutien de Sciences-Po, étudiants, appariteurs et direction confondus » mais surtout le « fabuleux soutien des amitiés nées dans cette aventure, Nicolas Demorand, Marc Kravetz, Géraldine Mulhmann ».
Demorand, c’est l’autre Nicolas, version Inrockuptibles. Aussi opportuniste et fat que Sarkozy, il se pique en revanche de culture et de colloques à la sauce CFDT. Mais quand il évoque « la philosophie explosive de Gilles Deleuze », c’est pour exalter « les surfeurs qui ont trouvé dans Deleuze un penseur branché pour les jours de tempête ». En mars 2004, Laure Adler renvoie de France Culture Miguel Benasayag, « trop militant, trop engagé ». Miguel se souvient : « Le jour où je me suis fait virer, Nicolas Demorand, comme un petit Judas de sous-préfecture, m’a fait la bise et m’a dit : “Va à ton rendez-vous avec Laure. Il n’y a aucun problème ma poule, nous restons groupés.” [...] Après, il a eu cette charmante attitude que j’ai bien connue en Argentine qui consiste à regarder ailleurs pendant que les gens disparaissent. » Pierre Marcelle, qui pourtant connaît bien Serge July, a été stupéfié par la bassesse de son héritier spirituel. Il y a deux ans, il qualifiait Demorand de « caniche » et pronostiquait : « D’avoir ainsi fait salement son sale petit boulot de vigile de la pensée, son employeur lui saura gré. » Nicolas, tu as ta récompense sur France Inter, mais Le Plan B t’offre une laisse en sus. Oui, tu peux gratter : c’est de l’or !
Le Plan B n°3 (juillet - septembre 2006)
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