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J’ai fait un cauchemar... J’ai fait un rêve

Publie le jeudi 8 juillet 2010 par Open-Publishing
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Le cauchemar

Est-ce suite à la lecture des textes du 35ème Congrès du PCF parus dans l’Huma du mercredi (encart « Communistes ») : j’ai fait un cauchemar !
Le PCF était devenu une écurie. Une écurie présidentielle, ministérielle, sénatoriale, etc… Il n’était plus constitué que d’édiles comme certains partis radicaux des 3ème et 4ème Républiques. Ecurie présidentielle ? Pour 2012, le PC soutenait un candidat issu de ses rangs (Patrick Le Hyaric) pour le premier tour. Au deuxième, évidemment, ce dernier se désistait pour le « candidat de gauche le mieux placé »…qui n’était autre que DSK. Ce second tour assurait assez aisément l’élection de DSK, qui bénéficiait d’abord des voix se portant habituellement sur le PS, d’une partie de celles qui avaient défendu des candidats écologistes ou centristes de premier tour, d’une partie de celles qui avaient soutenu le candidat PCF, par discipline républicaine essentiellement, mais pour beaucoup, à contre cœur, et enfin d’une poignée conséquente d’électeurs de droite (UMP), qui jugeaient que Sarkozy était bon pour une retraite anticipée à taux plein, car prématurément « usé par le travail ». Ainsi, DSK était en droit de nommer un premier ministre socialiste (Martine Aubry) dont le primo ministère s’adjoignait, entre autres, Marie-George Buffet comme « ministre de la condition féminine et du sport » ou quelque chose d’équivalent. Elle s’était en effet remise à niveau au cours d’une année sabbatique de simple membre du CN du PCF, depuis son départ « à mi mandat » de la direction du PC en Juin 2010. L’effort déployé par P. Le Hyaric, notamment en évitant qu’une candidature Mélenchon ne sème le trouble, lui permettait de briguer un secrétariat d’état à l’information, à l’Europe, etc… Au-delà, nombre de députés PCF étaient réélus, car seuls présents à gauche au deuxième tour des législatives, dans un certain nombre de circonscriptions convenues avec le PS, qui ne se maintenait pas là au second tour. Quelquefois, ces députés avaient conservé une étiquette Front de Gauche qui jouissait encore d’un certain prestige… Mais c’était assez rare, car le Front de Gauche n’ayant pas réussi à « s’élargir », s’était en conséquence rétréci…
Bref, on rééditait une alliance au nouveau nom, mais similaire à la « Gauche plurielle »… Tout cela cadrait bien avec quelques signes avant-coureurs tels que les sourires réjouis des trois secrétaires nationales, PS, PCF, Vert après le succès (modéré tout de même) aux régionales ; le tempo adopté par MGB dans l’abandon de sa direction du PCF (pourquoi à mi mandat ?), et les objectifs qu’elle s’y assignait ; l’activisme incontestable de P. Le Hyaric dans la période récente… Et, surtout, avec la manière que le PCF avait de traîner les pieds avec le Front (exercice, il est vrai, assez acrobatique !). Evidemment tout cela marginalisait Mélenchon et son PG, Besancenot et son NPA, et quelques autres encore… c’est-à-dire, en pratique, la démarche de Front de Gauche.
Je voyais quant à moi s’évanouir l’espoir d’une « transformation sociale » comme on dit, c’est-à-dire d’un changement profond de la société, pour commencer à en finir avec ce capitalisme devenu furieux, prédateur comme jamais, et prêt à soumettre le monde à un cataclysme, d’où seul il espérait tirer les marrons du feu pour sa petite classe de nantis et les quelques « heureux » exploités dont il aura tout de même besoin…
Je me suis réveillé brutalement et en sueur et j’ai mis longtemps à chasser cette image qui s’était incrustée dans ma tête : un PCF devenu une « écurie » ! Une écurie présidentielle pour un candidat de premier tour, uniquement là pour la figuration, une écurie de quelques ministrables, une écurie de quelques députés et autres élus locaux, voués à rester dans l’ombre tutélaire du PS. Et, plus dramatique que tout : un PCF réduit à l’ombre de lui-même…

Heureusement, un peu plus tard, j’ai fait un rêve optimiste…

Le Rêve

Comme souvent dans mes rêves, je planais, tel un ange ( ?), au dessus de ce monde de misère… Mon attention fut attirée par une foule de 130.000 personnes rassemblées place de la République à Paris (15.327,2 d’après la police). En m’en approchant je vis qu’il s’agissait essentiellement d’adhérents du PC arborant leur carte. Tout ce monde était en effervescence. Certains faisaient corps autour de membres de la Direction, d’autres se regroupaient autour de personnalités communistes connues, dont certaines classées « contestataires » de différentes façons. La plus grande partie errait d’un groupe à l’autre, comme désemparée. Il régnait une certaine fébrilité ; on s’invectivait entre groupes… J’avais la gorge serrée car cela n’annonçait rien de bon…
Et puis un certain calme s’établit, et je vis se dresser des pancartes autour desquelles s’amalgamèrent bientôt des gens issus des groupes précédents. Je m’approchai pour déchiffrer les slogans des pancartes. J’en lu quelques uns : « Pour un nouveau centralisme démocratique » ; « La lutte des classes au 21ème Siècle » ; « Abolition et/ou dépassement du capitalisme » ; « Un socialisme du 21ème Siècle », etc… Je me dis : « Voilà des thèmes qui me conviennent ! » Mais encore fallait-il y voir de plus près… car n’y aurait-il pas derrière tout cela je ne sais quel « repli identitaire » ? Je ne sais quel refus de tirer les leçons de la chute du « socialisme réel » ? Je ne sais quel retour vers un « splendide isolement » ? Une vision dogmatique du marxisme ? Un refus de s’ouvrir aux autres ? La volonté d’unir « autour du PCF » ? L’espoir de reconstruire le « parti de la classe ouvrière » ? Pire que tout : le refus du modernisme, le refus de la rénovation pour la rénovation, etc, etc… ? Pour tirer la chose au clair je mis pied à terre et allais me mêler à un premier groupe en arborant ma vieille carte mitée du PCF, d’avant la Mutation. On m’accueillit sans problème.
Mon premier contact fut avec le groupe phosphorant sur le « nouveau centralisme démocratique ». Avec étonnement je constatai qu’on y avait déjà défriché nombre d’idées que je retournais dans ma tête… y compris à l’état de veille ! Résumons en vrac : on n’aurait pas connu une pareille anarchie dans les comportements aux élections lorsque ce principe régnait au PC, même s’il s’apparentait plutôt à un centralisme avéré. Mais en plus de ce constat de bon sens, on développait une théorisation intéressante de ce principe. Un PCF ne peut se passer de centralisme car il ne doit avoir à chaque instant, en tant qu’ « intellectuel collectif », en tant que « personne morale », qu’une seule ligne de conduite. Sinon, il est « illisible », comme on dit. De plus, il doit mobiliser toutes ses forces militantes pour la propager, sinon, d’une part elle n’aura pas ou peu d’impact et, d’autre part, il sera bien difficile de faire une autocritique valable des résultats obtenus. Donc d’ajuster le tir pour l’avenir. Et si la ligne politique choisie n’est pas partagée par une majorité de communistes, ils auront bien du mal à la défendre auprès de l’opinion…d’où au moins pour cette raison-là, la nécessaire démocratie… Tout cela me convenait et je faisais confiance à ce groupe pour pousser encore la réflexion, notamment sur les conditions à remplir pour faire fonctionner ce système : transparence des débats, application et contrôle des règles choisies, problèmes de l’élection des dirigeants, etc… Bref, pour élaborer une nouvelle mouture de statuts.
Je passais à un autre groupe.
Ce fut celui qui travaillait sur la « lutte des classes au 21ème Siècle ». Je m’attendais au pire, c’est-à-dire à une réhabilitation d’un « ouvriérisme » désuet, qui situait tous les exploités du capital au seul niveau des plus exploités, donnant corps ainsi au concept d’antan de « classe ouvrière ». Quel ne fut pas mon étonnement de voir engagée une réflexion théorique sur une base originale bien qu’orthodoxe, me semblait-il, quant au marxisme. On avait d’abord et fort justement travaillé sur la notion de « classe en soi ». C’est-à-dire sur la définition concrète du mécanisme d’exploitation capitaliste. A savoir la notion de « plus-value ». L’exploitation capitaliste consiste en l’accaparement par les capitalistes de la plus-value créée par le travail. Plus-value qui est donc du travail non payé au travailleur sous forme de salaire direct ou différé (prestations sociales). Repris par ce biais, la notion d’exploitation capitaliste concernait de nos jours non seulement l’ouvrier, mais tous les salariés, et plus généralement d’autres catégories sociales. On pouvait donc distinguer des exploités totaux : les ouvriers et les employés subalternes. Mais aussi des exploités « partiels ». Et dans ce cas, globalement classables en deux sous-catégories : les exploités-exploiteurs (les cadres, ingénieurs, dirigeants salariés, etc…). Ils fabriquent par leur travail de la plus-value et sont donc à ce titre exploités, mais ils bénéficient de l’intéressement, de stock-options, de revenus fonciers, etc … qui font d’eux, objectivement par référence à la notion de plus-value, des exploiteurs, sans parler pour beaucoup de leur rôle de courroie de transmission des directions d’entreprises, directement formatée pour et par le Capital. L’autre catégorie pourrait être nommée : exploiteurs-exploités ; ce sont les patrons de PME, les patrons-agriculteurs, les patrons-pêcheurs, etc… Ils exploitent, c’est évident, même si c’est quelquefois avec paternalisme, leurs employés, mais sont eux-mêmes exploités par les « donneurs d’ordre » (les multinationales industrielles ou de l’agro-alimentaire) et donc aussi par les banques, d’ailleurs étroitement liées à ces mastodontes multinationaux. On travaillait en outre ferme dans ce groupe à caractériser sur ces bases théoriques les « laissés pour compte » (chômeurs, travailleurs à temps partiels, etc…). Une telle approche m’a paru intéressante en ce qu’elle ouvrait des perspectives (à approfondir) pour passer de la « classe en soi » à la « classe pour soi », c’est-à-dire à la caractérisation de la « conscience de classe » qui est bien le hic de l’affaire ! En effet, si la forme concrète de l’exploitation est complexe et variée, il faut s’attendre à ce qu’il en soit encore davantage de la prise de conscience. Car même si la nature objective de l’exploitation conditionne dans une large mesure la conscience que l’on en a (Marx dixit), cela n’a rien d’automatique. D’ où la complexité à laquelle on est parvenu en termes d’organisations de lutte contre les multiples formes que revêt l’exploitation (organisations multiples et variées du « mouvement social » : syndicats, ONG, « coordinations », etc…). Pour les unir en un même combat, le commun dénominateur de l’exploitation doit être privilégié, puisque c’est en dernière instance le seul qui puisse les réunir. On est tout naturellement conduit à ce niveau de la « classe pour soi » à imaginer et fonder le concept de Front…et de Front de gauche en l’occurrence. Car toutes ces organisations du « mouvement social » tiennent un aspect, un bout particulier, de l’exploitation capitaliste au sens large. Elles sont une des multiples facettes de la prise de conscience de celle-ci. Elles ne peuvent pas, par enchantement, et sans d’âpres débats, se fonder en une seule organisation. Dans un front, chaque composante conserve sa spécificité, ses revendications propres, quelquefois catégorielles, quelquefois même antagoniques, mais s’unit avec d’autres pour ce qui leur est commun. Il n’est ainsi pas exclu de bâtir ensemble non seulement des programmes à court terme pour répondre à l’urgence ou pour définir des programmes de gestion communales, régionales ou nationales, que l’on mettrait en œuvre à la faveur de succès dans telle ou telle élection, mais de voir plus loin pour changer la société capitaliste en une autre…
Cette approche m’a semblé riche de promesses. Elle demandait évidemment d’être poursuivie. Elle débouchait sur des questions plus spécifiques, par exemple : Front de gauche ? OK, c’est incontournable. Mais avec « toute la gauche dans son état actuel » ? Ou, faute de mieux pour l’instant : « Front de la gauche de gauche » ? La discussion était assez violente sur ce sujet, mais prenait une direction que je jugeais devoir triompher à terme : il n’est pas possible d’intégrer dans ce front le PS en l’état. D’abord, parce que sa vision sociale-démocrate est dépassée : ses succès antérieurs, lors des « 30 glorieuses » sont systématiquement réduits à néant par le capitalisme dans sa forme mondialisée et financiarisée actuelle. Et parce que le PS, devenu hégémonique à gauche, et campé sur sa social-démocratie, bloque des avancées plus novatrices, plus révolutionnaires, d’autant qu’avec sa présence hégémonique au sein du Front, seraient créées les conditions pour qu’il renforce encore davantage celle-ci, cadeau inespéré au moment où il cherche à draîner large. Enfin pour une raison étroitement liée à l’analyse complexe ébauchée ci-dessus de l’exploitation dans le capitalisme actuel. Le PS est devenu un parti majoritairement constitué « d’exploités partiels » ou « couches moyennes », et si l’on regarde ses dirigeants « d’exploités beaucoup plus partiels que les autres », comme aurait pu le dire Coluche. A savoir, des énarques et assimilés. Un tel parti, avec de tels dirigeants, est-il en position de vraiment prendre en compte les « exploités » en tout genre ? Notons que ce raisonnement peut être pris a contrario : le PCF s’il veut défendre tous les exploités, ne peut se limiter désormais à n’être, comme autrefois, que « le parti de la classe ouvrière ». Vaste débat à poursuivre, évidemment ! Si le Front de gauche (de la gauche de gauche) croît et multiplie, devient la force majoritaire à gauche, le rapport de force en faveur du PS (favorisé par l’ « effet majoritaire » dans le système de la 5ème République) déclinera et amènera beaucoup de socialistes (le PG de Mélenchon est un embryon de ce mouvement) et ceux qu’ils influencent à réviser leurs positions. Dans la foulée, il est permis de penser que des mouvements similaires se feront jour chez les Verts et d’autres… A cette vision fondée sur une analyse actualisée de la lutte des classes, certains opposaient que sa déclinaison en front de lutte et, en l’occurrence en Front de Gauche, allait conduire à une « dilution » du PC dans le Front, et à sa disparition à terme. Crainte que combattait ceux qui prenaient à leur compte cette analyse pour, au contraire, affirmer que le PCF qui demeure la force principale de la « gauche de gauche » (en termes d’adhérents, de militants et d’électorat) ne doit pas subir ce triste sort si, fort de son analyse de classe renouvelée, d’une option de transformation forte de la société, il joue de cette partition. Il ne peut être au contraire que la force principale d’entraînement de ce front. Ce qui, logiquement, doit lui assurer de se développer et de durer… Tout cela me semblant marqué au coin du bon sens, je me dirigeais vers un autre groupe de travail…
Il traitait de « l’abolition du capitalisme et/ou de son dépassement ». On y déplorait que le PCF ait systématiquement adopté dans sa phraséologie ce concept de « dépassement ». Beaucoup disait que cette notion n’était pas comprise par le commun des mortels auquel on s’adressait. Certains même ne savaient pas trop expliquer ce qu’il signifiait. Pire, cela donnait l’impression que le PCF ne croyait plus à la possibilité d’une société non capitaliste ! Un effort de clarification fut entrepris et l’on s’orienta vers l’idée que abolir et dépasser c’était la même chose… avec une nuance subtile, qu’il valait mieux ne pas mettre seule en avant quand on parlait à l’homme de la rue, peu politisé et très certainement assez peu familiarisé avec la dialectique marxienne. En fait la notion de dépassement ne veut pas dire autre chose que ce que disait, je crois, Gramsci : une société ne peut imaginer des transformations qui ne seraient pas déjà présentes, en gestation, en son sein. Elle extrapolera, elle ne fera pas table rase totale du passé pour construire l’avenir. Un après-capitalisme se forge à l’intérieur du capitalisme. Donc, ne compliquons pas notre propos si nous voulons être compris : notre but c’est d’abolir le capitalisme… mais en réfléchissant en permanence à ce que l’on fait et à la suite ! Notons d’ailleurs que cette façon de voir est riche de potentialités : lorsque le rapport des forces le permet, on peut pousser très loin, au sein même du capitalisme des « avancées ». Ainsi, à la Libération, avec le ministre communiste Ambroise Croizat, fut fondée la Sécurité Sociale qui était un ilot de communisme dans un océan capitaliste : « elle donnait à chacun selon ses besoins, en ne lui demandant que selon ses possibilités ». Les choses ont malheureusement bien changé, mais il en reste encore quelque chose… Quant à cette notion de communisme, nous en reparlerons.
Ce qui m’a immédiatement amené à me joindre à l’énorme groupe suivant où l’on débattait du « socialisme du 21ème Siècle ». Il me fallu jouer des coudes pour être au premier rang. Un combat verbal extrêmement vif mettait aux prises un groupe de communistes se disant fidèle à la Direction qui avec âpreté voulait extirper toute référence à un quelconque socialisme, et surtout a l’idée d’une « étape socialiste » comme suite au capitalisme. Ils s’opposaient, entre autres, à un parterre de jeunes JC qui, forts des décisions de leur congrès, ne mâchaient pas leurs mots. D’autres questions étaient abordées, en aparté, dans des sous-groupes, puis reprises en discussion générale. L’URSS était-elle socialiste ? N’a-t-elle édifiée qu’une « caricature » de socialisme ? La Chine actuelle peut-elle être considérée comme socialiste ? Quid de Cuba ? Comment Chavez peut-il vouloir pour son pays un socialisme du 21ème Siècle ? Nombreux étaient ceux qui demandaient aux représentants de la Direction de préciser pourquoi ils s’opposaient avec tant de véhémence à toute idée d’étape socialiste. Et par quoi ils la remplaçaient pour définir une société crédible à la place du capitalisme ? Les réponses étaient pour le moins embarrassées, floues et pleines de contradictions. On se raccrochait désespérément à l’idée qu’il fallait enterrer cette notion au profit de celle de communisme. Que le socialisme était définitivement sali par sa « caricature soviétique », qu’il fallait réhabiliter le communisme à sa place. _ Mais qu’était-ce que le communiste ? Un autre groupe tentait d’y répondre. Je m’accrochais encore un moment au groupe actuel car s’y dessinait, dans un coin, une réflexion tout à fait originale et que je ressentais comme fondamentale.
Le socialisme, première étape après « abolition suffisante » du capitalisme (en comprenant ainsi l’idée que l’on a brisé ses ailes, réduit suffisamment son pouvoir pour qu’il n’impose plus sa loi pour l’essentiel), n’est pas à parer de toutes les vertus. C’est seulement une société où les « grands moyens de production et d’échange » ne sont plus propriété privée. C’est une société « globalement positive » par rapport à la société capitaliste, devenue « globalement négative ». Sans plus. Mais c’est une étape incontournable, nécessaire, comme l’était la décolonisation pour tous les peuples colonisés du 20ème Siècle. Tous, à l’exclusion de la Palestine (paradoxalement colonisée au 20ème Siècle par Israël et qui lutte toujours pour son indépendance), sont passés par cette étape. Est-ce qu’ils ont tous trouvés alors automatiquement des « lendemains qui chantent » ? Certainement non, et loin de là ! Mais trouverait-on aujourd’hui dans ces pays autre chose qu’une pincée de leurs habitants pour réclamer de retourner à l’époque coloniale ? Eh bien ! Il doit en être de même pour l’étape socialiste. Mais le problème est plus complexe…comme le montre l’histoire de l’établissement de ce système. L’URSS, état socialiste d’un certain type, n’a pas pu convaincre son peuple dans son ensemble, qu’elle était « globalement positive ». La Chine, qui a réalisé une certaine « abolition suffisante » du capitalisme, laisse encore en suspens cette question loin d’être tranchée. Le gros problème est que, par opposition au capitalisme qui s’est imposé comme une « solution par défaut » (le système qui laisse l’initiative aux riches, aux puissants d’organiser la société à leur profit), le socialisme est une construction qui doit être à peu près totalement inventée, conçue, par l’intelligence humaine de tous. Ce n’est pas une petite affaire ! Et il y aura forcément de mauvaises solutions, des essais, des erreurs, et ceci pour chaque peuple qui tentera l’expérience. Tout échec, toute faiblesse, sera utilisée par le monde capitaliste pour reprendre l’avantage, par quelque moyen que ce soit (qu’on se souvienne des guerres d’intervention en Russie, après 1917, de l’Espagne de Franco, de la guerre de Corée, du Viet Nam, du Chili avec Pinochet, et même du « retard à l’allumage » en 1939-40 pour s’engager dans la guerre contre le nazisme, de la part des nations occidentales dites démocratiques, car beaucoup espéraient qu’Hitler ferait pour eux, à peu de frais, le bon travail d’éliminer l’URSS…). Y a-t-il d’autres solutions ? Certains ont pensé que la social-démocratie ferait aussi bien, pacifiquement et démocratiquement. Trente années, il est vrai « glorieuses », ont eu raison de cette solution quand le capitalisme mondial en a décidé autrement. Il faut donc remettre sur le métier, avec patience et opiniâtreté, la construction du socialisme… tenter de nouvelles expériences… essuyer sûrement de nouveaux échecs. Mais il faut avancer !
Cette problématique éclairait d’un jour nouveau les questions soulevées plus haut dans ce groupe. Il s’en emparait pour faire progresser sa réflexion. C’est ainsi qu’un sous-groupe prenait de l’avance en établissant une liste préliminaire des grandes nationalisations à engager : la finance (le nerf de la guerre) sous ses deux principales déclinaisons actuelles : les banques et les assurances ; les entreprises énergétiques (pétrole, gaz, électricité) ; les grands transports (air, terre, mer), les entreprises pharmaceutiques, métallurgique et de la chimie ; les grands médias, etc… Un débat passionné mettait aux prises des « jusqu’au-boutistes » assez dogmatiques préconisant une généralisation du système des coopératives en tous genres et de l’autogestion, à des plus « raisonnables » - dans mon genre – qui ne voulaient pas tout casser avant d’avoir construit, suivant en cela la réflexion de Gramsci. Ces derniers disaient, bien sûr, que le socialisme faciliterait des expériences nouvelles en matière de coopératives, d’autogestion, pour tous ceux qui en avaient l’envie, mais ils préconisaient surtout de laisser en l’état les PME, les entreprises agricoles, artisanales (par exemple des BTP), le petit commerce. Ils développaient à cet égard deux types d’arguments. _ Ces entreprises constituent l’essentiel du tissu économique français et de l’emploi salarié (attention à ne pas le détruire !). Et puis : attention à ne pas se tromper d’adversaire ! Les « patrons » de ces entreprises sont des « exploiteurs-exploités ». Ce sont donc partiellement des « frères de classe ». Il faut que ces « demi-frères » soient avec nous pour aller de l’avant et non pas, si on les traite en exploiteurs, contre nous, car on ne leur laisserait que le choix de rejoindre, comme c’est le cas aujourd’hui la « classe du Capital ». Il faut les associer à la transformation sociale, sinon on court le risque de redonner vie à des comportements autrefois constatés (les koulaks en Russie après 1917, les camionneurs au Chili du temps d’Alende…).J’étais pour ma part convaincu qu’il me faudrait travailler sur ces sujets…après mon réveil ! Mais profitant de mon rêve je continuais mes visites successives aux divers groupes de travail.
Le suivant traitait du sujet emblématique : le communisme. Là aussi deux thèses principales s’affrontaient. L’une était défendue par les quelques intellectuels ou « maîtres à penser » qui subsistaient encore autour de la Direction (beaucoup d’autres avaient quitté le navire). Ils voulaient à tout prix réduire ce concept à une citation de Marx, tirée de « L’idéologie allemande » qui définit le communisme comme le contraire d’un idéal et le contraire de l’état que l’on pourrait bâtir pour le concrétiser : « le mouvement réel qui abolit l’état actuel ». _ Nombreux étaient les communistes qui se plaignaient de n’y rien comprendre et qui, de toutes façons, ne voyait pas ce que l’on pouvait tirer d’une telle évidence, pour ne pas dire d’une telle banalité (que Marx me pardonne !). D’autres disaient que la bonne définition du Manifeste communiste de 1848 : « l’état où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » ou le « de chacun selon ses possibilités et à chacun selon ses besoins » leur paraissaient beaucoup plus éclairantes et simples à expliquer au commun des mortels. Le communisme était bien un idéal vers lequel tendrait éternellement l’humanité… et c’était mieux ainsi. Parce que, dès lors, un parti communiste qui, par définition poursuivait cet idéal, était éternel ! Ouah ! Ouah !...Je me rangeais à ce point de vue et passais au groupe voisin traitant du féminisme, de l’écologie.

Je prêtais d’abord une oreille réticente aux propos échangés, redoutant d’y retrouver ce fonds d’idées « sociétales » qui s’est incrusté dans le PC aujourd’hui, comme si le PC, parti politique, devait se transformer en organisation sociétale. Je vis au contraire là des gens s’efforçant de synthétiser ces combats « catégoriels » (sans connotation péjorative) avec le combat de classe. Mais ne cherchant pas à marcher sur leurs plates-bandes : à chacun son métier. On voulait traiter ces questions sous l’angle politique. Cela ne semblait pas commode car l’usage de tout emmêler s’était fortement ancré dans le PC. L’objectif était d’essayer de faire en sorte que ces ONG, en sus de la perception aiguë des problèmes spécifiques qu’elles traitent au quotidien, sachent les insérer dans le politique et plus spécialement dans le combat de classes. Qu’elles réfléchissent même à ce qu’elles pourraient retirer d’une transformation de la société en « socialisme du 21ème Siècle » ! Quelques idées simples étaient avancées. En mettant en œuvre le principe traditionnel d’une société socialiste : « à chacun selon son travail » est-ce que l’on ne répond pas en partie à une revendication féministe essentielle ? Et si cela est acquis, ou partiellement acquis de fait, il y aura toujours à perfectionner, contrôler l’application, donc du pain sur la planche. Mais ces prolongements se feront à partir de « conditions initiales » plus favorables que sous le capitalisme. Ainsi le féminisme (on pourrait en dire autant de l’écologie désormais) demeure un problème éternel de l’humanité. De même, pour ce qui est de l’écologie, en nationalisant, entre autres, les entreprises énergétiques, est-ce que l’on ne se donnera pas un moyen de contrôler le « productivisme », le mépris de l’environnement, que des entreprises capitalistes recherchant le profit avant tout, sont par définition rebelles à accepter ?
Toute cette assemblée bouillonnait : un problème soulevé ici était repris là-bas. Un problème prépondérant déclenchait une avalanche de questions subalternes, qui en retour nécessitaient de réviser des propositions initiales. Il fallait se propulser au niveau de l’Europe, du monde, puis revenir en France. Traiter de l’UE, du FMI, de l’OMC, de l’OTAN, de l’ONU…réviser la Constitution, prendre tout à bras le corps. Mais tous ces communistes s’y mettaient dans l’enthousiasme. Un enthousiasme communicatif car d’un instant à l’autre la foule grossissait, débordait dans les rues avoisinantes… Pour ma part je commençais à être épuisé par mon périple, mais convaincu que quelque chose s’était passée dans le PCF. Ma décision était prise et je déployais mes ailes fatiguées en un ultime effort en direction de la Place du Colonel Fabien. J’y rejoignais une longue queue de gens attendant leur tour pour adhérer ou réadhérer. Les anciens, nombreux, demandaient à passer en priorité montrant leur vieille carte défraichie ; mais un groupe de jeunes JC aux cris de « Vive le socialisme du 21ème Siècle », tout frais repris de leur récent congrès, estimaient - à juste titre - qu’ils devaient être les premiers… Dans la foule, je reconnaissais de vieux copains perdus de vue depuis longtemps. Et quelques personnalités remarquables : Lucien Sève déjà de retour, Anicet Le Pors en bonne place, des intellectuels pleinement marxiens selon moi (« ex » ou pas « ex », affichant ou non leur marxisme) : Yvon Quiniou, Tony Andréani, Claude Mazauric et même parmi eux un « intellectuel collectif », le M’PEP… bien d’autres que je ne connaissais pas… Et puis surgissaient des indices de « révisions déchirantes » : au coin d’une rue, j’entrevis Zarka et Martelli en vive discussion. Ils semblaient plongés dans un cruel dilemme : persister à rester « unitaires », c’est-à-dire bien « seuls », ou faire amende honorable et réintégrer la vieille maison, agitée d’un renouveau enthousiaste ! J’exultais !
Malheureusement mon réveil-matin sonna à cet instant, et je retombais dans la triste réalité… J’avais fait un vilain cauchemar, et sa fin heureuse n’était qu’un rêve…Plût au ciel qu’il devienne réalité ! Amen !

Abbé Béat

Messages

  • Le rêve il faut y croire sinon à quoi ça sert de vivre . Les solutions politiques possibles que tu développes dans ton rêve sont en conflit permanent et le rapport de forces futur fera que l’une ou l’autre triomphe . Dans les pays de l’est, face à la crise économique, la nostalgie des anciens dirigeants communistes se répand comme une trainée de poudre : Staline en URSS, Gierek en Pologne, Jivkov en Bulgarie et même Ceaucescu en Roumanie .

    L’astre "mort", que certains journalistes du nouvel-obs décrivent en la personne du PCF, est encore vivant et peut très bien ressusciter pour une nouvelle vie au service du peuple . Le communisme " jeunesse du monde " est à bâtir pour remplacer la société capitaliste en fin de course historique comme l’avait prévu notre cher Karl Marx .

    Il ne faut jamais désespérer malgré les malheurs qui portent des coups à l’humanité en de multiples endroits du monde. L’histoire humaine est faite de haut et de bas et notre recherche d’un monde meilleur sera une création architecturale digne des églises gothiques par le souci du détail respectant chaque être humain . Ce long travail de construction de la nouvelle société demandera des générations et l’impatience de la jeunesse accélérera le processus comme à certains moments de notre histoire. Les riches bourgeois spéculateurs de la misère et les maffias de tous ordres sont le mauvais versant qui tire l’humanité vers le vice. La "vertu" que nous représentons dans les idées doit être mise en place pour évacuer ce "vice" qui génère tant de maladies et de morts .

    Ton rêve doit se poursuivre jusqu’à la victoire avec lucidité et non "béatement".

    Amitiés fraternelles,

    Bernard SARTON, section d’Aubagne