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J’emmerde le vote utile
Doit-on aller voter comme on va parier au champ de courses ?
Ma candidature, espérée et ressentie par nombre d’entre nous comme meilleure solution pour défendre nos idées, est devenue impossible parce qu’elle souffrait d’un inconvénient de taille : la probabilité d’une victoire était faible et nombre de camarades auraient préféré défendre, contre leurs convictions, un autre candidat en mesure de gagner, selon la mécanique du vote utile
Le choix de l’alliance, Arnaud Montebourg, 24 juillet 2006
La question n’est pas de savoir si j’avais l’intention ou non de voter pour Arnaud. Elle n’est même pas de savoir pour QUI je compte voter, mais POUR QUOI et aussi POURQUOI.
Alors que le débat autour du TCE a fait la démonstration de l’appétence de démocratie participative de nos concitoyens, comme je l’avais déjà écrit à l’époque, ces aspirations légitimes sont aujourd’hui totalement noyées dans les guerres d’appareils et les combats de chefs. Ce qui permet de faire l’impasse sur le point capital de cette campagne électorale qui avance en tongs sans dire son nom : l’absence de projet de société.
Tout l’intérêt de la présence de Montebourg dans cette pré-campagne électorale était de remettre sur le tapis l’inadéquation[1], pour le moins, des institutions de la 5ème République pour maintenir ne serait-ce qu’un vernis démocratique dans une société totalement marchandisée et soumise aux diktats des multinationales. Et un bon débat de fond, ne serait-ce que sur le mode de gouvernance le plus adapté à notre époque, aurait été le bienvenu, en ces temps de disette idéologique.
Au lieu de cela, nous alllons irrémédiablement vers un affrontement de personnes sans grand intérêt, à savoir :
Pour vous administrer de force une politique économique franchement néo-libérale à la Bush/Blair, vous préférez Sarko ou Sarkozette ?
Bref, me voilà très énervée, tant j’ai la certitude que l’on va de nouveau me confisquer mon vote citoyen sans autre forme de procès. Je pense que parti comme c’est, ils ne vont même pas se fouler à faire semblant d’écrire un programme. De toute manière, cela vaut mieux pour eux tous : ce ne pourrait être qu’un programme commun, puisque les deux grands partis se rejoignent sur le point clé de leur projet de société : sa totale soumission à l’économisme globalisé, sans aucune autre espèce de considération, quelle soit humaine, écologique, morale... etc.
La justification du non-choix
A partir du moment où les deux appareils politiques ne proposent fondamentalement que la même vision du monde, il est important de soumettre la masse abrutie des électeurs à ce non-choix. Ce qui est là tout l’intérêt du foutu vote utile.
Le concept est simple : chaque citoyen ne peut se prononcer sur le type de société dans lequel il veut évoluer qu’une fois tous les 5 ans. Ensuite, tout ce qui lui tombe sur la gueule est sensé être légitimé par le blanc-seing électoral, puisqu’entre deux consultations, nous ne sommes plus qu’une masse bêlante et stupide. Toute l’astuce, aujourd’hui, c’est de ne plus donner le choix au peuple borné, même de temps en temps, de faire en sorte que les grandes orientations se décident sans lui, en dehors de tout contrôle démocratique. Donc, on lui explique bien qu’il n’y a que deux partis qui ont une chance de gagner : Sarko ou Sarkozette. Et que ce serait un peu con de voter pour quelqu’un d’autre[2], puisque que les autres candidats ne sont là que pour la figuration et faire joli sur les plateaux télé pendant la campagne officielle.
Ce qui revient à dire que même si l’on désapprouve totalement le modèle de société prôné par les deux Janus, ce sera forcément cela qui va sortir des urnes et que si l’on veut que notre vote fasse partie du camp des vainqueurs, il faudra se prononcer sur des caractéristiques secondaires qui ne remettent en rien en cause le projet global[3]. Et l’on arrive ainsi à la conclusion que voter selon ses convictions ne sert à rien !
Ce qui prouve, une fois de plus, que personne n’a réellement compris la portée du premier tour de 2002.
Ce qui me conforte plus que jamais dans l’idée qu’il convient au contraire de résister à ce hold up sur les urnes !
Ce qui me pousse à penser que plus que jamais les citoyens doivent refuser le marketing politique à deux balles et forcer ceux dont c’est soit-disant le métier à aller au débat de fond, sur nos institutions, sur nos choix de société, sur la manière dont nous souhaitons Vivre-Ensemble[4] dans les prochaines années.
Car si nous décidons de tourner le dos au mythe du vote utile[5], si nous décidons que voter, c’est exprimer nos aspirations profondes, alors ce pourrait être une formidable surprise qui sortira des urnes en 2007 !
Notes
[1] J’aurais pu écrire déliquescence, ce qui eut été plus adapté, tant la caste au pouvoir a détourné les instruments de gouvernance à son seul profit, mais cela résonne bien trop “déclinologue” à mon oreille !
[2] En fait, pour une alternative politique
[3] En gros, Karsher ou Mitard, solidarité a minima ou charité, avec ou sans vaseline...
[4] J’écris toujours ce mot dans son sens Arendtien
[5] Comme si voter selon ses convictions était inutile !
septembre 20th, 2006
Categories : analyses, Agnès Maillard . Author : monolecte
http://lemondecitoyen.com/2006/09/20/jemmerde-le-vote-utile/#comments
Messages
1. > J’emmerde le vote utile , 1er octobre 2006, 19:04
A propos de cette note :
[4] J’écris toujours ce mot dans son sens Arendtien
Vous vous demandez d’où vient le vote populiste ou le non-vote, alors je pense que cette note [4] est un élément de réponse.
J’ai regardé dans le dictionnaire pour voir qui était Hannah Arendt (1906-1975)
c’est surement très important le sens Arendtien, mais c’est pas clair pour la plupart des gens.
Au sens coluchien du terme, "j’emmerde les politiciens" est assez clair.
Au sens Sarkosien du terme, "j’emmerde ceux qui ne voteront pas pour moi" est compréhensible également.
Aussi, je me demande ce qu’au sens "Arendtien" du terme, "Emmerder le vote utile" veux dire.
D’un point de vue néo-ségolénien, tous les votes sont utiles.
D’un point de vue "moi-même-nihilo-proustien", mon vote sera presqu’utile quoique pas sûr d’après les sondages.
Je suis sûr que ce point de vue aurait été critiqué d’une manière acerbe par Hannah Arendt, mais elle est morte.
Bref, je me range plutôt dans la catégorie des néo-coluchiens renaudistes post-communistes dubitatifs, et j’irai voter comme il me chante.
jyd.
2. J’emmerde le vote utile , 9 février 2007, 15:03
Complètement d’accord avec cette analyse.
J’ai aussi écrit unbillet d’humeur sur la question. C’est sur le site ci-dessous.
http://omonde.gauchepopulaire.fr