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JOUR DE PLUIE

Publie le dimanche 17 décembre 2006 par Open-Publishing
15 commentaires

le Yéti

Aujourd’hui, ma mioche m’a appelé, affolée.

— Papa, tout à l’heure, je suis tombée sur le quai du métro. Il y avait plein de monde qui descendait de la rame. Ils sont passés sans me voir, sans s’arrêter. N’ont même pas vu mes béquilles.

Ma mioche a vingt ans, vaillante et amoureuse autant que faire se peut. Mais voilà, en ce moment, elle a un problème à une jambe — ne me demandez pas quoi, même le gratin de la médecine ne sait toujours pas. Depuis un an, elle marche avec des béquilles, tire sa jambe et sa douleur.

— Juste avant, à la FNAC, je faisais mes courses de Noël. Il y avait foule. J’ai voulu passer par la caisse dite "prioritaire". Les gens dans la queue n’ont pas voulu. Ils ont dit qu’eux aussi attendaient depuis longtemps.

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Il y a des jours comme ça où rien ne va. Bas de nuages, chargés d’humidité, neurasthéniques comme les squelettes des arbres en deuil de leur feuillage et trempés aux os. Des jours où votre tête meuble le vide avec de vieilles histoires.

Mai 1960. Mes parents viennent de monter de leur province profonde à Paris. Il reste un mois d’école. Je débarque dans une sorte de caserne à murs surélevés. À la récré, on nous siffle avec un sifflet à roulettes pour nous faire mettre en rang. Jamais vu ça avant ! Le pire arrive quand, pour un motif tellement futile que je ne m’en rappelle pas, une sombre brute maigrelette à odeur de renfermé me fait joindre les doigts vers le haut avant d’y abattre sa règle plate.

Jusqu’à présent, j’avais plutôt été un élève honorable. Mon dernier petit titre de gloire provincial : un prix d’honneur avec à la clé Le Roman de Renart et ses histoires d’anguilles. Après le coup de règle, terminé, j’allais mettre un point d’honneur à collectionner les zéros pointés et les heures de colle.

°°°°°°°°°°

J’ai essayé d’oublier la pluie, les bourrasques de vent et les arbres chauves. Me suis réfugié sur le web, évité les sites où s’étalaient la misère et les dérives du monde. Mais ça n’allait guère mieux du côté de mes sites favoris. Temps maussade sur les ondes virtuelles. Des "amis" d’un même groupe politique s’y étrillaient avec application à propos d’une "candidature unitaire consensuelle" pour les prochaines élections. Invectives et noms d’oiseaux fusaient, cinglants comme des coups de règles sur le bout des doigts.

Dehors, un cargo est passé dans la brume. J’ai attrapé mes jumelles, essayé de distinguer l’équipage dans le poste de commandement. Sur le pont, deux hommes étaient appuyés au bastingage. Qui étaient-ils, que faisaient-ils là, dehors dans cette grisaille ruisselante ? Qu’attendaient-ils ? L’arrivée au port ? Une gorgée de vin chaud ?

°°°°°°°°°°

J’ai rappelé ma mioche une petite heure après. Elle avait la voix parfaitement posée, plus le moindre signe apparent de désarroi. Mes mots jaillirent comme si de rien n’était.

— Tu sais, il vaut mieux ne pas faire attention. Les cons, tu vas en rencontrer des tonnes. Ils pullulent, c’est comme ça. À droite, à gauche, toujours à aboyer, prêts à mordre ou pire, indifférents, obnubilés uniquement par eux-mêmes et leurs petites cuisines. Il ne sert à rien de discuter avec eux. On n’argumente pas avec les cons, on les tient à distance, on les met hors d’état de nuire !

Elle se mit à rire.

— Oui, oui, papa, je comprends. T’es drôlement remonté, dis donc ! Mais t’inquiète pas, ça va aller. Et puis tu sais, je ne suis plus tout à fait une "mioche".

Messages

  • message à "le yéti "

    ma gamine de 15 ans a marché avec des béquilles pendant 2 ans et demi avec une algo dystrophie ,elle est aujourd’hui guérie, et nous avons eu la même expérience que vous.

    des cons et des conneries ,elle en a entendu et elle sait maintenant se défendre .

    courage et amitiés antilibérales

    jc de bourgogne

    conctactes moi .

    gauche2007@aol.com

  • Bonjour !
    Quelquefois un bon ostéopathe peut trouver la solution à des problèmes que "le gratin de la médecine" ne peut résoudre.
    (pour l’alternative unitaire je ne suis pas sûre ...)
    Cordialement,
    Léa.

  • Pour la "mioche" plein de bonnes pensées !

    Pour les cons, voilà ce que je dis depuis toujours à la mienne (de mioche) : "parle pas aux cons çà les instruit". De temps en temps, elle m’appelle pour que je lui "re-délivre cette "sainte" parole !

    Tout à fait sur la même ligne Yeti. J’aime les mots qui parlent comme tu les fais parler et dire ce qui est ! Bonne journée Yéti !

    Verdi

  • On n’argumente pas avec les cons,

    Parler de cons, ce n’est pas poli, parlons plutôt de brouettes. On ne discute pas avec une brouette, on la pousse (pas trop violemment, avec des gestes mesurés, pour ne pas risquer un lumbago).

    on les tient à distance, on les met hors d’état de nuire !

    Si nous savions faire ça, nous n’en serions pas là !

    La France aux Français... la Connerie aux cons !

    Cordialement,
    zepg

  • Bonjour

    Ne pas oublier qu’on est toujour le con de quelqu’un.

    Donc les cons ses eux ses nous ses vous, ses pas moi ses les autres...

    Dom.p surement le con de quelqu’un et moi j’ai mes cons aussi @+

  • BONJOUR YÉTI...

    Un soir que je rentrais, très pressé, chez moi et que je devais urgemment faire quelques courses pour ramener à manger, je m’arrête sur mon chemin, en catastrophe, au supermarché de la ZUP, à 5 minutes de sa fermeture.

    Je jaillis hors de la voiture vers le magasin et je m’écrase le visage sur la porte vitrée que je n’avais pas vue. Je suis myope, astigmate, presbyte et je portais de nouveaux verres correcteurs "progressifs"... que je ne maîtrisais pas ! (j’ai cessé de porter de tels verres depuis !)
    J’ai entendu un énorme bruit de casseroles qui dégringolent, j’ai vu une immense étincelle rouge qui m’enveloppait, et j’ai glissé lentement mais surement vers le bas de la porte de verre, où je me suis affalé...
    Des gens sont sortis "pour voir" et dans mon semi-coma, je les entendais dire entre deux rires que je devais être un poivrot un peu trop éméché... On m’a conduit à la pharmacie où l’on m’a nettoyé et fait des points de suture à l’arcade sourcillière, à la lèvre supérieure... J’avais le nez cassé...

    J’en ai conclu que quand on est trop pressé, cela peut vous conduire dans des situations où l’on vous prend pour le drôle de marginal que les autres font mine de ne pas (re-) connaître.
    Mais surtout çà vous met terriblement en retard !

    NOSE

  • "VOIR LES AUTRES COMME ILS SONT LES REND PLUS MAUVAIS, VOIR LES AUTRES COMME ILS POURRAIENT ÊTRE LES REND MEILLEURS"

    JE REMERCIE TOUS CEUX QUE J’AI PU CROISER QUI ONT FAIT L’EFFORT NECESSAIRE SUR EUX-MÊMES POUR ME VOIR COMME J’AURAIS PU ÊTRE. ILS M’ONT PERMIS DE LE DEVENIR.

  • Salut !

    Hé oui, entre le désintérêt, la passivité et l’égoïsme, la "connerie" humaine n’a pas de limite.

    Moi, c’est la SEP et le fauteuil roulant. Là, c’est le contraire de ta fille : regards collants et yeux qui fuient. Au point qu’un jour, j’ai "osé" afficher un tee-shirt représentant un cerveau avec écrit dessous : "je suis moins handicapé que toi".

    Parce que rire est une si jolie manière de montrer les dents....

    Courage à ta môme.

    Ultimail.org

  • Voilà une grande démonstration !!!
    Ils se disent "unitaire"...ils défendent le peuple...pour un monde meilleur...
    La "mioche" qui prend le métro n’est pas une "nanti" son pére lui aurait offert une "Rolls avec chauffeur !!.
    Ben oui bien plus facile de lancer un débat sur un Nom que de se mettre en action...
    T’inquietes pas la "mioche" la "petite" que je suis t’aidera à ramasser tes béquilles et à porter ton sac...entre "petits" un seul regard suffit pour déclencher l’envie de s’aider...Même si je ne connais pas ton "Nom" et que tu ne connais pas le mien...
    LA PETITE

  • Enfin un peu d’humanité !
    Et merci pour la photo.

  • ton texte est magnifique,plein d’humanité.
    il pleut encore un peu et quelques rayons de soleil commencent d’éclairer le paysage .
    je n’ai pas regardé la météo de mercredi,j’espère que la pluie froide ,triste va cesser.

    merci le yéti

    jc de bourgogne

  • C’est vrai que des gros cons, il y en a à droite, il y en a aussi à gauche.
    Quand je les croise ou les découvre, ça me met le cafard. Je me dis que la société humaine dont je rêve n’est pas prête d’arriver.
    Parce qu’une société humaniste n’est pas liée uniquement au mode de redistribution des richesses mais aussi à des gestes simples, simplement gentils.
    C’est cette indifférence, cette bêtise qui m’empêche d’être vraiment heureux et lorsqu’elle s’abat sur un être qui m’est cher je la vis aussi comme une blessure profonde.
    Toute mon amitié à toi et à ta pitchoune.
    JP

    • ça ne s’arrange pas trop ici quand même...

    • Désolé le Yéti.
      je t’avais écrit suite à ton article qui m’a ému, touché, mais mon message est ’suspendu’ à la validation des modérateurs ...
      Ca devient de plus en plus difficile de communiquer ici.
      Bellaciao victime de son succès à son tour ? Ca devient grotesque et pense que mes visites vont s’espacer.
      JP