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Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail...
Publie le mardi 24 août 2010 par Open-Publishing15 commentaires

Bonjour à toutes et à tous,
j’ai éprouvé le besoin d’écrire ce petit texte et de la publier sur Bellaciao suite à une discussion avec ma compagne, salariée de droit privé d’une "grande administration" réformée par la Révision Générale des Politiques Publiques. L’histoire qui suit est malheureusement vraie, elle n’a été relayée que par des listes internes et c’est pourquoi, hormis le nom de Jean Louis, j’ai éprouvé le besoin de l’anonymiser.
Les collègues de Jean Louis, indignés, ont éprouvés le besoin de citer les noms des responsables, j’ai choisi de ne pas le faire tout simplement parce que je ne le connaissais pas directement et que j’ai pensé qu’il valait mieux que cela reste illustratif, symbolique. Cela se passe en France, aujourd’hui, et dans l’administration.
C’est, selon ma compagne et moi, une illustration de la politique de contre réforme du gouvernement. C’est aussi un symbole de ce qu’est le travail et de la façon dont on considère les travailleurs à l’heure du "travailler plus..."
Jean Louis était agent d’un grand service public, ouvrier de catégorie C. Il avait 44 ans et était responsable du courrier en interne, des navettes, du suivi de l’entretien des voitures, de la reprographie et du suivi du stock du magasin de fournitures. Toujours serviable, il aidait tout le monde et était apprécié de ses collègues.
L’administration pour laquelle il travaillait a, comme les services publics de santé, de la culture ou de l’éducation, été récemment réformée dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques.
Plusieurs services ont été fusionnés, des contrats de droit privé ont été massivement signés. Dans le cas de Jean Louis, ce sont trois administrations qui se sont retrouvées superposées. De plus, les contre-réformes du gouvernement ont introduit de nouvelles méthodes manageriales, portées par des chefs de services, déconnectés de la réalité, habitués au chiffres et à la politique du quotas, passés par le privé ou formés dans les écoles du pouvoir.
Jean Louis a été affecté dans la nouvelle administration en janvier 2010.
De nouveaux locaux ont été assignés à l’administration fusionnée. En préparation du déménagement, Jean Louis travaille pendant des semaines (destruction de dossiers, préparation des cartons, déchetterie, tri, …) sans compter ses heures, et souvent, il travaille une grande partie de la nuit prolongeant parfois son service jusqu’à 6 heures du matin.
Les relations avec son ministère d’accueil sont mauvaises, la directrice de l’administration réformée, ne propose rien de concret à Jean-Louis qui devait intégrer les nouveaux locaux à compter du 01 juillet 2010. Sa nouvelle directrice, sans doute adepte du "New public managment", n’avait aucun respect pour Jean-Louis, lui adressant la parole que de façon méprisable comme l’affirment certains de ses collègues.
Le poste qu’elle propose à Jean Louis dans cette nouvelle administration n’a rien à voir avec la formation que cet ouvrier avait acquis au cours de sa carrière. Il est prévu que Jean-Louis assure une permanence à l’accueil des usagers, une demi- journée par semaine alors qu’il ne souhaitait absolument pas assurer cette mission et qu’il s’en était expliqué. Il avait même trouvé dans la charte de fonctionnement de sa nouvelle affectation un poste qui lui convenait plus : « Un agent sera désigné comme référent véhicule au sein de chaque pôle » disait le règlement. Cela convenait plus à Jean Louis qui l’avait fait savoir. Le flou des textes, les interprétations abusives faites par sa supérieure on eu raison de l’optimisme de Jean Louis. Après de multiples refus concernant des demandes d’affectation au service du courrier ou des stocks, Jean Louis a jeté l’éponge lorsqu’il a été affecté dans un local minuscule qu’il devait partager avec un autre agent.
Il ne se sentait pas à l’aise dans cette nouvelle administration, ne comprenait plus ce qu’on attendait de lui et ne se repérait pas dans le dédale de services et de petits chefs que l’administration réformée lui ordonnait d’écouter. Ne sachant plus pour qui il travaillait, faisant le déménagement d’une administration puis d’une autre, devant rendre des comptes à un troisième service, il se perdait et la complexité de la fusion lui posait un problème.
Jean Louis avait signalé sa situation à l’inspectrice principale de son ministère de tutelle, quel soutien lui a-t-elle apporté ? Elle n’a même pas pris soin d’enquêter.
Jean Louis est parti en congés , en juillet, complètement épuisé.
Après 5 semaines de congés, personne n’attendait Jean-Louis au sein de l’administration réformée, aucune fiche de poste n’était prévue, il ne savait absolument pas ce qu’il devait faire.
Jean-Louis s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail… ce n’est sûrement pas un hasard.
Le journal local de la région où était né Jean Louis a pudiquement parlé de son décès...rien sur ses conditions de travail, sur sa vie, comme si la vie d’un ouvrier déprimé par la marche d’un système de plus en plus impersonnel, tourné vers le fric et individualiste, ne valait rien...C’est la morale de notre époque, et je la trouve dégueulasse.
Messages
1. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 25 août 2010, 15:04
Quelle désastre humain et comme ce cas particulier illustre bien l’ignominie
des nouvelles méthodes de gestion du personnel. Peut on esperer qu’une parti au moins de ces" cadres" prendra conscience que c’est d’homicide dont il s’agit ?
Cette histoire, tout comme les suicides Renault ou france télécom, mériterait une médiatisation de masse car il est vrai que, lecteur de bellaciao, nous sommes convaicu des crimes du système. jp
1. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 25 août 2010, 15:24
Les collègues de Jean Louis, certains syndicalistes de son administration ont demandé une réunion avec la chef de service concernée...pas de réponse...la morgue, toujours la morgue...
R.
2. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 25 août 2010, 17:27
Encore un drame de la RGPP ; Peux tu nous préciser dans quelle administration ça s’est passé ? Je travaille au Ministére de la Justice et nous assistons à ce même type de "déportation" d’agents dont les postes ferment. C’est valable pour l’ensemble des personnels quelque soit leur catégorie et les fonctions exercées. La résistance est très faible, et le démantellement de la fonction publique se poursuit dans l’indifférence générale.
1. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 25 août 2010, 17:46
directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP)
2. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 26 août 2010, 06:31
Feraient bien de commencer par protèger les leurs de "populations" !!!
G.L.
3. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 26 août 2010, 13:01, par Eddie Torial
TRAVAIL : du Latin TRIPALIUM : INSTRUMENT de TORTURE à TROIS PIEUX
http://lecaennaisdechaine.over-blog.com/article-travail-du-latin-tripalium-instrument-de-torture-40789103.html
Eddie Torial
4. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 26 août 2010, 19:09, par 49encolère
Un cadre C ne vaut pas grand chose dans l’administration d’aujourd’hui, sauf que ce sont ces mêmes cadres qui bossent, qui endossent le mécontentement des usagers, qui sacrifient pour beaucoup leur santé mais ce ne sont pas ceux qui bénéficient des primes juteuses de fin d’année.
Condoléances à la famille de Jean-Louis.
1. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 28 août 2010, 19:10, par Revol34
Cadre C ou cadre A, il n’y a pas de différence dans le traitement quand on est un gêneur.
Qui peut croire, encore, que ce genre de suicide sera médiatisé ?
Quand aux préconisations du genre " il aurait dû se mettre en arrêt maladie..", il faut arrêter de penser que la solution à ces problèmes de harcèlement se règlent par des arrêts maladies.
Ne nous voilons pas la face c’est du ressort d’un tribunal populaire.
Passons à l’acte pour demander justice car le système judiciaire actuel,collaborateur, ne le fera pas
2. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 28 août 2010, 19:41
Je salue respectueusement la mémoire de Jean-Louis. Moi, qui suis un ancien, je vous le dis ici, le suicide n’est pas une solution. Je sais bien que c’est très dur pour vous parfois. Mais réagissez, même quand cela devient extrêmement difficile. Ne laissez pas les patrons rire dans leur barbe quand un salarié met fin à sa vie pour des raisons professionnelles.
J’ai participé dans le passé à des luttes très dures ... moi et mes camarades n’avons jamais baissé les bras ! Alors faites de même. C’est vrai que le patronat de droit divin se croit tout permis. Mais qu’ils le veuillent ou non tous ces richards qui ont un coffre-fort à la place du coeur sont "cuits", et ils se savent bien... ce n’est qu’une question de temps !
Alors, on ne leur laisse aucun répit ... pour un oeil, les deux yeux, pour une dent, toute la bouche !
5. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 31 août 2010, 09:17, par citoyen XXXX
Moi aussi je connais un cas de suicide "le jour de la reprise du travail"dans la fonction publique.(vers 2004). Qui fait la liste des cas ?
6. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 31 août 2010, 21:37, par nauphrasis
Comment se fait-il que Jean-Louis s’est retrouvé seul face aux difficultés ? Il semble que la gestion actuelle des personnels au travail tend à isoler les individus, à les couper les uns des autres, à renforcer le "chacun pour soi". Comment faire pour ne pas se retrouver isolé, acculé ?
1. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 4 septembre 2010, 18:35
Quels enseignants ont reçu des syndicats de "l’éducation" nationale, de l’association de parents d’élève dite "de gauche" (donc, en principe par favorable à l’école privée, ou bien ?), sans parler des "partis politiques", un soutien suffisant pour les empêcher de suicider ?
Pas assez, semble-t-il, puisqu’ils constituent le premier, ou le deuxième (après les paysans) groupe professionnel qui se suicide le plus en France.
Là non plus, aucune statistique publiée, aucun sondage "opinionway" par téléphone ou site internet :
– Êtes-vous favorable au suicide des professeurs ?
Oui - Non - Sans opinion.
2. Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail..., 5 septembre 2010, 11:35, par videbou
qu’est-ce que c’est que cette question de fous ? comment pourrait-on être favorable au suicide de quelqu’un ? je ne comprends pas.pouvez-vous regarder s’il n’y a pas une erreur de formulation ? ou bien c’est un gag ? et c’est très bête étant donné le sujet !
7. restructuration et degraissage du personnel, 10 septembre 2010, 10:28, par aldobonnot
Comme beaucoup d’entreprises ils ne veulent pas licencier trop cher et pas glorieux.
Il est plus intéressant pour eux de faire de la guerre psychologique, pour que les gens partent en démissionnant, pas d’indemnités, ouvertures d’aucun droits, statistiques dans le vert etc...
C’est juste de bonne guerre.
1. restructuration et degraissage du personnel, 11 septembre 2010, 23:50, par yaghmotacene
Le journal local de la région où était né Jean Louis devrait se rattraper en parlant de lui ; ce serait la moindre des choses pour une presse locale.