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Jean Ziegler demande l’admission des réfugiés de la faim

Publie le mardi 26 juin 2007 par Open-Publishing

Swissinfo 14 juin 2007

Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation Jean Ziegler a demandé au Conseil des droits de l’homme de reconnaître une nouvelle catégorie de réfugiés, ceux de la faim.

Le sociologue suisse a par ailleurs critiqué les pays occidentaux pour leur promotion des biocarburants car ceux-ci proviennent de terrains agricoles autrefois dévolus à la production alimentaire.

Dans le cadre de la 5ème session du Conseil des droits de l’homme qui se tient du 11 au 18 juin à Genève, Jean Ziegler a demandé jeudi à ses membres d’élaborer une nouvelle norme internationale pour le non-refoulement temporaire des refugiés de la faim.

Choqué par les vagues d’immigrants clandestins africains qui échouent sur les côtes de l’Italie et de l’Espagne ou qui se noient dans la traversée entre la Somalie et le Yémen, l’ancien parlementaire socialiste a déclaré que « la tragédie ne fera que s’amplifier. »

« Ces gens sont totalement désespérés et victimes de réseaux criminels. Ce n’est pas un problème facile à résoudre, mais la stratégie visant à transformer l’Europe en une forteresse a échoué », a-t-il souligné devant la presse.

Selon lui, le Conseil des droits de l’homme peut définir les régions dans lesquelles il faut appliquer « l’état de nécessité ». Et de citer en exemple le Programme alimentaire mondial, « qui a l’habitude de définir chaque année les régions dans le monde ou il n’est pas possible d’assurer la sécurité alimentaire ».

Malnutrition en hausse

Tout en reconnaissant la difficulté de faire la distinction entre réfugiés de la faim et réfugiés économiques, le rapporteur spécial de l’ONU a dénoncé la politique des pays européens qui créent des camps d’accueil en Afrique du Nord pour « externaliser le problème ».

Le sociologue suisse a plaidé pour une norme selon laquelle seuls les immigrants pouvant démontrer qu’ils viennent d’un pays traversant une crise alimentaire, comme au Niger en 2005, seraient admis. Une fois l’état d’urgence passé, ils pourraient être renvoyés dans leur pays.

Pour illustrer son propos, Jean Ziegler a relevé que le nombre de personnes insuffisamment nourries en Afrique a triplé au cours des 30 dernières années. La malnutrition est en hausse : le nombre de personnes touchées dans le monde a passé de 842 millions l’an dernier à 854 millions cette année.

Réaction suisse

Selon le rapporteur, sa proposition a reçu le soutien des pays africains, asiatiques et latino-américains, mais les pays européens redoutent une montée de la xénophobie si une nouvelle catégorie de réfugiés est admise. Des diplomates européens l’ont accusé de « jouer avec le feu », a-t-il confié.

Lors du débat, la représentante de la Suisse, Muriel Berset Kohen, a reconnu pour sa part que la migration des Africains vers l’Europe était « un problème alarmant. » Néanmoins, « la reconnaissance d’un droit pour ces réfugiés pose la question de l’établissement de critères objectifs afin de déterminer quelle personne est menacée au point de recevoir l’asile pour échapper à la faim », a-t-elle déclaré.

Biocarburants contestés

En marge de ses propos tenus dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, Jean Ziegler a par ailleurs accusé l’Union européenne, le Japon et les Etats-Unis d’être « totalement hypocrites lorsqu’ils font la promotion des biocarburants afin de réduire leur propre dépendance face aux importations de brut ».

Il a relevé que le développement de la demande en biocarburants avait un coût humain. Elle pourrait selon lui entraîner des famines causant la mort « de centaines de milliers de personnes. »

Jean Ziegler a notamment donné l’exemple du Brésil, où de plus en plus d’anciennes plantations de cannes à sucre sont aujourd’hui utilisées pour produire des biocarburants. Les terres à disposition des agriculteurs pour leur subsistance ne cessent de diminuer.

« Je peux comprendre les gouvernements brésiliens ou mexicains. Très endettés, ils souhaitent trouver de nouveaux débouchés économiques. Mais du point de vue du droit à l’alimentation, il s’agit d’une catastrophe. »

http://www.swissinfo.org/

http://www.monde-solidaire.org/spip/article.php3?id_article=4074