Accueil > John Prescott : Bush est de la merde

de Colin Brown, rédacteur en chef politique adjoint The Independent
Le PM-adjoint critique la manière dont les Etats-Unis ont géré le Proche-Orient, traitant, lors d’une réunion privée, le président américain de ’cow-boy’
John Prescott a évacué en public les sentiments qu’il éprouve personnellement à l’égard de la présidence de Bush, résumant son administration d’un seul mot : de la merde !
En condamnant ainsi le Président Bush et son approche du Moyen-Orient, le Premier ministre adjoint [britannique] pourrait créer une querelle diplomatique, pour le plus grand plaisir des députés travaillistes, qui sont furieux de la manière dont Tony Blair a soutenu les Etats-Unis lors du bombardement du Liban.
On rapporte qu’il a fait cette remarque mardi dernier, lors d’une réunion privée dans son, à Whitehall, en présence de députés musulmans et d’autres députés travaillistes, représentant des circonscriptions à larges communautés musulmanes. Les députés musulmans voulaient enfoncer le clou de leurs objections quant à la politique étrangère britannique et discuter des moyens d’améliorer les relations avec les communautés musulmanes.
Hier, quelques-uns des députés présents ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas se rappeler si M. Prescott avait fait cette remarque. Bien que l’on pense qu’il a fait part, lors d’une réunion privée de cabinet, de ses inquiétudes relatives au bombardement du Liban, Prescott a beaucoup peiné pour éviter de se désolidariser en public de M. Blair. Mais Harry Cohen, le député de la circonscription qui inclut Walthamstow (scène de plusieurs raids de la police dans l’enquête du prétendu "complot terroriste"), a déclaré que M. Prescott a bien utilisé le mot "merde" à propos de l’administration Bush.
"Il s’exprimait dans le contexte de la ’feuille de route’ au Proche-Orient. Il a déclaré qu’il n’avait soutenu la guerre en Irak que parce qu’on lui avait promis la feuille de route. Mais il a dit que là-dessus l’administration Bush avait été de la merde. Nous avons tous rigolé et il a dit à un fonctionnaire, ’Ne notez pas cela !’" M. Cohen a ajouté : "Nous avons aussi rigolé lorsqu’il a dit que ce sacré Bush n’est qu’un cow-boy [d’opérette] avec son Stetson vissé sur la tête. Mais il a dit : ’Je ne peux vraiment pas parler de cela, n’est-ce pas ?’
Hier soir, un fonctionnaire du bureau du Premier ministre adjoint a déclaré : "Ces discussions sont privées et sont censées rester entre quatre murs. Elles sont privées afin que les discussions puissent être franches."
Et aujourd’hui, M. Prescott a nié avoir traité George Bush de "merde" et de "cow-boy". Voici ce qu’a déclaré Prescott : "C’est un reportage inexact d’une’ conversation privée et ce n’est pas mon point de vue".
Lorsqu’on a dit à Harry Cohen que ceux qui assistaient à cette réunion ne pouvaient pas se rappeler ces mots, ce dernier a déclaré : "Il l’a dit. Je le confirme."
Le spectacle de MM. Bush et Blair, soutenant ensemble l’action israélienne, a rendu furieux de nombreux députés travaillistes. Les députés travaillistes sont allés voir M. Prescott pour lui faire part de leur critique de la politique étrangère du gouvernement et, hier soir, à la suite de l’indignation provoquée par le bombardement du Liban, plusieurs d’entre eux lui ont dit qu’ils seraient ravis s’il se désolidarisait de l’administration Bush.
Lors de discussions privées avec M. Prescott, les députés travaillistes qui représentent les larges communautés musulmanes n’y sont pas allés de main morte dans leur critique de M. Blair pour avoir accordé son soutien à M. Bush. Un autre député, contacté à propos de ces conversations, n’a pas réfuté les propos de Prescott, mais il a ri et dit : "Je ne peux pas discuter de cela". À la question de savoir s’il avait entendu M. Prescott employer le mot de cinq lettres, il a dit : "je ne m’en souviens pas".
Le Premier ministre adjoint aurait été clair en soutenant fermement les efforts déployés par M. Blair pour persuader l’administration Bush de ressusciter la feuille de route pour la Palestine et Israël. M. Blair a donné sa parole que le processus de paix serait sa priorité à son retour de vacances dans les Caraïbes.
"Il a y eu un échange de points de vue très rude", a dit le député. "Nous nous sommes querellés au sujet des relations communautaires. Il a été dit au Premier ministre adjoint, en termes on ne peut plus clairs, que le Gouvernement comptait trop sur les anciens de la communauté musulmane qui ne disposaient pas de la crédibilité nécessaire".
Les députés travaillistes musulmans ont dit aussi à M. Prescott qu’ils avaient besoin de maintenir leur propre crédibilité au sein de leurs communautés, raison pour laquelle ils ont signé une lettre controversée appelant à un changement dans la politique étrangère britannique. Selon eux, le gouvernement n’a rien gagné à attaquer leur lettre.
Dans le passé, M. Prescott a déjà été accusé de faire connaître ses sentiments personnels au sujet de l’administration républicaine à la Maison-Blanche. Lors des négociations sur le traité de Kyoto, il s’est lié d’amitié avec Al Gore, le candidat démocrate vaincu de l’élection de 2000. D’autre part, il a été confirmé que Prescott a dit à Gore, après sa défaite, qu’il était désolé qu’il ait perdu cette course au profit de M. Bush.
M. Prescott est aussi connu pour avoir utilisé auparavant le mot "merde" en relation avec des événements politiques. Au début du mois, il a dénoncé les affirmations de sa possible démission (à la suite du différent concernant ses liens avec l’offre du magnat Philip Anschutz pour un super casino au Dôme Millénium), comme étant "un tas de merde".
C’est M. Prescott qui est aux commandes pendant les vacances de M.Blair, mais il est largement resté en retrait lorsque John Reid, le ministre de l’intérieur, a pris les commandes sécuritaires du gouvernement à l’occasion du complot terroriste, prétendument destiné à faire sauter des avions au-dessus de l’Atlantique.
À huis clos, M. Prescott a dû affronter les exigences de plus en plus fortes des députés pour rappeler le Parlement afin qu’il débatte de la crise au Proche-Orient. Malgré le cessez-le-feu au Liban, cela reste une option. Les militants soutiennent qu’ils ont les signatures de plus de 150 députés, tous partis confondus, [requises] pour rappeler [le parlement]. Fait révélateur, on y retrouve la signature d’Ann Keen, la secrétaire parlementaire privée de Gordon Brown, le Chancelier [de l’Echiquier], qui est actuellement en congé de paternité, à la suite de la naissance de son deuxième enfant. Jim Sheridan, le député travailliste de Paisley et Renfrewshire North, a démissionné de sa fonction de secrétaire parlementaire privé des ministres de la défense, à cause du bombardement du Liban.
M. Prescott a tenu à montrer aux députés travaillistes qu’il est prêt à écouter leurs griefs, mais il a insisté sur la discipline du parti afin d’évider les divisions. Il sera furieux que ses remarques soient répétées, mais les signes d’une dissension au sein du cabinet sont de plus en plus visibles.
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article original : "Bush is crap, says Prescott"
Traduit de l’anglais par [JFG-QuestionsCritiques]