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Journée du "silence" dans la presse italienne

Publie le samedi 10 juillet 2010 par Open-Publishing

Une journée sans info pour dénoncer les dangers d’une presse muselée : la quasi-totalité des médias italiens ont fait "silence" vendredi pour protester contre un projet de loi qui limiterait l’usage des écoutes téléphoniques dans les enquêtes judiciaires. Le texte interdirait également à la presse de diffuser des extraits d’écoutes et de publier des informations sur des investigations en cours.

En vertu du texte préparé par le ministre de la Justice Angelino Alfano, les journalistes s’exposeraient à une peine d’un mois d’emprisonnement, tandis que les éditeurs pourraient écoper d’amendes allant jusqu’à 464.000 euros.

Considérant le projet soutenu par le président du Conseil Silvio Berlusconi comme une violation de la liberté de l’information, les journalistes ont appelé à un "journée du silence" dans les médias pour illustrer son impact potentiel.

Dans la matinée, seuls quelques journaux étaient présents en kiosque : "Il Giornale", un quotidien conservateur appartenant à la famille de Silvio Berlusconi, "Il Foglio", un autre journal conservateur proche du président du Conseil, et "Il Riformista", un journal de centre-gauche opposé au texte mais qui juge contre-productif un "bâillon auto-imposé".

A la source de nombreux scandales en Italie et de certains excès, écoutes téléphoniques et fuites constituent une manne d’informations pour les journaux. Certaines ont trait à la vie privée, comme celles qui ont fait les gros titres l’an passé sur de prétendus enregistrements d’une call girl, Patrizia D’Addario, affirmant avoir eu des relations sexuelles avec Silvio Berlusconi.

Mais le projet de loi du gouvernement a déclenché un tollé dans le monde judiciaire. Les magistrats ont exprimé leur hostilité le 1er juillet, mettant en garde contre ses conséquences néfastes dans la lutte contre la Mafia, le terrorisme et les affaires de pédophilie.

La plupart des observateurs conviennent qu’il y a trop de mises sur écoute et que leur contenu est trop facilement publié dans les journaux, souvent en violation de la vie privée et sans lien évident avec des enquêtes. Selon le ministre de la Justice, plus de 100.000 écoutes téléphoniques par an sont autorisées en Italie, contre environ 20.000 personnes en France, 5.500 en Grande-Bretagne, et 1.700 aux Etats-Unis.

Quant à Silvio Berlusconi, cible notamment de plusieurs enquêtes pour corruption, il s’est posé en champion des valeurs démocratiques. "Nous sommes tous espionnés", a-t-il récemment lancé. "Nous rendons-nous compte que ce n’est pas un pays civilisé ?... Ceci n’est plus tolérable".

Mais ses détracteurs estiment qu’’’Il Cavaliere" ne souhaite en réalité qu’une chose : protéger sa propre personne et ses alliés.

"Le véritable objectif de ce projet de loi est d’empêcher" la sortie d’’’affaires judiciaires qui ont un impact politique élevé, celles qui peuvent générer et ont généré de l’embarras", note Roberto Natale, président du syndicat des journalistes italiens.

Des organisations internationales ont salué la mobilisation des journalistes italiens, dont Reporters sans frontières, qui appelle tous les députés à refuser de voter cette réforme, "approuvée en commission sénatoriale", estimant dans un communiqué que "les conséquences de ce texte dépasseront les seules frontières de l’Italie".

Malgré des excès en matière d’écoutes, le projet de loi demeure controversé au sein même de la coalition au pouvoir. Il a été ainsi modifié plusieurs fois et d’autres amendements pourraient être proposés quand le Parlement s’en saisira à nouveau à compter du 29 juillet.

En vertu de la version actuelle, des restrictions significatives seraient imposées aux enquêteurs, que ce soit pour limiter plus strictement la durée des investigations ou calquer les preuves nécessaires à la mise sur écoute sur celles requises pour obtenir une condamnation, selon le procureur Armando Spataro.

Du côté des médias, le projet irait jusqu’à interdire la publication d’un résumé d’écoutes avant la conclusion des enquêtes préliminaires. L’enregistrement secret de conversations serait aussi prohibé. AP

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20100709.FAP5176/journee-du-silence-dans-la-presse-italienne.html