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Kadhafi, ça grince à l’ouverture

Publie le lundi 10 décembre 2007 par Open-Publishing
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de Grégory BLACHIER

Alors que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi arrive ce lundi en France pour une visite officielle controversée, les ministres d’ouverture s’interrogent. Le socialiste Bernard Kouchner évoque "un risque" dans le rétablissement de lien avec la Libye, mais c’est la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, Rama Yade, qui frappe fort : "Notre pays n’est pas un paillasson."

Dire que la visite officielle de Mouammar Kadhafi en France, à partir de ce lundi, ne plaît pas à tout le monde est un euphémisme. Depuis plusieurs jours, les critiques de l’opposition et des organisations de défense des droits de l’Homme s’abattent sur l’accueil très officiel réservé au dirigeant libyen et à sa garde rapprochée. A quelques heures de l’arrivée à Paris de Kadhafi, qui devrait être accueilli par le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, c’est de l’intérieur que vient la contestation. Dimanche, une première fissure est apparue lorsque le site internet de l’hebdomadaire Le Point a rapporté que Bernard Kouchner ne participerait pas au dîner officiel qui aura lieu ce lundi soir à l’Elysée.

Ce lundi, c’est dans la presse que les ministres symboliques de l’ouverture chère au président Nicolas Sarkozy font part de leurs réserves plus qu’appuyées. Dans le quotidien La Croix, le ministre des Affaires étrangères explique qu’il faut "garder les yeux ouverts" sur la Libye. "Kadhafi a abandonné les armes de destruction massive et renoncé pour son pays au terrorisme. Faut-il le croire et renouer avec la Libye ? C’est un risque, mais nous devons garder les yeux ouverts", explique Bernard Kouchner, soulignant cependant que la France a "servi les droits de l’Homme bien plus que [ses] concurrents" en oeuvrant à la libération des infirmières bulgares longtemps détenues par Tripoli. Si Kouchner se méfie de celui qu’il qualifie de "pourfendeur professionnel des droits de l’Homme", les mots les plus forts sont prononcés par la secrétaire d’Etat chargée de cette question, Rama Yade.

"La France n’est pas un paillasson"

La benjamine du gouvernement "se fâche" selon Le Parisien, auquel elle accorde un entretien acide. "Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits", lance-t-elle comme pour dénoncer le processus de réhabilitation internationale du dirigeant libyen. "La France ne doit pas recevoir le baiser de la mort", ajoute-t-elle encore. Des propos très forts, alors qu’elle a assuré ce lundi matin sur l’antenne de France Info n’être "pas opposée par principe" à la visite de Kadhafi, mais regretter qu’elle "arriver un 10 décembre, 59e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme", ce qu’elle qualifiait de "symbole scandaleusement fort" dans Le Parisien. Et de s’interroger : "Il y a tellement de jours dans une année. Pourquoi avoir choisi justement celui-là ?"

Depuis l’Argentine, où il a assisté à l’investiture de la nouvelle présidente Cristina Kirchner, le Premier ministre François Fillon a dû goûter les propos de ses ministres, au moment même où, s’en prenant à l’opposition, il a appelé les "donneurs de leçon" à "retourner sept fois leur langue dans leur bouche". Message vraisemblablement entendu au Quai d’Orsay. Sur France Inter, Bernard Kouchner a mis un peu d’eau dans son vin : "Il faut constater que la Libye a évoluée, c’est la Libye de demain qui nous intéresse", a-t-il plaidé, mettant en avant à la fois "l’intransigeance" de la France dans le dossier des infirmières bulgares, et la "diplomatie de réconciliation" qui est menée par lui et ses équipes. Quant à Rama Yade, elle a souligné qu’elle préférait "parler à Kadhafi plutôt que de le rejeter aux confins du terrorisme", et expliqué que c’est avant tout le choix d’une date symbolique qui l’indispose. "On doit parler à tout le monde", a-t-elle dit, encourageant même Kadhafi à "profiter de ce jour, à retourner le symbole pour donner des gages sur les droits de l’Homme". Car si elle n’a "absolument rien contre cette visite", elle n’oublie pas que "dans son pays, il y a un peuple qui souffre de l’absence de liberté d’expression, des détenus torturés." Une liberté de parole que lui "envie" son ministre de tutelle. Mais après tout, dit-elle, "je suis dans mon rôle. On a créé cette fonction pour que ça serve à quelque chose. Si j’étais à l’économie, je n’aurais pas à avoir une position, et peut-être même (cette visite) m’arrangerait-elle. Je suis obligée de l’assumer."

http://www.lejdd.fr/cmc/politique/2...

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