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L’APA, les senateurs et le trouble jeu de Michel Charasse

Publie le jeudi 13 décembre 2007 par Open-Publishing
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Dans la nuit de lundi à mardi, les sénateurs ont voté un amendement visant à récupérer l’APA sur les successions dont le montant est supérieur à 100 000 euros. Le gouvernement, et on le comprend, s’est vite employé à déminer ce qui semble être un attentat aux classes moyennes, aux ménages de modeste condition, employés ou ouvriers, tout en étant contraire à l’esprit d’un président qui veut encourager la transmission des patrimoines. Autant dire qu’avec cette affaire, transparaît une légèreté, pour ne pas dire la bêtise, des sénateurs, mais aussi un cynisme ambiant. A travers cet amendement s’est dévoilée l’abjection de quelques politiciens, affichée sans vergogne par Michel Charasse, membre du PS. Faut-il exclure Charasse du PS ? Telle pourrait être la question que se pose un citoyen de gauche en colère.

Avant de prononcer un jugement, il faut instruire l’affaire. Rappelons que l’APA, mesure votée par le gouvernement Jospin, fait suite à la prestation spécifique de dépendance qui obéissait au même principe, mais qui était soumise à une récupération en cas de succession. Ce qui n’est pas le cas de l’APA. D’où son succès. Précisons deux choses. L’APA est gérée, comme le RMI, par les Conseil généraux. Elle est une prestation dont le montant dépend du degré d’autonomie de la personne effectuant la demande et des ses revenus. Pour donner un exemple, une veuve disposant de 1 000 euros de pension se voit attribuer une aide égale à 65 % du montant versé à l’organisme assurant la prestation, aide aux courses, à la toilette, au ménage, etc. Selon le seuil de dépendance, cela se chiffre à quelque 250, voire 400 euros par mois. Sur le principe de cette aide il n’y a rien à redire. Elle permet aux personnes à la fin de leur vie de rester à domicile et d’éviter d’aller en maison de retraite.

Le problème de l’APA, c’est qu’elle est coûteuse pour les Conseils régionaux, mais qui a dit que la solidarité n’avait pas un coût. Partant de ce fait, les sénateurs ont décidé de jouer les comptables et de récupérer sur les héritiers les aides versées. Cela a fait un grand bruit, vite déminé par le bon sens du gouvernement et de quelques députés de l’Assemblée nationale. Mais ce serait trop facile de passer l’éponge sur une affaire contraire à l’esprit épris d’humanisme et d’éthique. On dirait que l’effet canicule est passé. Pourtant, on nous avait dit qu’il fallait s’occuper de la vieillesse avec application et volontarisme.

En premier lieu, une prestation sociale n’a pas à être reportée sur les héritiers. Verra-t-on un jour des enfants devant rembourser les bourses versées à leur parents alors qu’ils étaient étudiants, ou alors l’APL quand jeune ménage, ils logeaient dans un HLM avec des revenus modestes, ou enfin la CMU quand le sort de l’économie les as rejetés du monde du travail ? L’APA obéit au même principe que l’APL. Et elle n’est pas attribuée aux millionnaires puisque sont montant, réévalué car très généreux à l’origine, est fonction des revenus.

En second lieu, cette mesure de récupération de l’APA est contraire à l’idée qu’un travailleur puisse transmettre à ses enfants un modeste patrimoine, fruit de son travail. Prenons le cas d’une veuve propriétaire d’un logement dont la valeur atteint 150 000 euros, ce qui est assez courant. Eh bien selon Charasse et ses confrères du Sénat, l’APA serait récupérée auprès de ses deux héritiers. Alors que les deux héritiers d’un couple mieux loti, se verront exonérés de fiscalité sur la succession si l’héritage atteint 300 000 euros avec les nouvelles dispositions. Par ailleurs, si on admet que le montant de l’héritage suit les revenus de la personne décédée et bénéficiaire de l’APA, plus le montant de la succession est réduite (en restant au-dessus des 100 000) plus le montant récupéré sera élevé. Ce qui est contraire à l’esprit de l’impôt censé redistribuer les richesses vers les moins lotis. Autant dire qu’avec ce vote, les sénateurs se moquent d’un siècle d’avancées sociales poussées par toutes les mouvances politiques éprises de justice sociale, radicaux, socialistes, communistes, gaullistes.

Et qui a été l’un des plus farouches défenseurs de ces propositions tristement comptables ? Un affreux notable de l’UMP, un impudent admirateur de Sarkozy ? Un ultralibéral ? Non, même pas, un socialiste, Michel Charasse. Cela étonne, mais puisque personne ne lit les comptes-rendus du Sénat, ce fait ne sera même pas oublié, car il a été ignoré. Il y a peu, Georges Frêche a été exclu du PS pour quelque propos sur la « représentativité ethnique » des Bleus. Et le PS de se donner quelque bonne conscience. Dès qu’il s’agit de s’indigner contre des mots, ils traquent les travers sémantiques et les mauvaises paroles. Mais quand il s’agit de coller au plus près du vécu, on remarque que certains responsables du PS piétinent sans vergogne les valeurs d’équité. C’est le cas d’un Charasse qui considèrant les Conseils généraux comme des personnes physiques, devant elles aussi bénéficier de la redistribution, ces Conseils ,souvent, ont bâti des palais pour abriter les élus et ne rechignent pas à la dépense dès lors qu’il faut envoyer quelques conseillers pour des voyages d’études, en Irlande, en Chine, en Martinique, à la Réunion. Mais pour Michel Charasse, ce qui pose problème, c’est que d’affreux héritiers en puissance demandent l’APA pour gagner quelques sous, en attendant impatiemment le décès du parent pour passer à la caisse.

Lors d’une séance au Sénat, Charasse a tenu des propos d’un genre abject, guère plus reluisant que ceux ayant justifié l’exclusion de Georges Frêche. Quant à Philippe Marini, auteur de l’amendement en question, il n’hésita pas à voir dans ces propos de Charasse le signe de la vertu. Un Charasse qui avait même en tête de baisser à 50 000 euros le seuil pour récupérer l’APA. Et qui justifie sa proposition en opposant de prétendus enfants vénaux attendant la mort de leurs parents pour toucher les 100 000 euros de succession à ceux qui contribuent à la solidarité des collectivités sans être propriétaires. Bref, une opposition s’inscrivant dans l’esprit ambiant, comparable aux idées d’un Sarkozy qui oppose la France se levant tôt à ceux qui touchent des aides sociales.

La droite de gouvernement, avec ses députés, a su être plus sage et prudente que ces sénateurs de droite et aussi de gauche, dont Michel Charasse, triste sire sur lequel devrait se pencher la direction du PS, enfin ce qu’il en reste. En fin de compte, il n’est pas nécessaire d’exclure Charasse de cette formation politique. La justice sera rendue dans les urnes et si nombre d’électeurs excluent le bulletin du PS, ce parti n’aura qu’à s’interroger sur l’action politique de ses plus éminents apparatchiks.

Michel Charasse in the text : « des personnes dont les enfants attendent impatiemment le décès pour passer à la caisse, alors que cette allocation est financée par des contribuables qui, eux, n’auront jamais le moyen d’acheter un logement ».

Extrait de délibération du Sénat

M. Michel Charasse : - Hier soir, ou plutôt tôt ce matin, nous avons complètement transformé le barème des droits de succession et nos travaux ont conduit à exonérer 95 % des successions, à l’exception des frais de notaire ce que certains ont tendance à oublier... C’est l’occasion ou jamais de revenir sur une question qui n’a jamais été réglée, celle de l’APA et de l’obligation alimentaire. Pour les aides sociales départementales et même pour le RMI, il y a récupération sur succession. Or, pour l’APA, qui succédait à la PSD, laquelle était récupérable, la récupération a sauté à la suite d’une fausse manoeuvre à l’Assemblée nationale, qui n’a pas été réparée au Sénat.

Ce qui a été voté cette nuit en faveur des héritiers justifie qu’on leur demande de contribuer à l’intention des personnes âgées. Cela mettrait fin à des situations scandaleuses dont je suis témoin comme maire : des demandes d’APA pour des personnes dont les enfants attendent impatiemment le décès pour passer à la caisse, alors que cette allocation est financée par des contribuables qui, eux, n’auront jamais le moyen d’acheter un logement.

Pourquoi le seuil de 50 000 euros ? Parce que c’est actuellement celui de la récupération de l’aide sociale départementale. On peut le fixer à 100 000 ; l’important est de faire ce geste - qui profitera aux départements - au moment où on en appelle à la solidarité nationale et où on fait sauter les droits de succession. Mettons fin à cette anomalie : les détenteurs d’un patrimoine n’ont pas à faire entretenir leurs aïeux par ceux qui n’ont pas d’argent !

M. Jean-Jacques Jégou : - Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général : - Avis favorable à cette démarche vertueuse.

Mme Christine Lagarde, ministre : - J’ai beaucoup de sympathie pour votre amendement qui pose un vrai problème. Mais nous aurons un débat de fond sur la cinquième branche, dans lequel il faudra revoir la répartition entre solidarités nationale et familiale, sans oublier la question de l’état des finances de l’État et des collectivités locales. Donc, sagesse.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=32993

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