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L’Europe a démissionné à la conférence de Copenhague

Publie le mercredi 23 décembre 2009 par Open-Publishing
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L’Europe a démissionné à la conférence de Copenhague, par Hervé Kempf

LE MONDE | 23.12.09 | 14h31 • Mis à jour le 23.12.09 | 15h08

La conclusion de la conférence de Copenhague mérite mieux qu’un concert de lamentations. Qu’attendait-on ? Que dans une émouvante unanimité, 120 chefs d’Etat signent, l’oeil humide et en se tenant la main, un texte annonçant une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre de 30 % en 2020 ? Evidemment non. Il est déjà extraordinaire que la réunion ait pu accoucher d’un texte qui a, si on le lit bien, un contenu concret. Un départ honteux et sans aucun accord était tout à fait possible.

Et puisque la discussion sur le climat est devenue le coeur de la diplomatie internationale, il est naturel que s’y expriment nettement les lignes de force qui esquissent le nouvel ordre mondial du XXIe siècle - un siècle qui sera structuré par l’adaptation des sociétés à une crise écologique de plus en plus pressante.

A cet égard, le résultat de la conférence est positif sur deux points. D’une part, "l’accord de Copenhague" enregistre l’engagement des pays dits émergents à réduire leurs émissions. Il prépare un jeu de normes internationales permettant la comparaison des actions de tous. Et la mention de la limite à 2°C du réchauffement planétaire implique logiquement un niveau donné de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, donc des objectifs précis de réduction. Autrement dit, l’accord préfigure un engagement précis et concret de tous les grands joueurs : Etats-Unis, Chine, Inde, Brésil, etc.

D’autre part, et ce point est trop souvent occulté, la présence d’une société civile tonique durant la conférence est un élément prometteur. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont toujours joué un rôle important dans la négociation climatique. Mais jusqu’à présent, elles cherchaient à peser de l’intérieur et avaient une approche essentiellement environnementale du problème climatique. A Copenhague s’est opérée la fusion entre les écologistes et les altermondialistes, conduisant à poser la question climatique en termes beaucoup plus politiques, en relation avec la justice sociale. Cette évolution est importante : de même que le changement climatique pousse à la recomposition des rapports géopolitiques, il ébranlera l’ordre social. La crise écologique implique en effet une adaptation du système économique et social qui ne pourra pas maintenir l’état d’inégalités établi à l’orée des années 2000.

Mais le résultat de Copenhague reste très insuffisant au regard de la gravité de l’enjeu. Si Barack Obama, ligoté sur son front intérieur par le Congrès, par les lobbies, et par une droite extrêmement agressive, pouvait peu bouger, si Wen Jiabao, tenu en Chine par un équilibre social ne se préservant que par une croissance trop rapide, avait peu de marges de manoeuvre, ils auraient pu aller plus loin. Mais l’Europe, manquant de tonus et de vision, n’a pas osé les pousser. Alors qu’elle mène la politique climatique la plus cohérente, qu’elle tire depuis une vingtaine d’années une négociation climatique difficile, qu’elle trouve dans le sujet une exemplarité qui lui permet de dessiner une économie bien moins polluante que celle de la Chine et des Etats-Unis, elle leur a abandonné le terrain.

Faute de préparation, d’abord. Angela Merkel était occupée par ses élections, Silvio Berlusconi et Donald Tusk (en Pologne) indifférents ou hostiles, José Manuel Barroso focalisé sur le renouvellement de son mandat, tandis que la France et la Grande-Bretagne travaillaient chacune de leur côté. Côté français, Jean-Louis Borloo a sillonné la planète armé d’idées généreuses, mais en négligeant la concertation européenne. Si bien que la Suède et le Danemark ont préparé la conférence quasiment en cavaliers seuls.

Cette préparation insuffisante reflétait surtout un manque de compréhension de l’enjeu : comme si, fatiguée d’avoir porté longtemps la cause du climat, l’Europe s’en remettait à deux grands de l’avenir du monde. Durant la conférence, elle s’est ainsi de facto alignée sur la position des Etats-Unis. Et elle a cédé sur trois points essentiels. D’une part, elle a accepté que Washington ne contribue que pour 3,5 milliards de dollars au fonds d’aide immédiat (d’ici à 2012) quand l’Europe et le Japon contribueront chacun pour 10 milliards.

Ensuite, elle n’a pas insisté pour que soit mentionné dans "l’accord de Copenhague" le protocole de Kyoto. Cet abandon est absurde. D’une part, le protocole de Kyoto est un moyen pour l’Europe de conserver une bonne relation avec les pays du Sud, qui y sont très attachés ; d’autre part, l’Union européenne (UE) ayant décidé pour elle-même de réduire ses émissions de 20 % en 2020, il lui est facile de soutenir la pérennité du protocole après 2012.

Enfin, elle a systématiquement dénigré et sapé le processus des Nations unies. Celui-ci est certainement lourd et inconfortable, mais il n’est pas, en matière climatique, aussi inutile que veulent bien le dire certains, et il reste un terrain privilégié de dialogue avec les pays du sud.

Il est encore difficile de prévoir si l’UE saura prendre conscience de son faux pas pour redresser la barre, ou persistera, divisée et sans ambition, à jouer les supplétifs des deux premiers pollueurs de la planète.

Courriel : kempf@lemonde.fr.

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/12/23/l-europe-a-demissionne-a-la-conference-de-copenhague-par-herve-kempf_1284252_3232.html

Les grandes lignes de l’accord de Copenhague (texte intégral téléchargeable)

Samedi 19 Décembre 2009 - 07:32

Voici les principaux points du texte discuté à Copenhague. Cette déclaration politique a été le fruit de négociations à 26 mais menées essentiellement par les Etats-Unis, l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud. Elle ne comprend pas d’objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, renvoyés à 2010, et ne prévoit pas la création d’une instance internationale pour vérifier la mise en oeuvre des engagements de chaque pays.

Une hausse de températures globale limitée à 2 °C

Dans le document politique négocié, les dirigeants prévoient de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C d’ici à 2050 par rapport aux niveaux pré-industriels, l’objectif affiché de la conférence sur le climat. C’est moins ambitieux que ce que réclament les petits Etats insulaires, représentés par Grenade et les Maldives, qui militaient avec les pays les moins avancés pour une hausse maximale de 1,5 °C par rapport aux niveaux pré-industriels.

Pas d’objectifs de réduction des émissions de CO2

L’accord ne fixe pas d’objectifs chiffrés de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Pour les pays industrialisés, les objectifs de réduction d’émissions de CO2 d’ici à 2020 ne seront fixés qu’en janvier, après que chacun des pays industrialisés "aura donné par écrit" ses propres engagements, selon le président français, qui a précisé que l’Union européenne maintiendrait son objectif de réduire ses émissions de 80 % d’ici 2050. Cependant, l’UE ne reverra pas à la hausse son objectif de réduction à l’échéance 2020, qui sera de 20 % et non de 30 % comme l’espéraient certains négociateurs.

Selon un calcul des Nations unies, l’addition des promesses faites à ce jour publiquement par les différents pays conduirait à une hausse de la température moyenne de la planète de 3 °C, bien au-delà de l’objectif souhaité des 2 °C. Une proposition annexée à l’accord appelle la communauté internationale à conclure un traité contraignant d’ici la fin de l’année prochaine.

Aide à l’adaptation des pays en développement

Les chefs d’Etat ont accepté de consacrer 100 milliards de dollars par an d’aide aux pays en développement à compter de 2020 et d’examiner pour ce faire des financements innovants. les Etats-Unis se sont engagés à verser 3,6 milliards de dollars d’aide aux pays les plus vulnérables d’ici 2012 pour les aider à s’adapter aux impacts du changement climatique. "L’engagement collectif des pays industrialisés est d’apporter des ressources nouvelles et supplémentaires [à l’aide au développement]" d’un montant total de 30 milliards de dollars, précise le texte. L’Union européenne avait déjà promis de verser 10,6 milliards de dollars sur les années 2010, 2011 et 2012 et le Japon a annoncé à Copenhague 11 milliards de dollars sur les trois ans.

Il n’y aura pas d’Organisation mondiale de l’environnement

L’accord ne prévoit pas la création d’une Organisation mondiale de l’environnement qui aurait pu vérifier la mise en œuvre des engagements de chacun, les contraignant légalement. Pour Nicolas Sarkozy, le volet juridique, absent de cette déclaration politique, sera à nouveau débattu lors de négociations à Bonn que la chancelière allemande Angela Merkel organisera "dans six mois" pour préparer la prochaine conférence sur le climat de Mexico, fin 2010.

Point de friction majeur, en raison notamment du rejet chinois de toute intervention extérieure, la partie du texte sur la vérification internationale du respect des engagements pris est la plus longue du projet d’accord. Elle précise que les économies émergentes doivent faire le bilan de leurs efforts et en rapporter aux Nations unies tous les deux ans. Des contrôles internationaux sont prévus pour répondre aux exigences occidentales de transparence mais le texte garantit le "respect de la souveraineté nationale". Une manière d’écarter tout contrôel contraignant.

Protection des forêts

Le texte "reconnaît l’importance de réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, et la nécessité d’améliorer l’élimination de gaz à effet de serre par les forêts". Il prévoit des mesures "incitatives" pour financer la protection des forêts avec des fonds des pays développés.

Source : Le Monde

Source : http://www.pressafrik.com

http://www.pressafrik.com/Les-grandes-lignes-de-l-accord-de-Copenhague-texte-integral-telechargeable_a17460.html

DOCUMENTS. Pour ceux d’entre vous que cela intéresse et qui ne l’auraient pas encore lu, voici le texte (ACCORD de COPENHAGUE.pdf, en anglais) de l’accord conclu à Copenhague. Une sorte d’Ovni juridique, dont la conférence (c’est à dire les délégués de 193 Etats réunis en plénière dans la nuit de vendredi à samedi 19 décembre) a simplement "pris note".

Je vous livre aussi l’analyse et le récit de la conférence de Copenhague par Elise Buckle du WWF (WWF Analyse Elise Buckle.doc) qui a pu rester jusqu’au bout malgré les restrictions imposées aux ONG. La délégation française lui a fait in extremis une petite place.

L’accord de Copenhague est publié sur le site officiel de la Convention cadre de l’ONU sur le changement climatique. Vous pouvez y lire les 22 décisions adoptées officiellement par la "quinzième Conférence des parties" à la convention (COP15). 

http://fr.news.yahoo.com/80/20091222/top-l-accord-de-copenhague-dans-le-texte-ed9dcf9.html

Messages

  • Copenhague : une fuite révèle les promesses chiffrées des participants

    23 décembre 2009

    L’accord signé à Copenhague est vide de promesses chiffrées de réduction des émissions de CO2, comme le montre le fac-similé ci-contre. Mais celles-ci ont pourtant circulé durant les négociations.

    Un document préparatoire, rédigé par le secrariat des Nations Unies, et obtenu par le Guardian, indique que le 17 décembre le total des engagements de réduction d’émissions était - selon les estimations - inférieur de 1,9 à 4,2 gigatonnes de CO2 par rapport à la trajectoire requise pour limiter le niveau maximum de CO2 à 450 ppm en 2020.

    A moins que cet écart ne soit comblé, notent les rédacteurs, « les émissions mondiales vont culminer après 2020 et resteront sur une trajectoire insoutenable qui pourrait conduire à un niveau égal ou supérieur à 550 ppm, et à une hausse de 3°C de la température. »...

    Contre Info, 23 décembre 2009

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2937