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L’HORIZON DES EVENEMENTS

Publie le jeudi 16 juin 2005 par Open-Publishing

de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl&rosa

Au-dessus et au-dessous de la montagne, deux mille mètres valent encore comme deux mille ans. C’est ce que vit en séquence le protagoniste du film dans le ventre du Gran Sasso et sur le même massif, à une certaine altitude ; c’est là que Daniele Vicari situe son histoire, parsemée de réflexions existentielles. Les Abruzzes forts et gentils deviennent son Texas, l’Aquila son Paris perdu, plutôt que dans le désert, sur la roche calcaire, où un amour partiellement possible approfondit ses peurs et se tisse à d’autres objectifs de la vie. Les espaces et les silences se poursuivent et proposent au spectateur des atmosphères particulières et la trame - même si elle ne pèse pas très lourd - est soutenue par des examens attentifs du comportement.

Max vient d’une famille aisée parce qu’elle s’est enrichie par l’activité du père, constructeur corrupteur et, contrairement à son frère, il n’a jamais voulu rien savoir de ces affaires. Plutôt qu’avocat, il est devenu physicien. Il a du talent et fait de la recherche en travaillant dans l’équipe du professeur Revelli, qui dirige le projet Helios concernant les neutrinos produits par le soleil dans le Laboratoire de Physique Nucléaire du Gran Sasso. Il est côtoyé, entre autres, par la charmante Anaïs, une physicienne française. Tous deux sont unis par une attraction réciproque et séparés par la rivalité de carrière. Quand le professeur doit laisser le projet pour une autre charge dans une université étrangère et confie à Max la responsabilité de la recherche, Anaïs a du mal à l’avaler.

En tout cas, c’est une idéaliste, elle vit dans son travail ’l’émotion de la découverte poussée par la véritable recherche scientifique", à la différence de Max qui se sent le meilleur et ne manque pas une occasion de le souligner. A peine endosse-t-il la charge qu’il montre des comportements de grand chef, il aime se distinguer et il reporte sur sa carrière tout ce qu’il n’obtient pas dans la sphère affective, inexistant dans sa famille d’origine et à peine ébauchée avec sa partenaire, puisque après l’intimité il n’arrive même pas à passer la nuit à ses côtés.

S’affirmer et recevoir des confirmations de sa propre valeur deviennent les obsessions de Max qui arrive à magouiller les données de l’expérimentation en utilisant un programme informatique capable de les modifier, pour montrer dans une conférence scientifique combien son travail est bon. Anaïs le découvre et lui dit sa déception et son dégoût, le professeur Revelli, mis au courant de la chose, lui intime de donner sa démission. Max voit s’écrouler toutes ses certitudes : il prend sa voiture et parcourt dans la nuit les routes tortueuses de la zone. Il est halluciné, il veut se tuer, il semble voyager à travers la lumière comme l’astronaute de Kubrick dans " 2001 ". Il fait une embardée, capote, mais ne meurt pas.

Un berger le trouve et le porte dans sa cabane, c’est un Albanais avec ses problèmes d’immigration clandestine et de chantage de la pègre. Dans ce coin perdu parmi les moutons, les clôtures, les pâturages bucoliques et la furie des intempéries, le physicien nucléaire médite sur sa vie et sur les valeurs qu’il s’est données, sur comment on peut être des hommes en étudiant les neutrinos pour un monde de plus en plus futuriste et sur comment on peut l’être en trayant les brebis et en puant comme elles, en un geste archaïque resté le même depuis des millénaires. Un jour on voit des mouvements d’hélicoptères qui mettent l’Albanais en état d’agitation : une dépanneuse récupère la voiture accidentée de Max et il aperçoit dans le lointain Anaïs qui pleure. L’homme sort de la torpeur qui l’avait bloqué des semaines durant. Il veut aider l’immigré que ses compatriotes mafieux font chanter en exigeant une forte somme pour lui restituer son passeport et va en ville récupérer l’argent. Mais il ne reviendra pas. Il se rendra chez Anaïs qui, incrédule, lui ouvre la porte. Peut-être Max a-t-il trouvé pour toujours la voie de l’amour, tandis que le pauvre Albanais finit ses jours tué par des mafieux.

Le flash-back nous l’avait montré au début tandis qu’il fichait la lame du couteau à cran d’arrêt dans le ventre du chef de la bande, sa poursuite ne durera pas beaucoup et il finira - bouc émissaire des malfaiteurs - un coup de pistolet dans la tête. Dans la dureté de la vie, éros et thanatos marchent côte à côte. Une philosophie de l’existence et une touche noire pour ce jeune réalisateur qui, comme le Sorrentino de "Le conseguenze dell’amore" lance un parcours original pour raconter des histoires et des sentiments hors norme.

Un film de : Daniele Vicari
Sujet et scénario : Antonio Leotti, Laura Paolucci, Daniele Vicari
Directeur de la photographie : Gherardo Gossi
Montage : Marco Spoletini
Avec : : Valerio Mastrandrea, Gwenaelle Simon, Lulzim Zeqia, Giorgio Colangeli, Francesca Inaudi
Musique originale : Massimo Zamboni
Production : Fandango
Origine : Italie, 2005-06-07 Durée : 115’