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L’Huma : Le Salon du livre invite la littérature israélienne
Publie le jeudi 13 mars 2008 par Open-Publishing3 commentaires
SPÉCIAL SALON DU LIVRE
Le Salon du livre invite la littérature israélienne
Numéro spécial Salon du Livre dans l’édition de l’Humanité du 13 mars
La littérature israélienne, invitée du Salon du livre 2008, a une histoire originale qui se confond pour une part avec la reviviscence de l’hébreu comme langue de culture, puis comme idiome national. Mais elle met en mouvement des hommes et des femmes qui sont les témoins et les acteurs de tous les soubresauts de l’histoire de cette terre.
Entretien avec Edna Degon, conseillère littéraire pour la délégation israélienne.
Gros plans sur l’œuvre d’Orly Castel-Bloom et celle de David Grossman.
Edna Degon, qui a oeuvré pour constituer la délégation des auteurs israéliens invités, nous donne son sentiment sur soixante ans de littérature.
La littérature israélienne invitée au Salon se définit par l’usage de la langue hébraïque. Comment s’est créée une littérature contemporaine en cette langue ?
Edna Degon. Il y a seulement cinquante ans, mes parents et grands-parents ne parlaient pas hébreu entre eux. L’aventure de cette langue est un cas, unique, de langue ancienne et sacrée devenue une langue pratiquée au quotidien par tout un peuple, avec son argot même, ses insultes…
Au XIXe siècle, et au début du siècle dernier, des écrivains avaient choisi l’hébreu…
Edna Degon. Bien sûr, des auteurs tel Bialik, par exemple, avaient une oeuvre écrite en hébreu. On en trouve même de bien plus anciens, en Andalousie au XVe siècle. Mais cette littérature ne renvoyait pas à une langue parlée, profane. Un mouvement littéraire hébraïsant s’est développé tout le long du XXe siècle, mais de manière assez minoritaire. À partir de 1948, une littérature est née.
Il y avait une grande tradition de littérature yiddish. Comment s’est fait le passage, si passage il y a eu, à l’hébreu ?
Edna Degon. Le yiddish est un dialecte allemand, avec quelques mots d’origine hébraïque, et des formes différentes selon les pays où il était parlé, Allemagne, Russie, Pologne… C’est Ben Yehuda (*) qui s’est battu pour faire de l’hébreu une langue littéraire. C’était un projet fou à l’époque. Herzl (*) lui-même, le fondateur du sionisme, disait que dans un état juif on devrait parler l’allemand, langue de science, de pensée et de culture des juifs d’Europe.
Comment a-t-elle évolué ?
Edna Degon. Dans les années 1930, et même en 1950, la langue était beaucoup plus raide. C’est avec la nouvelle génération née en Israël que la langue de la rue est entrée dans la littérature.
La littérature et la langue ont-elles évolué parallèlement ?
Edna Degon. Certainement. Dans les premières décennies, la littérature se préoccupait de problèmes politiques et sociaux, et évitait les questions privées. Quand elle les abordait, comme chez Agnon (*), la langue les mettait à distance. À la fondation de l’État d’Israël, et même avant la Seconde Guerre mondiale, l’idéologie sioniste voulait créer un « nouveau juif », le faire venir en Palestine, lui faire travailler la terre, en faire un homme au corps sain…, un idéal nietzschéen, en somme. Dans ce cadre-là, il fallait en faire un homme nouveau à tous points de vue. La littérature devait jouer son rôle dans ce projet. Ainsi un écrivain comme Moshe Shamir a-t-il écrit un livre, L’homme qui marchait dans les champs, où il inventait le « nouvel Israélien », à qui il donnait le nom d’Elik, « né de la mer ». Évidemment, il s’est très vite avéré qu’il n’en était rien. Mais il lui fallait créer l’imaginaire d’un homme sans racines. On a compris que ce n’était pas si simple. Il y a eu la guerre de 1948, et on a assisté à une prise de conscience du fait que nous n’étions pas tout seuls sur cette terre, que ce rêve faisait des morts, des deux côtés. Plusieurs générations d’écrivains sont devenus des consciences de cette situation et en ont fait le thème essentiel de leurs oeuvres.
L’évolution récente montre une littérature abordant des thèmes plus intimistes, plus personnels…
Edna Degon. Avec la génération de ceux qui sont nés après la création de l’État, certaines questions, dont l’existence même d’Israël, ont été considérées comme allant de soi. Elle a pu se tourner vers d’autres sujets. Des questions psychologiques et intimes, mais pas uniquement. On voit émerger des thèmes liés au partage entre sphère religieuse et sphère profane, aux relations entre communautés « occidentales » et « orientales », et évidemment à tout ce qui concerne les relations entre hommes et femmes : le mariage, la famille, la sexualité…
On trouve maintenant deux générations de femmes qui ont abordé ces thèmes, mais aussi de la littérature de genre, comme le policier.
Edna Degon. Vous voulez parler de Batya Gour (*). À travers son personnage, Michael Ohayon, qui était son porte-parole, elle a ouvert la porte des maisons israéliennes, et abordait des tabous. Par exemple, dans Meurtre au kibboutz, elle montre les effets de cette idéologie, et les traumatismes engendrés, chez les adultes comme chez les enfants. Par exemple – on le mesure maintenant –, la séparation pendant la nuit des parents et des enfants, qui dormaient dans un dortoir, est une cause bien connue de problèmes psychologiques, qu’on retrouvait jusque dans l’armée.
Ces femmes qui écrivent, comme Zeruya Shalev, ne se contentent pas d’une approche psychologique.
Edna Degon. Zeruya Shalev est très psychologique mais montre toujours ce qui cloche dans la société. Pas spécifiquement l’israélienne, mais dans tout ce qui concerne les relations entre individus et communautés.
Qu’est ce qui a changé, récemment, dans la littérature israélienne ?
Edna Degon. C’est Israël qui a changé, dans les années quatre-vingt. La vie est devenue plus facile, les jeunes sont plus tournés vers l’étranger, voyagent plus, ont tendance à comparer ce qu’ils voient à ce que leur offre leur pays, et veulent bousculer les contraintes. Cela se retrouve dans la littérature, et d’autant plus que le nombre de livres traduits a considérablement augmenté, ainsi que la diversité des langues traduites. Les jeunes écrivent sur des questions inconcevables dans les années soixante-dix : le pacifisme, la délinquance, l’homosexualité… Et ils le font dans une langue elle-même changée.
Plusieurs grands écrivains sont connus pour leur engagement pour la paix. Comment sont-ils perçus ?
Edna Degon. Ils sont très largement engagés en ce sens, même si certains sont plus connus. Il est évident que la fraction la plus intransigeante des Israéliens rejette leurs positions. Pour le reste de la population, cela varie en fonction des circonstances politiques, comme pour toutes les initiatives de paix. Quoi qu’il en soit, ils sont respectés. Mais pour rester sur les milieux ultra-orthodoxes, on a le cas aujourd’hui de jeunes gens qui les ont quittés et qui écrivent des choses incroyables sur la vie dans ces communautés, en abordant des tabous sur des sujets scandaleux tels que l’éducation, l’homosexualité ou la situation des femmes, qui font scandale. Et ça contribue à faire bouger les choses. Dans Histoire d’amour et de ténèbres, Amos Oz parle d’une poétesse, Zelda, qui était son professeur, une femme très orthodoxe, et donne beaucoup de descriptions qui vont dans le même sens.
Comment se porte la poésie en Israël ?
Edna Degon. Plutôt bien, surtout si on compare avec sa situation en France. Elle fait partie de la vie, elle est très populaire. La plupart des romanciers connus ont à leur actif des livres de poésie, aussi lus que leurs romans. On ne les connaît pas en France et c’est regrettable.
Qu’en est-il de la littérature de langue arabe ?
Edna Degon. En Israël même et surtout dans les territoires occupés, la situation de l’édition en arabe, on le devine, est difficile. Il y a plusieurs maisons d’édition en langue arabe, dont la principale est à Haïfa, et certains éditeurs israéliens publient en hébreu et en arabe. Comme souvent, des revues pallient ces difficultés et jouent un rôle important dans la détection et la promotion des auteurs. Mais beaucoup d’entre eux publient aussi, et certains uniquement à l’étranger, en Égypte ou au Liban. La littérature israélienne traduite en arabe a un certain succès. Grossman, Shalev sont traduits en arabe, et bien d’autres. Malheureusement, la situation politique rend très difficile l’achat de droits des livres arabes de l’étranger. Arabes et juifs ont donc une vision partielle des littératures des uns et des autres.
Il y a au sein de la délégation un écrivain arabe israélien.
Edna Degon. Il s’agit de Sayed Kashua, dont j’ai traduit en français le roman Et il y eut un matin. Son grandpère était un militant palestinien, à l’époque son père a connu les prisons israéliennes. Il est né en Galilée en 1975, est parti de chez lui à dix-sept ans pour aller dans un internat à Jérusalem et faire des études universitaires. Il a commencé à écrire en hébreu. Avec son sens de l’humour, il assume son identité palestinienne et sa citoyenneté d’Israélien arabe.
Entretien réalisé par Alain Nicolas dans l’édition de l’Humanité du 13 mars 2008.
Retrouvez le « CAHIER SPÉCIAL SALON DU LIVRE » dans cette même édition.
http://www.humanite.fr/Salon-du-livre-litterature-israelienne
Messages
1. L’Huma : Le Salon du livre invite la littérature israélienne, 14 mars 2008, 08:46, par Tatie Yon
Le salon du livre invite la littérature hébraïque.
Les auteurs israéliens qui écrivent dans une autre langue que l’hébreu ont été invités à rester chez eux.
Apartheid dans l’apartheid.
1. L’Huma : Le Salon du livre invite la littérature israélienne, 14 mars 2008, 16:25, par Amina
la culture c’est comme la musique , les ecrivains israeliens au salon du livre sont pour un Etat palestinien , c’est comme les cinéastes progressistes israeliens ,moi je vais voir leurs films
2. L’Huma : Le Salon du livre invite la littérature israélienne, 14 mars 2008, 08:59, par Patrice Bardet
COMMUNIQUE UJFP SALON DU LIVRE
Le Salon du Livre a choisi de faire d’Israël son invité d’honneur pour les 60 ans de la naissance de cet Etat.
Nous avons d’emblée dénoncé ce choix au moment où cet Etat viole systématiquement le droit international, nie les droits du peuple palestinien, multiplie les crimes de guerre. Mais cela ne nous paraissait pas suffisant.
Depuis des mois, l’UJFP travaille donc avec les Editions la Fabrique -auxquelles elle est associée par l’intermédiaire de sa revue « de l’autre côté » - à contrer cette opération sur le terrain du salon du Livre -qui appartient à tout le monde et non à Israël- en créant un pôle avec ceux pour qui ce sont les 60 ans de la Naqba qu’il faut rappeler, ceux pour qui c’est Israël qui doit être sanctionné et boycotté tant qu’il mène cette politique criminelle.
Pour cela nous avons invité plusieurs auteurs connus pour leur travail et leur lutte, ceux qu’avec « La Fabrique » nous faisons connaître car ils combattent l’occupation. Les menaces, nous en avons déjà reçues, notre stand fait scandale en tant que tel. Des auteurs tels que Amira Hass, Michel Warschawski, Ilan Pappe, Eyal Weizman, Jamal Zahalka (député du front national démocratique en Israël et auteur d articles), Yael Lerer (directrice des éditions Andalous qui traduisent la littérature arabe en hébreu pour faire connaître la culture arabe) sont invités à prendre la parole dans différents débats à l’intérieur du salon sur notre stand, ou sur une aire de débat indépendante à l’extérieur du salon, à Sciences Po et Reid Hall .
La situation terrible faite à Gaza par les gouvernements israéliens successifs depuis plusieurs mois, plusieurs années, s’aggrave encore. On en est aujourd’hui à de véritables massacres de populations civiles. Que cela rende furieux et révèle cruellement notre impuissance est un fait que nous ne pouvons que partager. Que cela serve de prétexte à détruire un travail construit dans la plus grande transparence et lisibilité pour lutter contre la place d’honneur attribuée a Israël serait stupide et sans objet.
Aujourd’hui, Aaron Shabtai, invité de la délégation israélienne, refuse de mettre les pieds au salon du livre, c’est bien sûr tout a son honneur.
Qu’Ilan Pappe, invité par Fayard pour la sortie de son dernier ouvrage, et par nous pour porter cette parole, préfère le boycott pur et simple, nous le comprenons.
Que l’on exige de nous ou des écrivains que nous invitons qu’ils se retirent et ne fassent pas le travail politique que nous comptons faire ensemble serait pure réaction irrationnelle et contre productive. Cela ne servirait qu’à réjouir ceux qu’il s’agit de contrer. Quant à nous, partisans du boycott et de sanctions contre l’Etat israélien en raison de ses crimes, nous y serons et nous y ferons le travail que nous nous sommes promis d y faire : diffuser d’autres idées et d’autres points de vue sur Israël aux 200 000 visiteurs qui viendront comme chaque année parcourir les allées du salon.
Boycotter Israël, ce n’est pas boycotter les Israéliens qui en Israël même se battent contre les crimes de leur gouvernement et de leur armée.
Quand nous avons boycotté l’Afrique du Sud, nous n’avons pas boycotté l’ANC ni les écrivains blancs anti apartheid.
Nous ne laisserons pas Israël occuper le salon du livre et prendre en otage les deux cent mille visiteurs du salon sans contradiction.
http://www.ujfp.org/modules/news/article.php?storyid=362
demandez le programme de la contradiction
Israël « invité d’honneur » au salon du livre : Mémoire et Amnésie
Paris (75), débat public sur le statut de l’intellectuel en Israel
Samedi 15 Mars 2008, 14:00
A l’occasion du Salon du Livre, débat ouvert au grand public intitulé « Statut de l’intellectuel dans la culture israélienne : Dénoncer ou se taire ».
Avec cinq écrivains anticolonialistes israéliens :
Amira Hass, Yael Lerer, Amnon Raz Krakotzkine, Michel Warschawski et Jamal Zahalka.
De 14 heures à 17 heures.
Organisé par l’UJFP, la CCIPPP et ADALA.
Attention : inscription obligatoire à inscription15mars@gmail.com .
Veuillez vous munir d’une pièce d’identité.
Sciences Po, 27 rue St-Guillaume, 75007 Paris (M° Rue du Bac)