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Contribution à l’effondrement d’un mythe.
L’INFLATURE
Le système bancaire hérité du débat du 19ème siècle entre partisans du currency ou du banking principle, arbitré au bénéfice de ce dernier, s’est imposé, digérant abandon de la couverture or, Bretton Woods, serpents monétaires, produits dérivés et crises sévères, a t-il pour autant une base fondée sur la rigueur scientifique ?
Nous nous proposons de revisiter quelques concepts à partir de l’analyse de la hausse des prix, critère pour lequel la Banque Centrale Européenne a été érigée en gardien, rôle central devant garantir le bon fonctionnement du système.
Définie par ce texte pour éviter les lourdeurs de l’énumération et de la répétition, l’inflature finit au fil des lignes par se faire accepter. Elle n’est pas complètement étrangère à l’inflation, elle la prolonge.
L’analyse conventionnelle de l’inflation.
L’inflation est traditionnellement assimilée à la hausse des prix, importante et durable, mesurée par la variation des prix au cours d’une période (l’année ou le mois), rapportée aux prix en début de période.
Les prix sont mesurés par enquêtes sur des bases préétablies de panels de produits.
La mesure de l’indice des prix est parfois contestée en raison de l’évolution des produits et de leur qualité, ainsi certains auteurs situent le niveau d’inflation nulle à 2 ou 3% de hausse des prix, considérant donc le prix comme mesure de l’utilité.
L’analyse distingue en général deux types d’inflation, par la demande et par les coûts. Dans le premier cas, l’excès de demande par rapport à l’offre immédiatement réalisable, dans le cadre d’une certaine concurrence, permet aux entreprises d’augmenter leurs prix sans crainte de perdre des parts de marchés. Dans le second cas ce sont des contraintes de coûts (importations, consommations intermédiaires, salaires, fiscalité...) qui conduisent les entreprises à augmenter leurs prix. On parle de spirale inflationniste lorsque les autres agents économiques réagissent à leur tour et ceci d’autant plus qu’il y a anticipation.
Par ailleurs, il est souvent noté que les gains de productivité tendent à freiner l’inflation et qu’une concurrence forte aurait les mêmes effets. Le taux d’inflation serait aussi directement corrélé au taux chômage.
Enfin de nombreux auteurs estiment qu’un niveau trop faible d’inflation limite la croissance corroborant ainsi la dualité récession -déflation.
Redéfinir l’inflation
On retiendra de l’analyse conventionnelle que les entreprises cherchent à maintenir leurs marges dans le cadre de l’inflation par les coûts ou à les maximiser lorsqu’il s’agit d’inflation par la demande ou d’anticipations sur les coûts et ceci dès qu’une opportunité se présente.
Les salariés, pour leur part, cherchent à préserver ou à augmenter leurs revenus en agissant sur le niveau de leurs salaires par des pressions individuelles ou collectives, ces initiatives induisent des coûts supplémentaires pour les entreprises, on se situe dès lors dans une boucle et les conditions sont créées pour de nouveaux ajustements de prix... dans la mesure du possible.
L’inflation s’inscrit donc dans la recherche constante de la meilleure part du produit social par les agents ayant un pouvoir économique, que seuls les contraintes réglementaires et surtout les marchés, tempèrent.
L’inflation est couramment assimilée à la hausse des prix et la déflation à la baisse des prix (associée à la récession). Mais cette course à la meilleure part ne commence peut-être pas au point zéro de hausse des prix, il n’ y aurait donc pas identité entre hausse des prix et inflation.
L’évocation des gains de productivité et de la concurrence comme inhibiteurs, suscite d’emblée la nécessité de l’examen de ces deux facteurs à la base de la formation des prix au sein de l’entreprise.
La productivité.
L’observation de certains marchés, tels ceux de l’électroménager depuis plusieurs décennies et plus récemment de la micro-informatique, nous montre que des prix peuvent baisser massivement sur le long terme sans qu’une succession de faiblesses de la demande en soit la cause. Faiblesse de la demande et baisse des prix ne s’accommodant d’ailleurs pas à long terme. Ces deux secteurs ont bénéficié de tels gains de productivité associés à une certaine concurrence et à une telle croissance des volumes que toute notion de récession doit bien entendu être écartée.
Pour autant rien n’indique que les baisses de coûts dans ces secteurs aient été entièrement répercutées sur les prix, laissant comme dans l’ensemble de l’économie, une place à cette course au partage des revenus.
Si de tels gains de productivité avaient été le fait de l’ensemble de l’économie nous aurions assisté à des baisses considérables et générales des prix sans pour autant être en situation de récession permanente.
Au demeurant, la moyenne dissimule forcément des secteurs fortement inflationnistes.
Cette approche permet de dissocier nettement les notions de variation des prix de celles d’expansion ou de récession et d’affirmer que dans l’échelle de l’inflation-déflation, le « zéro » de hausse des prix n’est pas un point singulier.
Les gains de productivité auraient donc une place essentielle, au moins à long terme, dans l’évolution des prix.
De nombreux auteurs notent d’ailleurs que les gains de productivité tendent à limiter l’inflation, mais le plus souvent sans quantifier le phénomène.
Les gains de productivité incombent totalement aux entrepreneurs, par leurs décisions d’investissements et d’organisation du travail prises dans le but d’améliorer leur rentabilité ou d’en empêcher la dégradation.
La notion de productivité mérite d’être précisée, on parle généralement de productivité des facteurs, parmi lesquels on distingue le travail et le capital, où, à la marge on évalue l’impact sur la production de l’unité de facteur. Ainsi, sans modification du capital on mesure l’augmentation de production due à une unité de travail supplémentaire et inversement on note l’influence d’un investissement sans travail additionnel.
Il s’agit d’une mesure technique qui ne dépasse pas l’épreuve du bilan des entreprises, où la part du capital est ramenée à sa juste part d’incorporation de la consommation de capital fixe, sous forme d’amortissement, sans la moindre créativité, la totalité du niveau de productivité étant de ce fait attribuée au travail sous l’appellation de productivité apparente du travail.
Cette notion quantifie en comptabilité nationale les productions (consommées ou investies) par unité de travail, y compris les consommations de capital fixe, c’est-à-dire, y compris ce qui a déjà été comptabilisé dans les années précédentes sous forme de production immobilisée. On gardera donc à l’esprit que les quantités échangées, ne sont pas les quantités nouvellement créées.
Dans la mesure où une partie des entreprises parvient à améliorer sa productivité, c’est la productivité de la branche qui progresse, mais seulement en proportion de son influence pondérale, le résultat apparaît en comptabilité nationale pour la période, c’est-à-dire immédiatement, lorsqu’une innovation est mise en œuvre.
Les coûts des entreprises concernées baissent sans entraîner une baisse correspondante de leurs prix, les entreprises innovantes partagent en quelque sorte l’avantage innovationnel entre baisse des prix (toutes choses égales par ailleurs), afin d’améliorer leurs parts de marché et augmentation de leurs marges, dans des proportions qui dépendent de leurs ambitions et entre autres, des capacités de la concurrence à réagir. Cette tendance se trouve bien entendu imbriquée dans l’ensemble des mouvements de prix dus à la demande à court terme et aux coûts unitaires de production.
C’est donc seulement avec le temps, que les réductions de coûts peuvent se traduire entièrement en baisse des prix réels, lorsque l’innovation se généralise (observons, qu’à ce moment là, le gain de productivité du capital est réduit à zéro). Ricardo, Marx, Fourastié entre autres auteurs ont rapporté les prix courants à diverses appréciations de quantité de travail humain pour en extraire la notion de prix réels et observé que les prix réels baissaient sur le long terme en proportion des gains de productivité. Les heures travaillées prises en compte par Fourastié incluent la production du capital fixe consommé, il s’agit donc d’une productivité nette contrairement aux comptes de la nation qui rapportent le PIB entier aux heures travaillées de la période.
Certains secteurs ont bénéficié de tels gains de productivité que y compris les prix courants ont baissé. Si tous les secteurs avaient bénéficié de gains de productivité permettant de faire baisser les prix courants, la terminologie courante parlerait de déflation. Mais dans de telles conditions, en retenant simplement une inflation nulle, la stabilité des prix pourrait masquer de réels phénomènes tels ceux qui sont classiquement évoqués comme causes de l’inflation, excès de demande et hausses de certains coûts, externalités par exemple. Il y aurait inflation sans hausse des prix !
Forte demande face à l’offre et hausse des coûts unitaires en prix courants sont des phénomènes de court terme mais reproductibles qui sont confrontés à l’influence à long terme des gains de productivité, il y a là une zone d’ombre qui ne laisse à ces derniers qu’une influence sur les prix et non une mesure quantifiant un phénomène.
D’autres auteurs introduisent à ce niveau une autre notion, l’amélioration de la qualité des produits qui interfère alors avec la quantification de l’impact des gains de productivité et bien entendu jette le doute sur le concept de prix réels. Ainsi l’analyse séduisante de Jean Fourastié concernant les prix réels du blé et du pain serait-elle entachée d’une incertitude quant à la nature des produits comparés à trois siècles d’écart. Mais il n’y a certainement aucune raison pour qu’il y ait recouvrement des effets de la qualité et des gains de productivité.
Les prix se formant par des décisions de type micro économique essentiellement à partir d’éléments de court terme, les tendances à long terme, si elles se mesurent à posteriori, proviennent forcement de la foultitude des décisions quotidiennes à un instant donné.
Ainsi, l’influence de l’innovation et des gains de productivité et éventuellement de la qualité sur les prix courants et réels si elle existe est obligatoirement un phénomène instantané.
Nous avons vu que les gains de productivité d’une période sont immédiatement enregistrés en comptabilité nationale et utilisés par leurs initiateurs souvent pour partie afin d’améliorer leurs marges et par ailleurs pour mieux se placer que leurs concurrents en terme de prix. Ainsi les gains de productivité se traduisent pour une part immédiatement en tendance à la baisse des prix. D’ores et déjà, lors de la mesure de l’inflation de la période, les influences classiques (demande et coûts unitaires) seront donc supérieures à la hausse des prix. Concrètement, lors de la
Avec le temps, graduellement l’innovation s’intègre à l’état général de la technique, l’avantage innovationnel des pionniers cesse progressivement, innovation par innovation, nous avons donc à chaque instant un flux d’extinctions d’avantages innovationnels arrivant au terme de leur protection. C’est le cas, de manière très nette pour la déchéance des brevets, où lors de la généralisation de l’usage de machines. Nous avons donc de manière concomitante des flux de gains de productivité d’origines temporelles variées qui ont peu d’influence sur les prix de la branche si l’innovation est récente ou beaucoup (au-delà du gain de productivité instantané de la branche) si elle a déjà touché la quasi-totalité de la branche.
Ce sont surtout les gains de productivité issus d’innovations anciennes, lorsqu’ils touchent l’ultime partie de la branche qui déclenchent l’influence sur les prix, du moins si la branche est suffisamment soumise à la concurrence. Il n’y a pas à priori identité entre la baisse des coûts due aux gains de productivité et l’influence sur les prix, à un moment quelconque, pour de nombreuses raisons, dont le taux de croissance, la consommation de capital fixe et la pression innovatrice. Mais les grandeurs restent du même ordre et permettent en première approche d’estimer que les gains de productivité d’une période sont accompagnés d’une influence à la baisse des prix d’un niveau comparable. Ceci est valide en régime de croisière mais bien entendu en cas de récession, l’avantage innovationnel serait consommé au plus vite.
Une très faible pression des causes classiques de l’inflation (demande excessive et coûts unitaires) permettrait alors aux prix courants de baisser dès le moment où les gains de productivité seraient significatifs.
Mais au cours de ce processus, qu’advient-il du partage des richesses dont l’intangibilité constitue une des caractéristiques de la stabilité du système, ou dont les variations mesurent la dérive ?
Le partage des richesses.
Les innovations, avec ou sans investissement nouveau, qui se traduisent par des gains de productivité conduisent bien entendu à des baisses de coûts, cela entraîne une modification du partage du revenu au profit des entrepreneurs innovants, à laquelle vont réagir les salariés et la concurrence ... avec un certain retard ou par anticipation !
La concurrence, par mimétisme, s’alignera sur les conditions innovantes ou les dépassera grâce à de nouvelles innovations, dans le premier cas l’avantage innovationnel s’éteint, dans le second un décalage persiste entre prix et coûts et c’est évidemment cette dernière option qui correspond à la réalité. Néanmoins chaque avantage innovationnel a une durée de vie limitée.
Au niveau microéconomique, les gains de productivité réalisés non associés à terme (la durée normale de l’avantage innovationnel) à des hausses de salaires, conduisent à une modification du partage des richesses au profit des entrepreneurs.
Au niveau macroéconomique, les gains de productivité enregistrés en comptabilité nationale non associés à des hausses de salaires, conduisent à une modification du partage des richesses au profit des entrepreneurs
De manière générale, les réactions qui parviennent à maintenir le statu quo en matière de partage des richesses issues de la production, rendent les tentatives de le modifier, infructueuses, avec pour seul résultat, un niveau de prix différent.
En réalité, à la faveur des conventions collectives, les salaires ont tendance à augmenter avec les gains de productivité, correction faite de la hausse des prix et dans des proportions qui dépendent de l’influence des agents économiques. La formation brute de capital fixe et la consommation de capital fixe ayant bien entendu leur place dans ces ajustements. La prépondérance de l’un des agents, conduit à ce que toutes les tentatives ne se soldent pas par des échecs au niveau microéconomique, au moins provisoirement, ce qui pérennise le processus.
Au-delà de l’analyse conventionnelle on interprétera donc l’inflation comme le résultat des tentatives ESSENTIELLEMENT infructueuses pour modifier le partage des richesses issues de l’activité économique d’une période, notamment le partage entre revenus du capital et du travail mais aussi à l’intérieur de chacune de ces catégories : d’une part entre industries de biens intermédiaires, de produits finals, commerce et services et d’autre part entre diverses composantes de la fourniture de travail.
Dans cette course au partage des richesses, on observe bien sûr que la concurrence freine les ambitions des agents économiques.
La concurrence.
En dehors de toute innovation, la concurrence a pour effet de limiter les prétentions de chacun face au risque de perdre des parts de marché et de voir ainsi ses coûts le porter au seuil d’exclusion du marché. La concurrence joue donc d’emblée un rôle de régulation des prix.
Mais, naturellement chaque entreprise va chercher à améliorer ses résultats en innovant, par des investissements ou par des mesures d’organisation destinés à réduire les coûts de production. Cet ensemble doit pouvoir dégager un avantage innovationnel en matière de coûts, utilisable à court terme pour améliorer les marges en ne baissant pas les prix ou pour prendre des parts de marché en les baissant.
L’avantage innovationnel dont bénéficient les entrepreneurs innovants apporte un avantage à ses initiateurs durant une période limitée, et cet avantage au stade prévisionnel, constitue le critère essentiel de la décision d’investissement ou d’organisation, il est à la base du développement du capitalisme, il constitue la brèche qui dans le cadre de la concurrence permet à chaque entreprise de se distinguer.
Mais les entreprises innovent aussi en produits nouveaux, en différenciation de produits et engagent des frais de publicité, afin de se placer hors du champ de la concurrence directe par les prix, ce qui les dispense de répercuter entièrement les baisses de coûts de production.
Par ailleurs, les accords, les ententes et les concentrations sont autant de distorsions qui permettent de maintenir des prix supérieurs aux prix de concurrence.
C’est cet ensemble de phénomènes que l’on a pu observer dans l’électroménager au cours des dernières décennies. La concurrence quoique réelle est néanmoins largement contournée.
Les entrepreneurs disposent donc d’une panoplie de moyens pour échapper à la pression de leurs congénères et de leurs clients.
Le processus concurrentiel se trouve ainsi atténué et permet une meilleure valorisation de l’innovation.
Au niveau macro économique ce processus se solderait, à défaut de réactions, par une modification du partage des richesses et impose donc un rattrapage par l’ensemble de l’aval, entreprises clientes et salariés-consommateurs.
On observe que plus la concurrence est forte, plus les baisses de coûts sont rapidement répercutées. Ces dernières, hormis les externalités, sont dues aux gains de productivité
L’étagement de la concurrence va usuellement de celle qu’on qualifie de pure et parfaite, à la situation de monopole. Si la seconde est tout à fait observable, la première est considérée comme étant inaccessible, cependant on admet qu’il y a concurrence réelle dès le moment où il y atomicité de la demande, multiplicité de l’offre et transparence du marché.
La concurrence pure et parfaite comme limite ?
Chacune de ces caractéristiques est sujette à évaluation, s’agissant des demandeurs et des offreurs, leur nombre doit être tel que le poids d’une décision individuelle n’influence pas l’ensemble du marché à court terme, par contre, la transparence est plus difficile à apprécier.
Les demandeurs cherchent à évaluer la qualité des produits et leurs prix en différents lieux mais cette démarche est trop complexe et trop coûteuse pour être menée à son terme, il peut ainsi subsister des espaces inexplorés.
De la même manière, les offreurs peuvent difficilement connaître l’ensemble des opportunités du marché.
Les prix s’établissent de fait, en fonction de la connaissance du marché à un moment donné.
La transparence totale n’est donc pas possible à atteindre, mais elle évolue avec les moyens de communication, les limites qui semblaient atteintes avec le téléphone ne sont-elles pas dépassées grâce à l’internet ?
En réalité la notion de transparence est intimement liée au temps nécessaire à la connaissance du marché.
L’évaluation du marché n’est pas instantanée et le temps mis pour y procéder libère des espaces de distorsion mis à profit pour valoriser les avantages innovationnels.
Le temps ayant fait son œuvre pour l’observation, suivent les décisions et leurs mises en application, relativement rapides pour les achats ou pour l’embauche, elles peuvent prendre pour les offreurs, de nombreux mois s’il s’agit d’investissements en moyens de production ou en développement de produits. Et là aussi, le temps est utilisé pour tirer profit de l’avantage innovationnel.
On assiste cependant à des évolutions notables, les durées de développement de projets ou de programmes d’investissements se réduisent, ainsi les références au court terme et au long terme n’ont plus les mêmes significations.
La théorie de la concurrence pure et parfaite définit un court terme et un long terme selon le temps nécessaire aux agents économiques pour observer les marchés, décider et rendre efficientes leurs décisions.
Les délais se réduisant en raison des progrès techniques, et tout laisse penser que le processus va se poursuivre, seule l’instantanéité peut constituer une limite...forcément inaccessible, qui va au-delà de celle de la concurrence pure et parfaite.
Cet état, qui suppose donc une connaissance totale et immédiate des évolutions du marché et la capacité à modifier tout aussi instantanément les conditions de la demande et de l’offre, pourra être dénommé supra concurrence.
La supra concurrence.
Dans le cadre de la supra concurrence, les innovations se propageraient immédiatement, la réduction des coûts, devenue générale induirait une baisse des prix du même ordre.
Mais il va de soi que la motivation à l’innovation des pionniers risquerait d’être remise en cause, en effet quel intérêt il y aurait-il pour une entreprise à promouvoir des gains de productivité si l’avantage était aussitôt rétrocédé à l’ensemble de la société, la supra concurrence serait donc de nature à annihiler l’innovation dans nos sociétés humaines dominées par la recherche du profit.
C’est donc cet espace procuré par le temps qui permet la protection de l’innovation.
La notion de temps est bien sûr, intimement liée à celle de transparence.
La réalité, la diversité de l’état de la concurrence entre monopole et concurrence pure et parfaite, l’évolution, l’affinement constant de la transparence ne permettent pas de fixer une référence à l’intérieur de ces limites, mais au-delà, à l’état singulier de supra concurrence. La concurrence pure et parfaite avec toutes ses variantes se situe alors en un point quelconque sur l’échelle qui va de la supra concurrence au marché monopolistique.
Cet état inaccessible peut être rapproché de la notion de “ zéro absolu “ qui qualifie cette température jamais atteinte et qui constitue pourtant la référence pour les physiciens.
La concurrence pure et parfaite déjà considérée comme modèle théorique éloigné de la réalité, quoique essentiellement basé sur le critère de transparence des marchés, fait appel aux notions de court terme et de long terme, admettant ainsi l’imperfection de la transparence en laissant au temps le soin de permettre les ajustements. Il est donc difficile de juger quel niveau de transparence, associé à un différentiel court terme-long terme, peut constituer une référence, hormis une supra transparence associée à un différentiel de temps nul confondant alors court et long terme.
Il vient donc bien naturellement qu’à l’état de supra concurrence on verrait l’innovation se généraliser sans délais, les coûts s’unifier en un seul coût moyen, et les prix s’établir à ce niveau spontanément, ce que sous-tendrait une philanthropie dépourvue de toute velléité de profit. Ceci ouvre la question du développement du capitalisme à partir de motivations individuelles protégées par cet espace naturel que constitue l’imperfection de la transparence. Notons déjà, que lorsque cette protection s’est avérée insuffisante, la loi a pu la renforcer par exemple en instituant une durée de protection de l’innovation par les brevets.
Dans cette hypothèse extrême les prix auraient donc baissé dans la proportion des gains de productivité, immédiatement.
Dans le cadre d’une population active stable, conservant le même rythme de travail, les gains de productivité nous placeraient en situation de croissance et de baisse des prix.
Serions-nous pour autant en situation déflationniste ?
Cette baisse des prix strictement liée à la baisse des coûts, ne devant rien à la faiblesse de la demande, et en dehors de toute influence classique (demande et coûts unitaires) nous placerait tout simplement au zéro absolu.
Remontée vers la réalité.
Cette approche, en contractant le temps nous mène au même point que l’analyse par sommation des effets de la productivité sur les prix selon l’origine temporelle des innovations (à quelques nuances près concernant notamment les questions de capital), à savoir que l’effet des gains de productivité est parfaitement mesurable. Ce qui est qualifié d’effet à long terme est en réalité tout à fait immédiat, les prix baissent toujours sous l’effet des gains de productivité de la période avec des élasticités prix-gain de productivité différentes, très inférieures à 1 pour les innovations récentes ou très supérieures à 1 pour les innovations plus anciennes qui sont au stade de la généralisation dans leur branche mais qui induisent toujours des gains de productivité. La baisse des prix due aux gains de productivité du moment est la sommation des baisses de prix dues à des gains de productivité issus d’innovations d’origines temporelles différentes, les prix ne baissent pas d’un montant identique aux gains de coûts du moment mais seulement comparable pour diverses raisons déjà évoquées (formation et consommation de capital fixe mais aussi flux d’innovations, durabilité de l’avantage innovationnel et taux de croissance).
Retenons donc pour l’instant que les prix baissent à raison des gains de productivité de la période. En général les prix augmentant, cette baisse est imbriquée dans un ensemble.
Si nous observons par exemple une hausse des prix de 4% et un gain de productivité de 2%, les causes classiques de l’inflation sont responsables d’un mouvement des prix de 6%, zéro% de hausse des prix ne serait donc pas une position singulière dans l’échelle des niveaux de mouvements de prix, mais une valeur possible, qualitativement semblable aux valeurs inférieures ou supérieures voisines.
Cette approche conduit alors à modifier les repères de mesure, voire à changer les nomenclatures. Si la notion d’inflation reste associée dans son acception générale à la seule dévaluation de l’équivalent marchandise, elle s’identifie à la hausse des prix. Si par contre on considère que les prix sont « enflés » dès le moment où son niveau tend à modifier la quotité des autres produits offerts sur le marché (tentative de modification du partage des richesses), alors l’inflation se distinguera de la hausse des prix selon la formule :
Inflation = hausse des prix +baisse des coûts.
Afin de conserver l’aspect dynamique du concept on pourra utiliser le mot « inflature » ce qui évitera par ailleurs toute confusion avec l’acception usuelle du terme « inflation ». L’inflature caractérisera donc le mouvement des prix depuis le zéro absolu.
Une autre formulation peut-être plus explicite serait de l’exprimer en progression en monnaie courante du produit brut par tête active, rapportée au produit en début de période. Ainsi, pour une inflature nulle, les prix baissent de x% (baisse des coûts dus aux gains de productivité) et le produit courant par tête est stable.
Si les prix ne baissent pas, l’inflature est de x% et le produit courant multiplié par (1+x%).
Si les prix augmentent de y%, l’inflature est de (x+y)% et le produit courant multiplié par [1+(x+y)%], progression au sein de laquelle se côtoient hausse des prix et taux de croissance du produit par tête active, la frontière séparant les deux notions étant sujette à évaluation.
La qualité, le produit réel.
De manière empirique, certains auteurs et les banques centrales estiment que l’inflation depuis 1985 se situant aux alentours de 2 ou 3% par an et ayant atteint son plancher en dessous duquel on frôle la récession et au dessus duquel guète la surchauffe, serait à son véritable niveau zéro en attribuant à la qualité des produits la couverture de cet espace.
La qualité des produits évolue bien sûr, mais l’appréciation est forcement subjective. Si les consommateurs éprouvent une satisfaction plus importante à l’usage d’un produit sans que le coût réel à la production n’ait varié, rien ne fait varier son prix sauf les causes classiques (demande excessive, coûts unitaires et tentatives de modifier le partage des richesses en général), l’amélioration de la qualité ressentie ne fait donc pas l’objet d’une hausse des prix.
Par contre, si la qualité est modifiée par des dispositions réglementaires ou commerciales pour se prévaloir d’une supériorité auprès des consommateurs et que ces modifications entraînent une augmentation du coût réel, alors l’augmentation de prix correspond à une variation de quantité d’intrants et on peut dès lors déclasser la question puisqu’il s’agit en réalité d’un produit différend qui n’est pas confondu par les clients avec le produit de base ou ancien.
Se pose alors un problème de méthodologie des enquêtes qui doivent déceler les modifications de produits lors de la constitution des panels, ces outils existent et sont utilisés, attribuer à la qualité une part d’inflation est une mise en cause de ces outils ou de leur usage.
Si maintenant nous traitons cette question à partir du concept d’inflature, en prenant des données de comptabilité nationale non sujettes à évaluation subjective, une vision nouvelle apparaîtra. En année n le produit brut par tête active dans l’industrie est de 100€, en année n+1 en euros courants il devient 108, nous avons donc une inflature de 8. Le produit brut par tête en monnaie courante est à rapprocher du prix monétaire courant de l’heure de travail de manœuvre de Jean Fourastié. Ainsi c’est le produit du travail qui subit l’inflature.
Avec une inflature de 8, si les enquêtes décèlent une hausse des prix de 5, nous aurons un gain de productivité de 3, pour une hausse des prix de 4, nous aurions 4 de gain de productivité. Mais en aucun cas le total de 8 ne serait affecté. Et comme nous l’avons indiqué, c’est l’inflature le résultat des causes classiques (demande, coûts unitaires) invoquées pour l’inflation. Le déplacement du curseur entre gains de productivité et hausse des prix n’a donc aucune influence sur l’appréciation du phénomène de gonflement des prix. Par contre cela a de l’importance pour l’évaluation du produit intérieur brut et de sa progression en monnaie constante, indicateur du volume de produits consommables dont nous mesurons ainsi le caractère subjectif.
Pour que la progression du produit intérieur brut ait une signification, les critères d’appréciation de la qualité doivent être précis, universels et stables dans le temps.
Donc, affirmer que la qualité est sous évaluée revient à dire que le produit intérieur brut l’est aussi, d’autant.
Mais on retiendra surtout qu’utiliser cet argument à des fins de politique monétaire est erroné, le seul critère conduisant à augmenter la masse monétaire étant la progression du PIB par tête courant qui rapportée au PIB origine, n’est autre que l’inflature.
Cette approche nouvelle avec les notions d’avantage innovationnel, de supra concurrence et d’inflature devrait permettre d’aborder l’expansion économique et la monnaie sous des angles plus ouverts.
Ouvertures sur l’expansion économique.
L’expansion économique en dehors des questions de population trouve sa substance dans le progrès technique parce que parmi toutes les inventions de l’homme pour augmenter ses moyens de subsistance il est le seul qui ne pénalise personne, par le vol, le pillage, l’esclavage ou l’exploitation.
Les promoteurs d’innovations peuvent bénéficier d’avantages innovationnels en raison des imperfections de la transparence des marchés.
Au stade prévisionnel, cet avantage constitue la motivation à innover ou tout simplement à investir.
Chacun mesure, en estimant la durée de l’avantage innovationnel quelle rentabilité peut dégager l’investissement dans une équation où interviennent l’intensité et le temps.
Donc aux conditions de transparence du marché correspond une durée et à la nature de l’innovation correspond une intensité de l’avantage innovationnel. Ainsi, face à une durée connue ou estimée, tous les projets d’intensité insuffisante seront écartés.
Au 18ème siècle le métier à tisser a mis 30 ou 40 années pour traverser la Manche, les industriels anglais ont conservé longtemps leur avantage innovationnel, par rapport à l’Europe continentale.
Avec le développement des moyens de communication, la transparence augmentant, les projets doivent présenter une intensité d’autant plus forte pour être retenus. L’intensification de la concurrence, le glissement vers la supra concurrence serait donc de nature à éliminer de plus en plus de projets.
Déjà des dispositions réglementaires tendent à limiter la concurrence telles la traque des contrefaçons ou la protection par les brevets. Les monopoles se créent, voire sont favorisés pour préserver la viabilité de projets lourds.
Autant cet espace protégé par l’imperfection de la concurrence a été et est le moteur du développement économique, autant le mouvement non contrarié vers la supra concurrence serait de nature à annihiler toute velléité d’innovation basée comme cela s’est fait historiquement sur la recherche du profit.
Le progrès économique ne devrait alors son salut qu’au dépassement de l’intérêt individuel ou de groupe restreint, dans la recherche d’autres formes d’organisation de la production.
Les solutions apparaissent donc aux antipodes : philanthropie ou monopoles.
De manière plus pragmatique, l’objet de cette note est d’attirer l’attention sur l’étiolement de l’espace essentiel, naturel, de l’innovation et donc du progrès économique.
Ouvertures sur la monnaie.
La création monétaire.
Permettre l’échange d’un produit intérieur brut annuel nécessite une quantité de monnaie mesurée. La vitesse de circulation est le rapport du PIB à la quantité de monnaie en circulation, le plus souvent sous l’appellation M3, l’agrégat liquide facilement mobilisable. La monnaie a donc pour fonction de permettre l’échange entre les agents économiques d’un produit intérieur brut exprimé en monnaie courante. Toutes choses égales par ailleurs, la vitesse de circulation de la monnaie sera identique pour deux périodes consécutives, la quantité de monnaie sera donc proportionnelle au PIB.
Si en année n, le PIB par tête active est de 100 et la quantité M de monnaie de 25, la vitesse constante de circulation sera de 4 et en année n+1 pour un PIB de 108 la quantité de monnaie serait donc de 27. La quantité de monnaie augmente comme l’inflature.
L’imagerie économique exprime toujours l’idée que la monnaie est créée par les banques à la demande des agents économiques pour permettre le développement économique. Pour le moins elles en créent aussi pour compenser l’inflation (pour créer l’inflation dirait l’école monétariste), ce qui est généralement passé sous silence quoique bien connu. Selon ce point de vue, la monnaie est créée indistinctement pour le développement économique et pour couvrir l’inflation.
Selon notre approche, la création monétaire par les banques couvre l’inflature, qui est un phénomène homogène quand à ses causes avons nous dit. La notion de création monétaire à des fins de développement économique disparaît puisque l’inflature est seulement le résultat de toutes les tentatives infructueuses pour modifier le partage des richesses (influence de la demande, coûts unitaires ...)
Pour appuyer cette idée un retour à la supra concurrence peut être utile. Nous avons vu, par expérience de pensée, qu’en présence d’une transparence totale et pour peu que le caractère philanthropique des entrepreneurs soit avéré, l’inflature est nulle tout en permettant toutes les progressions du PIB réel.
En année n le PIB étant de 100 en monnaie courante, il le sera toujours en année n+1 mais les prix auront baissé en proportion des gains de productivité de 3, nous aurons donc une croissance du PIB réel sans intervention des banques en création monétaire.
La situation de supra concurrence se distingue bien sûr des situations où la baisse des prix accompagne une récession et qui conduit à un effondrement de la masse monétaire.
La supra concurrence ne doit pas être perçue comme une vision théorique éloignée de la réalité, mais comme une de ses composantes associée à l’inflature.
Cette analyse nous conduit donc à dire que la création monétaire couvre l’inflature et non le financement du développement économique.
Imaginons une situation intermédiaire avec des gains de productivité de 3, donc de la croissance et une inflature de 2 (une baisse des prix de 1), inférieure à la croissance, il suffirait donc d’une augmentation de la masse monétaire de 2, inférieure à la croissance économique, ce qui suffit à montrer que les deux choses sont sans relation.
Par contre s’il s’agit d’élargir le cercle de la population une véritable création monétaire s’impose.
Nous pouvons alors énoncer que en régime de supra concurrence, toutes choses égales par ailleurs, la quantité de monnaie est toujours suffisante pour assurer l’échange de toutes quantités de marchandises produites.
En situations réelles, toutes choses égales par ailleurs, afin d‘assurer l’échange de toutes quantités produites, la masse monétaire doit progresser au rythme de l’inflature.
Ceci recadre le rôle réel des banques et des banques centrales et nous amènera à revisiter le débat du début du 19ème siècle sur les fondements à donner au système bancaire moderne de l’époque et où on ne choisira pas forcément entre currency et banking principles.
L’observation des déclencheurs de l’émission monétaire dans le cadre actuel va conforter notre approche.
Les déclencheurs de l’émission monétaire.
La première fonction des banques est d’assurer l’allocation des ressources réelles de l’économie, par le jeu de l’épargne et de l’emprunt. L’épargnant est un agent économique qui décide de ne pas consommer à hauteur de ce qu’il a produit mais qui souhaite conserver son droit à consommer pour plus tard. La banque a une interprétation plus large de la décision de non consommation en y intégrant tous les dépôts. L’emprunteur, particulier, entreprise ou collectivité souhaite consommer (ou investir) au-delà de ce qu’il a produit, et s’engage à rétrocéder ces droits à consommer à un terme défini.
Pour une vitesse de circulation constante de la monnaie, et un nombre d’actifs déterminé, en régime de supra concurrence, cette fonction d’allocation des ressources est suffisante, en effet, l’épargnant cède une quantité de monnaie équivalant à un nombre d’heures de travail et récupérera à terme la même quantité lui offrant alors l’accès à un volume de marchandises supérieur à raison des gains de productivité intervenus durant la période, les prix ayant baissé en proportion.
La situation réelle diffère de celle là par l’existence de l’inflature, avec deux conséquences, la première étant que les sommes remboursées devront être majorées de l’inflature et qu’un moyen quelconque devra être trouvé pour gonfler le numéraire d’autant en faisant abstraction pour le moment du coût de l’intermédiation.
Le moyen qui vient immédiatement à l’esprit pour réaliser ce gonflement (nous sommes déjà, là en situation quasi réelle) serait d’appliquer avec une périodicité très fine à tous les dépôts (et billets) ainsi qu’à toutes les dettes une majoration administrée égale à l’inflature, déterminée par les comptes de la nation.
Si par exemple, en rythme annuel nous avions une inflation de 5 et une croissance en volume de 3, soit une inflature de 8 en reprenant nos chiffres précédents, le gonflement devrait être de 8. Pour coller de plus près aux données actuelles, 2 de croissance et 3 de hausse des prix nous donneraient 5 de gonflement. Voilà un chiffre qui ressemble bien à celui d’un taux d’intérêt, en laissant un peu de place pour le coût d’intermédiation et quelques ajustements, l’inflature constituerait alors le corps principal du taux d’intérêt.
Taux d’intérêt qui assurerait au travail une place centrale dans le temps et que l’on pourrait qualifier de naturel cette fois pour quelques raisons.
Ceci n’est pas un modèle alternatif, mais un instrument d’analyse. Puisque le système réel parvient aussi à faire évoluer la masse monétaire au rythme de l’inflature, il convient de rechercher quelle somme nulle d’opérations y conduit et quels espaces de manœuvre ces artifices ouvrent.
Le système bancaire finance indistinctement des prêts à la consommation, à l’investissement, des prêts de trésorerie pour les entreprises, les collectivités ou les ménages et des opérations spéculatives. Les banques peuvent aussi acquérir des titres pour la revente ou pour leur actif propre. Par ailleurs elles gèrent les dépôts qui constituent avec les billets, la masse monétaire.
Dans le cadre de nos hypothèses, d’une quantité de travail déterminée, en situation de plein emploi par exemple, un investissement nouveau se fait aux prix courants avec la monnaie courante et avec les ressources en travail du moment, c’est donc un achat comme un autre.
Si l’Etat a un besoin de financement, il fait appel à l’emprunt ou à l’impôt, dans les deux cas ce sont les droits à consommer de certains citoyens qui sont utilisés à leur place au même moment aux prix du moment et avec la monnaie du moment. S’il s’agît d’un emprunt, un contrat est établi entre l’Etat et le citoyen (bon du trésor) pour la restitution des droits à consommer ultérieurement, s’il s’agît d’un impôt, les citoyens sont simplement remerciés. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a pas lieu de créer de la monnaie il y a seulement changement de titulaire. Pourtant, dans le cas de l’emprunt par émission de bons du trésor, si l’acquéreur de titres est une institution financière il y a création de monnaie, l’acquisition se faisant d’ailleurs à cette fin. Il en va de même lors de l’acquisition par les institutions financières de titres sur l’économie (les prêts bancaires sont des titres créés par elles-mêmes) dès le moment où les ressources stables sont insuffisantes pour couvrir les demandes de prêts en général.
A l’instant T, par affectation des ressources, tout est possible, investissements publics ou privés et déficit de l’état, c’est seulement à l’instant T+dT que la faim de monnaie se fait sentir en raison de la marche continue de l’inflature.
Un ménage qui achète un appartement, emprunte la somme correspondant au prix qui lui est demandé sur le moment et c’est seulement à l’échéance du remboursement qu’il devra s’assurer de pouvoir l’honorer, ses revenus nominaux devront avoir évolué en conséquence. Pendant cette période, le jeu infructueux des tentatives de modifier le partage des richesses aura obligé leur employeur à demander à la banque une plus grande ouverture de crédit pour qu’aux échéances il puisse payer les salaires légèrement augmentés et les intrants majorés aussi, ce qui ne posera pas de problème dans la mesure où il aura aussi pu augmenter ses prix, le ménage pourra aussi faire glisser d’autant son découvert autorisé de compte courant bancaire. Le seul besoin de création monétaire s’avère être un besoin de trésorerie à hauteur de l’inflature.
Que ce besoin bien réel soit couvert par des initiatives qui prennent l’apparence du financement du développement n’est pas rigoureux.
Nous nous sommes placés dans le cadre d’une économie qui fonctionne avec un nombre de citoyens actifs fixe, en situation de plein emploi par exemple et la conclusion qui s’impose à ce stade est que le système bancaire hérité du débat du 19ème siècle n’a rien de naturel ni d’obligé ni de rigoureux. En effet, pourquoi s’appuyer sur une partie seulement des titres émis (contrats de prêts et titres acquis par les institutions financières) avec un assortiment de conditions au travers des règlements de banque centrale qui paraissent bien éloignés de la simple question de trésorerie qui est posée.
En vérité, les seuls demandeurs de création monétaire sont les agents économiques actifs, entreprises, ménages, état, pour leurs besoins de trésorerie.
Lors des opérations d’allocation de ressources, le prêteur et l’emprunteur conviennent d’un taux d’intérêt et d’un délai pour le remboursement, en faisant abstraction des coûts d’intermédiation et de quelques ajustements, nous avons vu que ce taux peut être voisin du taux d’inflature, mais rien n’y oblige, que l’un ou l’autre soit gagnant en termes de quantité de travail ne change rien à l’échéance, mais le taux d’inflature reste une bonne référence dans la mesure où il est réaliste et égal au besoin de création monétaire, intangible, lui.
En situation de supra concurrence ou tout simplement d’inflature nulle (civisme absolu des agents économiques), imaginons une entreprise qui se crée en T0 en empruntant 500€ pour acquérir du capital fixe (aux prix du moment avec la monnaie du moment) et 100€ pour assurer sa trésorerie, c’est aussi du capital. Elle fait donc appel au travers de sa banque à des agents économiques ne souhaitant pas utiliser leurs droits à consommer dans l’immédiat, des épargnants, ces derniers qui abandonnent provisoirement la jouissance du produit de 600 unités de travail évaluées à 1€ l’unité souhaitent tout simplement récupérer à l’échéance le produit de 600 unités de travail, c’est à dire avec un taux d‘intérêt réel égal au gain de productivité. Sans inflature donc, l’échéancier sera simple, 100€ en T1, T2....T5 et 100€ de trésorerie en T5 (cessation d’activité). Les termes du contrat sont respectés, les créanciers bénéficient à terme avec la même somme de monnaie d’un produit augmenté en volume en raison de la baisse des prix. La citoyenneté a permit de ne pas avoir de besoin de création de monnaie, l’économie peut réaliser toutes les progressions dans ce cadre.
Si maintenant, le civisme s’étant émoussé, une certaine inflature apparaît, on peut imaginer que correction faite, chacun retrouvera son compte. Ce serait en effet le cas en réévaluant avec une périodicité très fine toute la monnaie et les dettes au rythme de l’inflature de manière administrée. On conviendrait donc de rembourser au taux d’inflature soit 8%. L’échéancier sera alors le suivant : 100 u de travail évaluées 108 € en T1, 100u évaluées 116,6€ en T2 ... ...100u évaluées 146,9€ en T5. Le système bancaire fonctionne là en parfaite harmonie avec ce que tout le monde attend, le capital fixe ayant été acquis en T0 aux prix de T0 et avec la monnaie de T0, les prix de vente et les coûts ayant augmenté au rythme de l’inflature, ces échéances seront assurées. L’entreprise a estimé lors de sa création qu’il lui fallait 100€ de capital de trésorerie constamment réévalués au rythme de l’inflature pour payer les salaires et les fournisseurs. Donc si l’entreprise cessait son activité en T5 elle devrait encore 146,9€ correspondant aux 100u de trésorerie du départ. Au total cette réévaluation administrée préserve les conditions des contrats quelle que soit l’inflature en traitant de la même manière l’emprunt de trésorerie et l’emprunt pour le capital fixe.
Le système bancaire en place depuis le 19ème siècle agit autrement, le remboursement des prêts d’acquisition de biens en T0 est identique et avec une inflature nulle le capital de trésorerie serait traité de la même manière (les banques devraient alors facturer tous leurs services), mais la réévaluation en fonction de l’inflature est toute différente. Dès le moment où la faim de monnaie se fait sentir, les agents économiques doivent faire appel à de la création monétaire par l’emprunt à titre onéreux. En maintenant le même exemple, l’emprunt de capital de trésorerie du départ (100€) sera remboursé en T5 146,9€ c’est-à-dire son montant nominal en T5, réévalué par la banque sur simple demande, mais les intérêts coûteront 100x8%=8€ en T1 soit 8/1,08=7,4u, 108€x8%=8,64€ en T2 soit 8,64/1,166=7,4u ... (8u par an avec des périodes infiniment petites).
L’agent économique qui fait appel à la création monétaire supporte une charge réelle égale au taux d’inflature en termes réels (u) qui peut être qualifiée de double peine. Cela ne constitue pas pour autant une recette nette pour les banques dans la mesure où les dépôts engendrés seront aussi partiellement rémunérés. Cette manne contribue aux recettes d’exploitation des banques dans une grande confusion entre coût de gestion des comptes, intermédiation et phénomènes monétaires.
S’il s’agit d’une trésorerie d’entreprise, l’intérêt sera un coût forcément répercuté sur les agents clients.
S’il s’agit d’une trésorerie de consommateur final, ménage ou état, le coût ne peut être partagé autrement que par des modifications du partage des richesses, nous avons donc une inflature fonction de l’inflature et une inflation fonction de l’inflation par conséquent. Ceci apparaît bien comme une incohérence du système en place en opposition avec la mission unique de la banque centrale européenne qui est de contenir la hausse des prix.
Nous avons donc un phénomène parasite qui engendre un coût réel dérégulant. Une fois quitté l’équilibre initial, l’inflature s’auto alimente. Dans des situations d’inflature et d’inflation importantes, le système bancaire réagit en baissant ses taux parce que l’effet parasite produit un effet réel croissant, démesuré, ce qui explique qu’en période d’inflation élevée on trouve facilement des taux d’intérêt réels négatifs (au sens habituel). Par contre, comme sur le marché financier tout est confondu, les taux concernant l’allocation des ressources, ne permettent plus alors de restituer aux prêteurs leur cession provisoire réelle (en u). D’où l’avantage bien connu de l’emprunteur (acquisition de capital fixe) en période d’inflation élevée, même avec des taux d’intérêt évolutifs pour le remboursement. Ceci explique aussi l’apparition, depuis la désinflation, de la facturation d’une multitude de services bancaires auparavant couverts par les taux de trésorerie.
Le système paraît donc bien tortueux mais présente l’avantage dans cet imbroglio de laisser libre cours aux spéculations et autres fantaisies.
La notion d’inflature fait apparaître ici un phénomène peu discernable dans la mesure où rien ne paraît plus naturel qu’un intérêt sur toute somme empruntée.
On notera aussi que le multiplicateur de crédit n’existe que parce qu’il est inhérent à ce système bancaire créé de toutes pièces et qu’il n’est pas du tout une loi universelle de la science économique, ce qui ouvre la porte à la recherche d’autres voies possibles.
Nous avons calé jusque là notre raisonnement sur un cercle économique fermé de plein emploi ou de taux de chômage invariant avec une balance extérieure stable. Cette hypothèse est globalement réaliste mais le système économique est constamment en oscillation avec des entrées et des sorties d’acteurs. S’il s’agit d’entrées, le système bancaire permet d’intégrer de nouveaux acteurs, chômeurs ou population immigrée par un appel marginal à la nouvelle ressource pour satisfaire les besoins nouveaux exprimés par la population initiale, consommation finale ou investissement. A ce niveau, c’est l’attraction du taux de refinancement qui détermine si l’épargne se renforce en restant dans le cadre d’une simple allocation de ressources ou si de la monnaie nouvelle est créée, permettant ainsi l’entrée de nouveaux acteurs et c’est seulement à ce moment que le système bancaire crée de la monnaie pour financer le développement et c’est peu (et réversible) au regard de la croissance du PIB par les gains de productivité.
De surcroît, le système peut réagir à des demandes endogènes comme nous venons de le voir, mais faute de ces signaux, il n’est pas en mesure d’étendre sa sphère sauf par l’intervention des gouvernances et moins que jadis en raison du contrôle européen des déficits budgétaires.
Perspectives.
A ce point de la réflexion, il apparaît que le monstre sacré du développement et du fonctionnement du capitalisme pourrait bien avoir des pieds d’argile, puissent ces faiblesses permettre d’imaginer d’autres voies accessibles qui ne soient pas exclusives de celle-ci mais seulement concurrentes, à charge pour les peuples de les prendre en main et de démontrer qu’on peut conduire aux progrès autrement que par l’attraction de l’intérêt particulier.
Le régulationiste y trouvera peut-être des pistes pour redonner aux gouvernances quelques pouvoirs économiques.
Au-delà de ces quelques lignes, la notion d’inflature doit permettre de reconsidérer la notion de valeur, on pensera en particulier aux évaluations subjectives du PIB et de l’inflation qui fondues s’ancrent au contraire dans des agrégats incontestables. On devra bien entendu préciser le zéro absolu réel, forcément plus complexe que celui dégagé par la supra concurrence.
On retiendra surtout que le système bancaire ne crée pas (sauf marginalement) la monnaie du développement économique mais assure la couverture de l’inflature, phénomène continu fait des tentatives essentiellement infructueuses pour modifier le partage des richesses. On se servira du concept de supra concurrence pour garder le fil de l’analyse.
On rendra aux produits dérivés leur rôle d’assurances.
On refondera la notion de financement essentiellement comme allocation des ressources et on imaginera des modèles qui permettent d’éventuelles décroissances sans crises.
On établira que l’inflature est un ratio essentiel de la politique monétaire.
La notion de contrepartie pourra être abordée en dépassant la pétrification des prêts à leur date de création.
Accessoirement, on tentera d’appréhender les mutations monétaires du Moyen-Âge sous cet angle.
On tentera de comprendre comment les grandes ambitions de 1936, 45 et 81 (les nationalisations de banques) se sont soldées par de simples changements de propriétaires sans reconsidération des principes. On observera que le système bancaire alternatif argentin reste une parfaite copie du modèle général auquel il prétend se substituer.
Un peu hardi, le rapprochement du taux d’inflature avec les taux d’intérêt dépouillés des coûts bancaires, pourrait bien être étayé par quelques séries longues, la différence de nature entre taux de trésorerie et taux d’allocation de ressources pouvant expliquer les écarts.
On examinera aussi ce qui dans le système monétaire et financier, confère à la monnaie une vie propre, ce qui la rend active, peut être à la manière d’un personnage de Pirandello... sans pour autant la condamner à la neutralité.
Messages
1. > L’INFLATURE, 17 septembre 2006, 23:21
TROP LONG JP ! Fais nous le même en minimum moitié moins.
Allez, au boulot ! : ))
C.E.