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L’OTAN pour Sarkozy, un rêve de gosse !

Publie le vendredi 27 mars 2009 par Open-Publishing
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de Michel MENGNEAU

"Je honni l’Amérique !". En écrivant il y a quelque temps déjà cet article au titre volontairement provocateur, mon but était de secouer une certaine apathie et une allégresse qui me semblait exagérée vis à vis d’un évènement (l’élection d’Obama) qui me parait surfait dans la mesure où il ne modifiera pas en profondeur la politique étasunienne ; et j’entends par là qu’il ne s’agira pas d’une remise en profonde de l’axe philosophique de ce pays qui veut qu’il n’est de bon bec que de "l’ultra-libéralisme".

Je me suis donc dit qu’il faut savoir raison garder, et que d’aller à contre-courant de façon un peu provocatrice était une des solutions pour faire réagir le tout un chacun englué dans un conformisme euphorique. C’est réussi ! Et ma provocation m’a d’ailleurs valu quelques insultes. Qu’importe…

Pour que les choses soient claires, je rassure tout le monde je n’ai pas une haine farouche à l’encontre du peuple américain, il s’agit simplement d’une formule qui peut paraitre d’ailleurs présomptueuse dans la mesure où un énergumène seul tente de secouer le panier. Bon, mais c’est plus fort que moi il faut que je diverge lorsqu’il y a trop unanimité et me semble t-il de consensus moralisateur, bref, ça me fait alors aller à contrario du bien-pensé.

D’autant que plusieurs constatations ne m’incitent pas à partager l’enthousiasme ambiant. D’abord s’il faut se réjouir qu’un homme de couleur ait pris la tète de cet état après les vicissitudes qui ont poursuivi ceux de sa communauté pendant des décennies, en effet si cela méritait que l’on si attarde, cela ne justifiait pas à l’époque une telle envolée médiatique qui eut été sans doute la même si Madame Clinton avait été élue, et en tout état de cause, l’on serait écrié alors que c’était la première fois qu’une « femme » atteignait une tel fonction dans ce pays. Je ne vous dis pas le tintouin que cela aurait fait si c’eût été une femme noire ! Donc, toute proportion gardée, l’évènement a été remarquable et remarqué mais ne reste pas primordial dans la conduite des affaires des USA.

Comme je suis un farouche opposant au système capitaliste qui pour moi est celui qui détruit la planète, je ne pouvais donc pas encenser un homme qui en est l’un des fervents défenseurs. Et qui au nom de ces convictions là va continuer de propager des guerres sous prétexte qu’il n’y a pas d’autre alternative que cette pensée unique qui alimente la philosophie étasunienne. Non à cette hégémonie intellectuelle qui est destructrice ; guerres, famine, exploitation des plus faibles par les classe aisées, j’en passe et des meilleurs.... Donc dans cet état d’esprit, j’ai volontairement accentué le rejet qu’occasionnait la politique des USA dans l’article susnommé au titre pour le moins évocateur.

Je sais, certains on fait remarquer alors que si le soldat Ryan n’était pas venu se perdre chez nous on serait dans une belle panade. Certes, on ne peut que remercier les américains de nous avoir sorti des griffes du nazisme. Mais ne nous y trompons pas, se ne fut pas que par humanisme qu’ils sont entrés dans cette guerre. En effet, il ont d’abord trainé des pieds et il faudra attendre fin 1941 pour les voir déclarer la guerre à l’Allemagne, l’Italie et le Japon.

Hormis le Japon dont la poussée hégémonique dans le pacifique les gênait, Hitler leur posait problème que dans la mesure où il était maintenant en opposition avec l’URSS, qui elle représentait un véritable danger si elle battait les allemands et étendait son obédience sur toute l’Europe, et c’était cela la plus grande peur de Roosevelt. Surtout pas de communisme dans toute l’Europe était comme un leitmotiv et l’une des principales raisons de l’intervention US. Donc, laissons de côté le regard trop reconnaissant en direction de ceux qui distribuaient des cigarettes blondes et donnaient des chewing gum aux enfants, regardons plus souvent leurs façons de faire avec circonspection !

Et surtout ne considérons pas avec un angélisme béat le sauvetage de l’Europe occidentale par les Américains. La chanson : « Si les Ricains n’étaient pas là… » est certes évocatrice mais ne nous donne qu’un aspect de la vérité dont son chanteur, Sardou, a volontairement escamoté le fait que les GI n’étaient pas là par bonté d’âme. On laissera donc ce peu affable personnage à ses conceptions quelques peu restrictives.

Par la force des choses, cette implantation en Europe c’est perpétrée puisque en un premier temps l’Allemagne verra s’installer des troupes d’occupation sur son territoire et en particulier des étasuniennes. Yalta, malgré que les protagonistes s’en défendent, sera bel et bien un partage d’influence et l’Europe sera pratiquement coupée en deux. L’hégémonie russe avec la main mise sur la Pologne, et de l’autre côté l’obédience latente et l’implantation des USA comme privilège du grand frère protecteur. Ce qui mènera finalement dès 1947 les pays du Bloc de l’Ouest à s’allier militairement avec les USA et le Canada, dont l’aboutissement se fera le 11 juin 1948. On confortera tout cela par le Traité de l’Atlantique Nord en avril 1949, l’OTAN était en place. Mais la principale raison à tout ce jeu d’alliance était la guerre froide qui menaçait de se transformer en guerre tout court, étant et ayant des alliés directement en opposition à URSS, les USA avaient ainsi une position de force. Ce fut là le but premier et celui qui a permis l’existence de l’Otan.

Mais contrairement à ce que souvent l’on a cru ce ne fut pas un traité de partage, seulement un complément militaire à la puissance étasunienne, ce qui ne sera pas du goût du Général de Gaule qui dès son arrivé au pouvoir en 1958 fera étalage d’une certaine méfiance. Qui finalement ce concrétisera par l’annonce d’un retrait définitif le 7 mars 1966. La France retrouvait son indépendance militaire, et aussi, si cela fut moins flagrant, une indépendance politique certaine.

Malgré tout, de Gaule avait gardé un pied dans l’Alliance Atlantique, il en est ainsi souvent de la politique où les situations ne sont pas si tranchée que l’on voudrait le croire. Cependant cette position originale de la France lui donnera tout de même une liberté vis à vis du grand frère Ricain ce qui lui permettra à notre pays de ne pas répondre à ses injonctions quand Busch a demandé d’aller déloger Saddam Hussein. En restant néanmoins la cinquième puissance militaire de l’Otan et l’un de ses pourvoyeurs de fonds.

Alors pourquoi changer cette situation qui assure à la France une certaine autonomie d’autant que l’ennemi traditionnel, l’URRSS, n’est plus et que si l’on cherche bien il n’en existe aucun de répertorié. A priori rien ne demande à ce que l’on s’implique encore plus dans l’Otan. Alors le prétexte et parce que il faut bien avancer une raison, on invoque le terrorisme. Ca c’est l’argument qu’utilise les Etats-Unis pour justifier son attitude belliqueuse et surtout afin d’enrober sous des prétextes pour le moins fallacieux la domination mondiale qui est leur objectif.
Obama en arrivant à tout de suite annoncé la couleur, retrait des troupes d’Irak. Un bon point pour lui, mais… C’était pour mieux les déployer ailleurs, et l’Afghanistan étant aux portes de la Russie, presque au milieu du bloc Asie /Europe que trouver de mieux comme position stratégique. Et puis ça tombe bien, il y a les Talibans qui sont un bon faire valoir. Ce sont là les ennemis déclarés ; toutefois, insidieusement une sorte de guerre froide et larvée recommence avec une Russie qui reprenant vigueur gêne l’impérialisme des Etats-Unis.

Donc, le nouveau gouvernement américain va mobiliser davantage de moyens humains et financiers pour pourfendre à coup de missiles Apaches le turban du Mollâ Omar. Après avoir approuvé le mois dernier l’envoi de 17 000 soldats, Barack Obama va dépêcher 4 000 instructeurs militaires pour former l’Armée nationale afghane. "Nous voulons agir aussi agressivement et rapidement que possible pour bâtir une armée afghane qui soit capable de défendre son pays et de vaincre les talibans et Al-Qaida", explique un haut responsable de l’administration Obama.

En résumant, la totalité de la présence militaire américaine sera pratiquement doublée avec quelque 60 000 soldats, ils sont 38 000 aujourd’hui, auxquels s’ajouteront 30 000 soldats de pays alliés, essentiellement de l’OTAN.

En fait, en cette période de crise, Obama a tout compris, il va mettre moins de moyen et de fonds pour l’ensemble de la partie défense de son budget, mais en contrepartie il va s’appuyer sur ses alliés pour étendre son hégémonie dans le monde. Si sa politique est dans la continuité de celle de Busch, ce qui est indéniable, il en ressort qu’il est plus fin politique puisqu’il va arriver à ses fins en se servant des autres.

Et qui c’est qui est tombé dans le piège…

Il ne pouvait en être autrement, son incompétence se faisant chaque jour plus criante, il ne pouvait pas passer à coté d’une telle connerie qui va mettre la France sous la tutelle de l’Amérique. Ne rêvons pas, c’est bien de cela qu’il s’agit et le faux prétexte argumentant que cela permettrait de faire une défense européenne parallèle et clonique est de l’utopie, je dirais même une galéjade tant le propos est spécieux.

Malgré que Sarkozy est tenté de donner une explication très "occidentalistes" le 18 janvier devant le corps diplomatique, ce qui en a laissé beaucoup perplexes sur ses capacités à assumer la position de la France dans le monde, j’aurais pour ma part une explication plus simple. En effet, je pense que cela remonte à la petite enfance du guignol de l’Elysée qui lorsqu’il avait reçu à Noel sa première tenue de cow-boy s’était tellement identifié au personnage qu’il rêve encore d’être un Buffalo Bill chef incontesté des plaines de l’Ouest ! D’aucuns prétendent qu’il aurait gardé le costume qui lui sied encore car à l’époque on l’avait pris un peu grand, et qu’en l’enfilant une larme mouille légèrement sa joue. En fait, ce rapprochement avec l’Amérique c’est comme un retour en enfance.

Finalement, Obama a réussi son coup, et il ne serait pas étonnant que dans l’avenir de nouveaux contingents aillent se faire écharper en Afghanistan, ou ailleurs…

Nous revoilà revenu à une logique guerrière qui, si en France elle est le fait de Sarkozy par sa prise de position pro-américaine, est avant tout dans la continuité de l’hégémonie que veulent imposer les USA au reste du monde, cela étant piloté finement par un Obama qui n’est pas le petit saint à qui il cherche à ressembler…. Je honni cette Amérique là !

Pour conclure, un court passage de l’intervention de Jean-Pierre Lecocq à l’assemblée le 17 mars lors de la première séance, résumant bien la situation. :

« Ce qui est dangereux, c’est la logique véhiculée selon laquelle l’union de tout les peuples du monde étant surréaliste, il suffit de déléguer les droits à un club d’Etats qui se ressemblent dans la puissance, leur richesse et leur culture. Dans cette configuration, les Etats-Unis renouvellent plus que jamais une volonté d’hégémonie qui leur est indispensable de maintenir tant qu’une organisation de ce type entendra prendre la place qui devrait revenir aux Nations Unies. »

Et puis pour finir, le cri du pacifiste, car là est la seule vérité.

Savez-vous ce que recommandent aux vivants les morts ? Ces paisibles ombres ? La Paix…

Victor Hugo

http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

Messages

  • Pour complément de réflexion :

    La réintégration de la France dans l’OTAN

    Par Alex Lantier
    27 mars 2009

    Le 17 mars, l’Assemblée nationale française a voté par 329 voix contre 238 la confiance à la politique étrangère du président Nicolas Sarkozy et du premier ministre François Fillon. Ce vote incluait l’approbation du projet de Sarkozy d’un retour complet de la France dans le commandement militaire de l’OTAN. Cette décision annulera celle prise en 1966 par le président Charles De Gaulle de retirer les officiers français de plusieurs organes de commandement de l’OTAN.

    Bien que cette réintégration ait un caractère plutôt symbolique, la France ayant toujours participé aux opérations de l’OTAN (elle a envoyé récemment encore des milliers d’hommes en Afghanistan et dans l’ex-Yougoslavie), il existe néanmoins un vaste débat public quant aux messages politiques forts accompagnant cette démarche. Ce retour, de par l’acceptation par la France d’une OTAN dominée par les Etats-Unis et sa participation sans restriction à son commandement, associe publiquement la politique française à celle de Washington.

    Une partie considérable de la bourgeoisie française était opposée à cette mesure. Les intérêts stratégiques américains et français s’étaient affrontés dans le passé, en particulier en 2003 lorsque la France avait dénoncé aux Nations unies la guerre des Etats-Unis contre l’Irak. Tandis que les Américains restent populaires en France, le gouvernement américain et sa politique financière ne le sont pas : l’occupation américaine en Irak et en Afghanistan est très impopulaire et les Etats-Unis sont largement considérés comme l’épicentre de la criminalité financière qui a déclenché l’actuelle crise économique.

    Le premier ministre François Fillon avait annoncé le 5 mars qu’il demanderait aux députés un vote de confiance le 17 mars sur la politique étrangère de Sarkozy. En d’autres termes, un vote à l’Assemblée nationale contre la politique étrangère de Sarkozy aurait causé la chute du gouvernement et provoqué de nouvelles élections. Compte tenu de l’impopularité du gouvernement droitier de Sarkozy, cela semble être en grande partie une mesure pour s’assurer que la majorité conservatrice UMP (Union pour un mouvement populaire) à l’Assemblée nationale se rallie à Sarkozy. Sans quoi, elle aurait couru le risque de ne pas être réélue.

    Sarkozy, qui dès le début de sa présidence avait soutenu publiquement la réintégration dans l’OTAN, parle pour les parties de la bourgeoisie qui estiment que la crise économique et les problèmes grandissants de l’armée américaine représentent une menace telle à l’ordre mondial que la France se doit de maintenir une plus grande unité avec Washington dans le domaine de la politique.

    Sarkozy avait officiellement annoncé son intention de rejoindre totalement le commandement intégré de l’OTAN le 11 mars, lors d’un discours à l’Ecole militaire à Paris. Faisant allusion à la ligne Maginot, que l’armée allemande avait contournée lors de la conquête de la France en 1940, Sarkozy a dit : « Que serait une politique de défense française isolée, repliée sur elle-même ? Une nouvelle ligne Maginot contre les défis du monde moderne. L’assurance de la défaite. »

    Soulignant le fait que les Américains « sont venus nous sauver deux fois », il a dénoncé une politique qui consiste à ne plus passer d’accords avec les Etats-Unis comme de la « folie. » Remarquant que la position actuellement adoptée par la France n’était « pas comprise de nos alliés » en Europe, il a dit qu’au sein de l’OTAN, « la France doit codiriger plutôt que de subir. » Il a ajouté que les commentaires prétendant que le retour de la France à l’OTAN mettait en question son indépendance « insultent et choquent nos partenaires européens, nos alliés, en laissant entendre qu’ils ne sont pas indépendants. »

    Sarkozy a repoussé les accusations selon lesquelles la France s’engagerait, par une réintégration de l’OTAN, dans une « guerre des civilisations » entre les Etats-Unis et le monde musulman. De telles préoccupations sont particulièrement importantes parce qu’un grand nombre des principales anciennes colonies françaises (l’Algérie, le Maroc, la Syrie, etc.) font partie du monde musulman et que la plus grande partie de sa population immigrée est formée par des travailleurs musulmans hyper exploités.

    Il a crânement défendu le rôle joué par les membres de l’OTAN dans les guerres d’agression américaines en Yougoslavie, en Afghanistan et en Irak : « Quant à l’Alliance atlantique [autrement dit, l’OTAN], elle ne fait pas la ‘guerre des civilisations’. C’est l’OTAN qui a volé au secours des musulmans de Bosnie et du Kosovo, c’est une vérité, elle est historique, chacun peut la constater, contre l’agression de Milosevic. C’est l’OTAN qui défend le peuple afghan contre le retour des Taliban et d’Al Qaïda. » Contre toute évidence, malgré le fait que la guerre contre l’Irak ait été menée par les membres dirigeants de l’OTAN que sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie, Sarkozy affirma que la « guerre d’Irak n’a rien à voir avec l’OTAN. »

    Depuis l’annonce par Sarkozy le 7 février que « le moment est venu » d’expliquer aux Français l’importance des liens entre la France et les Etats-Unis, un nombre de politiciens en vue du Parti socialiste (PS), dans la gauche bourgeoise et de l’UMP conservatrice, le parti de Sarkozy, ont critiqué sa politique. Le PS a réclamé et obtenu un débat parlementaire sur la question. Les anciens ministres socialistes de la Défense Paul Quilès et Jean-Pierre Chevènement ont écrit des éditoriaux mettant en garde que la réintégration pourrait être un piège pour la France en cas de conflit motivé par des intérêts américains plutôt que français.

    Le 21 février, l’ancien premier ministre Alain Juppé (UMP) un associé du dernier président, Jacques Chirac, a écrit un éditorial dans Le Monde attaquant la politique de Sarkozy. Il avait remarqué l’absence fondamentale d’une politique européenne de Sécurité et de Défense et lança cet avertissement : « Conçue dans un contexte de confrontation entre les blocs, soviétique d’un côté, occidental de l’autre, elle [l’OTAN] doit aujourd’hui redéfinir sa raison d’être, ses missions, son territoire d’action. La vision qu’en a l’Amérique n’est pas forcément identique à celles des Européens, et notamment des Français. »

    Ce qui sous-tend les divisions existant au sein de la bourgeoisie c’est la conscience que la politique vis-à-vis de l’OTAN telle qu’elle est pratiquée par Sarkozy rapprochera davantage la France des Etats-Unis et ce, malgré le fait qu’aucun des conflits politiques qui avaient motivé le retrait de l’OTAN par De Gaulle en 1966 n’ait été résolu. Les raisons de celui-ci étaient très complexes. Si l’explication qui en est généralement donnée est que De Gaulle considérait le commandement intégré de l’OTAN trop aligné sur les intérêts stratégiques américains, sa décision avait aussi été le produit de l’animosité entre De Gaulle et Washington et elle était liée à des préoccupations relevant de la politique intérieure française.

    La décision de De Gaulle fut indubitablement influencée par des intérêts géopolitiques durables. Manifestement, c’était par crainte d’un éventuel changement de la politique américaine envers l’URSS en Europe qu’il voulait que la France développe une force indépendante de dissuasion nucléaire antisoviétique. De Gaulle espérait aussi qu’un arsenal nucléaire français donnerait du poids à l’argument que l’Allemagne n’avait pas besoin de force nucléaire propre et servirait à lier l’Allemagne plus étroitement à la France. De Gaulle redoutait également les conséquences de l’intervention militaire américaine à l’étranger, notamment au Vietnam, une ancienne colonie française ayant acquis son indépendance dans une guerre qui s’était achevée en 1954, à Dien Bien Phu, par une défaite humiliante pour la France.

    Du reste, de Gaulle n’oublia jamais, ni personnellement ni politiquement, l’opposition déterminée de Washington à sa carrière politique pendant la Seconde guerre mondiale. A l’époque, il dirigeait la « France libre » et coordonnait la résistance bourgeoise contre l’occupation nazie en France tout en luttant pour que la bourgeoisie française restât capable de sauvegarder un maximum d’indépendance vis-à-vis des alliés plus puissants Etats-Unis et Grande-Bretagne et de défendre les intérêts impérialistes français dans ses colonies d’Afrique et du Proche Orient. En cela, il s’était souvent trouvé en désaccord avec Washington.

    Dès le début de l’occupation nazie, Washington avait préféré traiter avec les autorités collaboratrices françaises de Vichy. L’amiral David Leahy fut envoyé à Vichy en tant qu’ambassadeur américain en France au début de l941. Une décision prise en 1942 par les Américains et les Britanniques de nommer l’amiral Jean-François Darlan, un ancien dirigeant de Vichy, à la tête des colonies françaises d’Afrique du Nord, après leur invasion par les USA et l’Angleterre et la victoire de ceux-ci sur l’armée allemande, avait rendue De Gaulle furieux. Après l’assassinat de Darlan, les Etats-Unis obligèrent de Gaulle à négocier un accord avec le général Henri Giraud, un autre responsable militaire favorable à Vichy.

    La « certaine idée de la France » que de Gaulle devait promouvoir après la Libération, le mythe d’un pays cultivé et humain et qui aurait résisté à la domination nazie jusque dans ses classes dirigeantes, dépendait d’une alliance avec la gauche bourgeoise et les staliniens français. Etant donné que l’écrasante majorité de la bourgeoisie française avait collaboré avec les nazis, De Gaulle s’était trouvé, malgré ses origines politiques conservatrices, obligé de s’associer à de nombreux politiciens bourgeois de gauche, y compris d’anciens ministres du Front populaire comme Pierre Mendès-France et Pierre Cot et le dirigeant de la résistance Jean Moulin.

    Afin de faire face au défi révolutionnaire de la classe ouvrière à la Libération, De Gaulle dut compter sur le Parti communiste français (PCF). Il comprenait que la politique de ce dernier, soutenue à la fois par les membres droitiers de l’appareil du PCF et par la direction stalinienne du Kremlin, était dirigée avant tout contre la révolution prolétarienne et favorisait la restauration de l’Etat-nation français. Il devait écrire plus tard dans ses mémoires à propos du PCF de cette époque, que ce dernier s’était, tout en renâclant, attelé à la tâche de faire advancer les ambitions nationales françaises et que sa tâche à lui avait été de tenir les rênes

    Puisant dans son immense prestige en tant que plus grand parti de la Résistance et représentant politique d’une URSS ayant joué le rôle principal dans la défaite militaire de l’Allemagne nazie, le PCF avait conduit la classe ouvrière derrière de Gaulle et l’Etat bourgeois français. Le PCF avait incorporé dans l’armée française des combattants de la résistance aux idées socialistes, avait dissous les comités ouvriers qui avaient pris la direction des usines au moment de l’écroulement du régime nazi et collaboré au rétablissement du contrôle des anciens propriétaires d’usines. En contrepartie, De Gaulle et la bourgeoisie française toléraient une situation sociale dans laquelle le PCF jouait un rôle majeur au sein des syndicats et de la politique locale d’après-guerre en France.

    De fortes tensions avaient existé entre les Etats-Unis et de Gaulle durant la période précédant le retrait de l’OTAN en 1966. Après le retour de De Gaulle au pouvoir en 1958 et durant la guerre d’indépendance algérienne contre la France, des rumeurs avaient persisté au sujet de l’implication de la CIA dans des complots contre De Gaulle, notamment dans le putsch des généraux pro-coloniaux de 1961. L’un des succès du retrait de 1966 de l’OTAN fut d’atténuer les conflits qui faisaient rage au sein de la bourgeoisie française elle-même ; comme le remarquait Le Monde dans un de ses récents articles, « d’où l’image, et aussi la réalité, d’une politique plus indépendante à l’égard des Etats-Unis faisant consensus à Paris. »

    L’opposition bourgeoise qui s’est manifestée contre l’actuelle proposition de Sarkozy est liée à des craintes que la révocation de la décision de De Gaulle n’entraîne la réapparition de conflits diviseurs au sein de la bourgeoisie française au sujet des relations avec les Etats-Unis, et dont les conséquences intérieures seraient incertaines. Aucun des différends stratégiques majeurs existant entre la France et les Etats-Unis et qui avaient motivé de Gaulle, à savoir les relations avec la Russie, la constitution d’un pôle européen indépendant, la crainte d’ interventions militaires concurrentielles dans d’anciens pays coloniaux, n’ont été résolus.

    La bourgeoisie française voit d’un œil plutôt réticent la politique menée tout récemment par les Etats-Unis dans l’ancien bloc communiste et notamment le fait que les Etats-Unis aient, en août dernier, encouragé le régime géorgien de Mikhail Saakashvili à attaquer l’armée russe en Ossétie du Sud. Tout comme la plupart des autres puissances européennes, la France est opposée aux projets américains de faire entrer la Géorgie et d’autres anciennes républiques soviétiques dans l’OTAN, ce qui l’aurait engagée l’année dernière dans une guerre contre la Russie en défense de Saakashvili. La mise en place d’un programme militaire européen indépendant, auquel Washington s’oppose sans bruit mais fortement, végète elle aussi. Des responsables français de la sécurité ont objecté que le retour de la France dans l’OTAN serait considéré comme une capitulation de la France à ce sujet.

    Le fait de lier publiquement la France à la politique américaine dégonflera le mythe de cette « certaine idée de la France » auquel De Gaulle et ses successeurs ont recouru pour obscurcir la conscience de classe en France, dépeignant l’impérialisme français comme étant, d’une façon ou d’une autre, une puissance qualitativement différente, plus humaine. La bourgeoisie française risque à présent d’être considérée par l’opinion publique comme le lèche-botte de Washington, en raison notamment de la forte opposition populaire à la participation française à l’occupation américaine en Afghanistan.

    Dans une interview publiée dans le magazine Marianne, le sociologue Emmanuel Todd a remarqué qu’en réintégrant l’OTAN au moment où les Etats-Unis s’embarquaient dans un projet de conquête du monde musulman, la France se « positionne dans une construction idéologique contre le monde musulman. Cette posture est d’ailleurs très cohérente avec le sarkozysme en politique intérieure… La recherche de bouc-émissaires, l’émergence d’une idéologie islamophobe et hostile aux enfants d’immigrés… ce n’est pas dans la nature de la France. Au final, les Français préfèrent toujours décapiter les nobles que les étrangers. »

    Comme Todd le suggère, l’expression publique des conflits en politique intérieure liés au départ de l’OTAN sous De Gaulle pourrait se révéler être de nature hautement explosive. La France réintègre l’OTAN au moment où son élite politique présente des dispositions qu’on associe traditionnellement à l’extrême droite et que le départ de l’OTAN était censé dissimuler. Sarkozy a remporté les élections en raflant les voix néo-fascistes du Front National (FN) par une campagne sécuritaire et dont la rhétorique fut reprise par sa principale adversaire Ségolène Royal, du PS. Sarkozy fut aussi le premier président à publiquement accueillir le dirigeant du FN, Jean-Marie Le Pen, au palais présidentiel de l’Elysée.

    Le meilleur résultat que cet épisode pourrait produire serait la réapparition d’une conscience de classe chez les travailleurs et les intellectuels, d’une approche de classe de l’Etat français, des enjeux de la politique étrangère et des crimes historiques de la bourgeoisie française.

    • Si j’adhère en grande partie au commentaire, cette prise de position : "cette réintégration ait un caractère plutôt symbolique", est pas à mon avis pas suffisament explicite sur le fait que l’auteur la considère comme une sorte de principe déjà efficient et maintenant officialisé. Ce qui n’est pas tout à fait exact. En effet, car elle est loin d’être symbolique dans la mesure ou tout simplement le coup financier va être plus important, ce qui n’est pas un détail. Mais surtout, appartenant au commandement intégré, il va être plus difficile de dire non aux désidératas américains.