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L’Unedic va mal et sa convention risque même d’être annulée.
Publie le mercredi 21 avril 2004 par Open-PublishingC’est la plus mauvaise nouvelle qui pouvait tomber pour le gouvernement et
les partenaires sociaux gestionnaires de l’Unedic : le chômage est plus
élevé que l’on croyait jusqu’à présent. Lundi, l’Insee a révisé, comme elle
le fait périodiquement, les statistiques du chômage. Il s’élevait à la fin
2003 à 9,9 % de la population active. Et, en février, il concerne encore 9,8
% des actifs, tout proche de la barre des 10 % que le gouvernement Raffarin
ne veut surtout pas atteindre. En fait, l’Insee a mieux compté les
« disparus » des statistiques, ces chômeurs qui renoncent à pointer à l’ANPE.
Et révèle que c’est la politique de l’emploi du gouvernement qui a creusé le
chômage, en faisant disparaître 100 000 emplois publics en 2003,
principalement des emplois jeunes. En regard, l’emploi privé s’est plutôt
bien tenu.
La révision des chiffres du chômage intervient alors que l’ensemble du
système de couverture des chômeurs français - Unedic, Allocation de
solidarité spécifique (ASS) et RMI-RMA - est en crise. Hier, Ernest-Antoine
Seillière, le patron du Medef, a révélé sa grande crainte : que la
convention de l’Unedic (assurance chômage) soit annulée le 7 mai par une
décision du Conseil d’Etat. Si celui-ci faisait droit aux associations de
chômeurs qui attaquent sur un défaut de procédure, l’Unedic ne pourrait ni
lever les cotisations, ni payer les prestations des allocataires. Un
scénario hypothétique, mais qui traduit le désarroi dans l’instance
patronale.
Plaintes. C’est peu dire que le patronat a du vague à l’âme depuis la
victoire des « recalculés » la semaine dernière devant le tribunal de grande
instance de Marseille. Les plaintes contre l’Unedic font boule de neige à
travers le pays, comme le montre l’exemple de Bordeaux (lire ci-dessous).
Hier, on apprenait que deux cents plaintes étaient prêtes à être déposées
devant les tribunaux de Colmar et Mulhouse (Haut-Rhin), Besançon et
Montbéliard (Doubs), et Belfort, pour « rupture de contrat ». Le Medef espère
que la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirmera le jugement de Marseille le
10 juin. Et que d’autres jugements attendus seront défavorables aux
chômeurs. « Mais nous sommes dans une situation juridique embarrassante et
confuse », convient Ernest-Antoine Seillière. L’affaire a pris une telle
tournure que plus personne au Medef ne se risque à prédire l’avenir de la
convention de l’Unedic, signée par trois organisations patronales (Medef,
CGPME et UPA) et trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC et CGC). Un membre
du Medef dit n’avoir qu’une seule certitude : « Quoi qu’il en soit, nous ne
pourrons pas retourner à la case départ... »
Refus. Le patronat ne veut pas entendre parler d’une renégociation de la
convention : « Tout le monde aurait à y perdre, explique Denis Gauthier
Sauvagnac, président de l’Unedic, les entreprises qui ne veulent pas
entendre parler d’une hausse des cotisations pour combler le déficit de 1 à
2 milliards (en plus des 7 milliards de déficits cumulés) que susciterait la
réintégration des recalculés dans leurs droits antérieurs, les salariés et
surtout les chômeurs à qui on réduira les droits. » Il refuse aussi de devoir
négocier sous la pression. Hier, Ernest-Antoine Seillière a fustigé le fait
que « les accords légitimes sont sans cesse remis en cause par la loi et la
rue et les juges ». Le message s’adressait aussi au gouvernement, qui presse
l’Unedic de revoir la convention spécifique régissant les intermittents.
Lundi soir, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture, jugeait que
l’accord de l’été 2003 « ne permet pas vraiment de répondre aux difficultés
structurelles rencontrées par l’assurance chômage pour ce secteur ». Le soir
même, la cérémonie des Molières était perturbée par les intermittents. Pour
le Medef, pas question non plus de retoucher l’accord « intermittents ».
« Catastrophe ». Les partenaires sociaux en sont-ils d’ailleurs capables ?
François Chérèque (CFDT) entrevoit dans une négociation une « catastrophe
pour les chômeurs », qui en serait aussi une pour son organisation, pivot des
accords avec le patronat, et qui avait assumé le discrédit suscité par
l’apparition des « recalculés ». Déjà, Jean-Luc Cazettes (CGC), pourtant
signataire de la convention de 2002, pose une condition qui semble
irréaliste : « Que la CGT et FO se mouillent et signent l’accord. »
Mais l’onde de choc ne se limitera pas aux partenaires sociaux. Le
gouvernement est lui aussi concerné, la crise de l’Unedic rejaillit sur sa
politique sociale. Sa réforme de l’ASS, aujourd’hui gelée par Jacques
Chirac, était présentée par François Fillon comme « la conséquence » des
décisions de l’Unedic.
C’est parce qu’elle faisait passer les « recalculés » à
la charge de l’Etat que le ministre du Travail de l’époque avait décidé de
réduire la durée d’indemnisation des chômeurs de longue durée bénéficiaires
de l’ASS. Il y voyait l’illustration de la « revalorisation du travail » chère
à la droite. Aujourd’hui, tout l’ouvrage est à remettre sur le métier par
Jean-Louis Borloo, successeur de Fillon. La révision pourrait aussi
atteindre le RMA (Revenu minimum d’activité), conçu comme débouché naturel
du chômage de longue durée. Sa gestion a été confiée aux départements mais
les présidents de conseils généraux d’opposition ne cachent pas leur
intention de ne pas appliquer ou d’amender sérieusement le dispositif.
Liberation