L’affaire Geremek et les dérapages polonais irritent les Européens

Plusieurs responsables politiques européens ont soutenu jeudi l’eurodéputé polonais Bronislaw Geremek, menacé d’être déchu de son mandat par un gouvernement polonais de plus en plus critiqué pour ses dérapages antisémites et homophobes.

Figure légendaire de l’ancienne opposition anticommuniste en Pologne, M. Geremek a été ovationné jeudi au Parlement européen à Strasbourg lorsque le président du Parlement, Hans-Gert Pöttering, a fait savoir qu’il examinerait "tous les moyens juridiques pour qu’il puisse continuer son travail". "Le gouvernement polonais n’aura pas la peau de Geremek", a assuré l’eurodéputé Vert Daniel Cohn-Bendit qui dénonce des "méthodes staliniennes ou fascistes".

La ministre française aux Affaires européennes Catherine Colonna a exprimé elle aussi son "soutien" à M. Geremek dans son bras de fer avec Varsovie sur une loi de "décommunisation" dont il conteste la légalité et à laquelle il refuse de se soumettre.
Plus prudente, la Commission européenne s’est estimée incompétente pour se prononcer sur cette loi qui exige des principaux responsables de la politique, de la justice, des médias et de l’éducation qu’ils déclarent sous peine de licenciement leurs collaborations passées avec les anciens services secrets communistes.

Ayant lui aussi refusé de s’y soumettre, Tadeusz Mazowiecki, premier chef de gouvernement de la Pologne démocratique d’après-1989, a perdu jeudi un poste honorifique au sein du comité d’octroi de l’Ordre de l’Aigle blanc, la plus haute distinction polonaise. Pour de nombreux députés, l’"affaire Geremek" n’est qu’une preuve de plus des écarts anti-démocratiques du gouvernement Kaczynski, qui s’est aussi avéré un interlocuteur difficile et souvent imprévisible dans la recherche de compromis au sein de l’Union européenne. Les jumeaux Kaczynski ont constitué "un pouvoir nationaliste qui tourne le dos à ce qu’est l’essence de l’Europe et à ses valeurs", souligne ainsi l’eurodéputé socialiste français Pierre Moscovici.

Mercredi soir, les députés ont ainsi fortement critiqué lors d’un débat la proposition d’un membre du gouvernement polonais de faire une loi menaçant de prison les enseignants ouvertement homosexuels — débat qu’une grande partie des députés polonais ont ostensiblement boycotté. Dans une résolution adoptée jeudi, les députés ont averti Varsovie que ce projet serait contraire aux traités européens. Une initiative immédiatement jugée "discutable" par le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski, qui a répété son soutien à cette proposition. Maciej Giertych, un eurodéputé polonais d’extrême droite membre de la Ligue des Familles polonaises, avait également provoqué l’ire de la plupart de ses collègues en publiant en mars une brochure antisémite estampillée du logo du Parlement. Cela lui a valu un blâme de la présidence du Parlement.

Cet eurodéputé dont le fils est vice-Premier ministre du gouvernement Kaczynski affirmait notamment qu’il n’y avait pas d’entente possible entre "civilisations" juive et chrétienne. M. Giertych vient de récidiver en publiant, toujours avec le logo du Parlement, une brochure où il estime que l’homosexualité est "réversible" avec une thérapie et qu’il faudrait "interdire" les parades gay "de même que les parades de fornicateurs".

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