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L’appel à l’aide des détenus des prisons de France
Publie le lundi 23 octobre 2006 par Open-Publishingde Sophie Bouniot
Droits de l’Homme. Hier, l’Observatoire international des prisons (OIP) a rendu public les résultats de la consultation lancée en juin au sein du monde carcéral.
La parole enfin donnée aux sans-voix, comprendre dans le cas présent, aux quelque 56 000 détenus actuellement écroués dans les prisons françaises. En juin dernier, via les représentants du médiateur de la république, un questionnaire a été distribué, sur papier et en main propre aux détenus, dans le cadre des États généraux de la condition pénitentiaire (lire l’Humanité du 26 mai dernier).
Résultat (inespéré), 26 % des prisonniers ont répondu. Mieux : « On aurait pu s’attendre à une parole violente, il s’agit au contraire d’une parole responsable et citoyenne », a souligné, hier, lors d’une conférence de presse, Gabriel Mouesca le président de l’Observatoire international des prisons (OIP), à l’initiative de cette démarche historique. Le 14 novembre prochain, un cahier de doléances rédigé sur la base de cette consultation sera rendu public puis soumis aux candidats à la présidentielle.
appel à la solidarité
L’occasion de mettre la condition carcérale au sein du débat politique est immense et le parrain de l’opération, Robert Badinter, ne s’y trompe pas : « L’insatisfaction est forte et les perspectives sont réelles, il y a eu beaucoup d’enquêtes dans l’histoire pénitentiaire, mais rien de comparable à ce que souhaitent les détenus. » Loin d’être « un cri de révolte, c’est une sorte d’appel à la solidarité avec eux », souligne encore l’ancien président du conseil constitutionnel. Cinq mille questionnaires ont été analysés par l’institut de sondage BVA, partenaire de ces États généraux. Que montrent-ils ? D’abord que les détenus ont largement saisi cette occasion de s’exprimer : plus d’un sur quatre a répondu, quand chez les acteurs du monde pénitentiaire, le taux de réponse n’est que de 5 % à 10 %, qu’il s’agisse des travailleurs sociaux, du personnel soignant, des familles de détenus, des avocats ou des magistrats. « Une preuve du peu de préoccupation sur la question, commente Côme Jacquemin, du Syndicat de la magistrature. Les magistrats ne sont absolument pas sensibilisés dans leur formation. »
Surveillants muets
Mais le bonnet du plus mauvais sondé va sans conteste aux surveillants : seulement 262 des 23 256 employés dans les prisons françaises ont daigné renvoyer le questionnaire dûment rempli. « Des consignes ont été données, explique un syndicaliste de la pénitentiaire. Certains ont prétexté qu’on entendrait que les détenus et leurs critiques à l’égard des surveillants et ils ne l’ont pas accepté, d’autres ne veulent pas critiquer l’administration pénitentiaire. »
Reste les détenus qui, sans surprise cette fois, se déclarent insatisfaits à 82 % de leurs conditions de détention : promiscuité, saleté, coût de la vie en prison. Et de réclamer des conditions d’hygiène et d’intimité minimales, comme des sanitaires fermés, des douches ou l’encellulement individuel. Autres priorités, le droit à un travail rémunéré et la préservation du lien familial. À la dernière question ouverte, « qu’attendez-vous d’une réforme des prisons ? » 24 %, soit la majorité, a répondu : « changer le regard de la société et mobiliser la classe politique sur la question carcérale. »
http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-10-21/2006-10-21-839077