Accueil > L’esprit de résistance s’exprime au pied du Vercors
de Jean-Paul Piérot
Devant quinze cents personnes réunies à Grenoble, jeudi soir, Marie-George Buffet a proposé le droit d’ingérence des syndicats sur la gestion des entreprises.
Grenoble (Isère), envoyé spécial.
Avant d’atteindre le Summum, grande salle grenobloise qui accueille habituellement des concerts mais où ont pris place ce soir-là plus de 1 500 personnes pour entendre Marie-George Buffet, on passe devant l’usine Hewlett-Packart. HP, dont la direction, l’an dernier, on s’en souvient, se livrait à un terrible chantage à l’emploi et à l’augmentation du temps de travail. Ce fut un choc considérable pour des informaticiens qui n’avaient pas imaginé qu’un groupe aussi florissant, ayant touché des fonds publics, les considère comme des variables d’ajustement pour augmenter les dividendes des actionnaires.
La secrétaire nationale du PCF, qui effectuait jeudi à Grenoble son étape rhônalpine de la série de meetings qu’elle poursuit à travers la France, était donc ici encore moins qu’ailleurs en terre inconnue. Elle avait rencontré les salariés d’HP, défilé à leurs côtés. Et il était bien naturel que l’un des leurs, Christian Barsotti, délégué syndical CGT, fût parmi ceux qui vinrent témoigner contre une politique gouvernementale encourageant les ravages sociaux. « Le patronat exploite. Villepin est complice », accusera plus tard la dirigeante communiste. Marie-George Buffet s’était rendue dans la métropole iséroise à deux autres occasions : en 2004 aux états généraux de la recherche, en plein mouvement des chercheurs, puis au printemps dernier, à l’occasion d’un grand rassemblement pour le « non » au référendum sur la constitution européenne. La recherche revient au premier plan de l’actualité avec l’examen du projet de loi qui lui est consacré, occasion pour l’oratrice de fustiger un texte qui met « les équipes de chercheurs en concurrence », qui « brise la dynamique scientifique » en soumettant la recherche au profit.
Les références à la victoire du « non » au projet Giscard ont été nombreuses au cours de la soirée. Ainsi la porte-parole du collectif du 29 mai, Marie-Noëlle Gagnepain, de souligner que le combat contre le libéralisme européen se poursuit (plusieurs milliers de cartes pétitions contre la directive Bolkestein adressées à Jacques Chirac). Le rassemblement des citoyens qui s’est construit autour du « non » de gauche, en dépit de la chape de plomb des médias et de la campagne du « oui » de la direction socialiste et des Verts, demeure une source d’espoir, la preuve que l’on peut bâtir une majorité « en déplaçant le curseur dans le sens de l’antilibéralisme », selon les termes de Marie-George Buffet. Ce qui s’est vérifié lors du référendum peut l’être également en 2007.
C’est finalement la condition pour que la droite soit battue et que la gauche réussisse. Qui nécessite, martèle de meeting en meeting Marie-George Buffet, un débat public entre formations de gauche et avec les citoyens sur le contenu d’une politique alternative. « Si on riposte tous ensemble à la politique de la droite, si on débat ensemble dans chaque ville, on pourra gagner », estime la secrétaire nationale du PCF. Cette urgence sociale était très fortement exprimée à Grenoble. Par le représentant de la CGT de Schneider Electric, Jo Cupani, qui a relaté l’occupation du site par les informaticiens pour la défense de leurs emplois. Par Fred Vivancos, délégué syndical CGT de Polimeri, de Champagnier, usine fermée depuis septembre avec 250 licenciements à la clé. La direction a quitté les lieux et les salariés assurent depuis la sécurité de l’usine. Ils ont élaboré un projet de reprise de l’activité. « Après six mois de résistance, nous avons besoin des salariés mais aussi des élus qui veulent une autre politique économique », a lancé Fred Vivancos.
Face à cela, la gauche ne doit pas se payer de mots sur la « rupture » sans en préciser le contenu. Marie-George Buffet a appelé à une démarche à la fois offensive et précise en matière de politique alternative. Elle a notamment proposé la mobilisation d’un pôle bancaire public pour le développement industriel et l’emploi. Évoquant les mensonges du gouvernement dans l’affaire GDF-Suez, la dirigeante communiste s’est prononcée pour la renationalisation de toutes les sociétés que la droite a privatisées et l’extension du service public sur l’eau, le logement, les médicaments, la recherche. Les licenciements boursiers et les délocalisations, y compris en matière de haute technicité, dénoncés par les militants des entreprises, justifient la proposition énoncée par Marie-George Buffet d’une loi permettant « l’ingérence » des syndicats dans la gestion des entreprises, c’est-à-dire leur donnant les moyens de bloquer une décision et de présenter un plan alternatif à des licenciements ou à une fermeture. La dirigeante communiste a également exigé que la gauche s’engage à abroger toutes les lois liberticides de la droite et donne enfin le droit de vote aux résidents étrangers. Une démarche résolument offensive pour un Parti communiste « entré en résistance et qui veut rouvrir la porte de l’espoir ».