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L’explication de la nouvelle annonce obscène de Sarkozy

Publie le vendredi 15 février 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Mais quelle mouche a bien pu le piquer ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la décision surprise décidée par Nicolas Sarkozy au sortir du repas au CRIF ne laisse personne indifférent, y compris le principal concerné au départ, Richard Prasquier, le nouveau dirigeant du Conseil représentatif des institutions juives de France, prévenu à peine quelques heures avant. Mais il n’est pas le seul : ce soir tout le monde se demande quelle mouche a bien pu piquer Nicolas Sarkozy. Une mouche étrangère ou une mouche française ?

La question que se pose tout le monde, c’est d’où peut bien venir cette idée saugrenue ? De Serge Klarsfeld, qui l’a aussitôt démentie ? De Xavier Darcos, qui se voit refiler le bébé en forme de patate chaude ? Ou de Simone Weil ? Même pas. Elle vient d’une certaine manière aussi de... Jack Lang... alors ministre de l’Education, qui avait rappelé dans le Bulletin officiel du 14 février 2002 (hors-série n° 1) : que « L’extermination des Juifs par les nazis : un crime contre l’humanité » devenait "obligatoire à partir du CE2, et devait être étudiée au moins dans l’une des classes du cycle 3 (CE2, CM1 ET CM2)". Officiellement, mais en réalité le texte était fort peu appliqué, ce qui a conduit certains organismes ou certaines autorités à tenter d’appliquer la directive d’une autre manière, ce qui a provoqué la colère d’associations juives.
Pour beaucoup d’observateurs, l’homme qui est le seul capable d’être à l’origine de cette nouvelle façon fort particulière d’envisager l’apprentissage de la Shoah ne peut être que le même qui dans ses discours s’est efforcé de récupérer une autre mémoire, celle de Guy Moquet. A savoir l’ineffable Henri Guaino, qui n’en finit pas de provoquer des remous avec ses idées saugrenues et provocatrices. En annonçant sa surprenante décision, Nicolas Sarkozy s’est transformé en VRP de la mémoire de la Shoah, vue par le petit bout de la lorgnette d’une pédagogie fort discutable. Car cette annonce est corroborée ce mois-ci par toute une série d’activités lancées par un organisme d’obédience juive très spécial, qui laisse supposer que l’annonce n’est ni fortuite ni du seul fait du président. Mais de celui de ses conseillers, parmi lesquels obligatoirement des gens très proches d’Israël. Obligatoirement, comme nous allons l’expliquer plus en détail ici-même.

Nous avons donc tenté de retrouver d’où pouvait venir cette idée et surtout cette insistance auprès des plus jeunes. C’est un pur produit d’importation... israélien, ramené au départ il y a quelques années en Europe par un chercheur suisse du FNRS (Fond national de la recherche scientifique), situé à Genève, qui s’occupe de Sciences humaines et sociales. Une dame habitant le petit village de Veigy-Foncenex qui est également "Expert au conseil de l’Europe" : c’est Fabienne Regard. Qui se présente aussi d’ailleurs comme "historienne du judaïsme". Elle a écrit en effet plusieurs ouvrages dans son pays : La Suisse, paradis de l’enfer ?, mémoire de réfugiés juifs et le fruit d’une recherche sur les souvenirs oraux. Un ouvrage qui a recueilli, entre 1985 et 1994, la parole de presque deux cents réfugiés juifs en Suisse au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle a aussi écrit "Mémoire d’une suisse en guerre, la vie malgré tout", sur le mode de vie de la période. Et participé à un bon nombre de conférences à travers le monde.

Lors d’un mini-séminaire organisé en France en IUFM, à Belfort, en 2005, déjà, elle avait expliqué les avantages des séminaires "Yad Layeled", du nom donné au "Musée des combattants des ghettos" (Beit Lohamei Haghetaot). Un ouvrage créé en Israël en 1995, situé en Galilée occidentale, entre Acre et Nahariya. Un ensemble qui s’est donné comme "mission", je cite, "de transmettre la mémoire de la Shoah et de la résistance, de raconter l’histoire du peuple juif au XXe siècle, en général, et durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier ; au centre de cette histoire : la résistance juive sous toutes ses formes." Jusqu’ici pas de références particulières aux enfants et aux plus jeunes.

Or, dans ce centre, on trouve justement ces fameuses "activités pour les scolaires du CM2 à la 4e", et la découverte du "Korczak des enfants" ainsi qu’une pièce de théâtre, La Poupée de tante Lily, tous destinés à un très jeune public. Sur les photos du site concerné, on voit en effet des petits bambins de CM2, voire plus petits encore, écouter une enseignante ou une comédienne raconter une histoire. Au mini-séminaire de l’IUFM, on rappelle la méthode et on évoque la question fondamentale du jour : "A partir de quel âge parle-t-on de la Shoah ?" Ce à quoi Fabienne Regard répond : "En classes de CM2 ont été menées de nombreuses expériences extrêmement concluantes". Rien de scientifique là-dedans, mais notre chercheur n’en a cure semble-t-il, ce qui compte c’est de convaincre du bien fondé de l’explication dès le plus jeune âge. Le procédé est tendancieux, car rien ne permet de parler d’efficacité réelle de cet enseignement.

Le "Korczak" fait référence au Dr Janus Korczak, un admirable pédiatre polonais qui était, avant la guerre, la personnalité scientifique la plus respectée dans le domaine de l’enfance. Il fut exterminé à Treblinka, avec les enfants du ghetto de Varsovie qu’il n’avait pas voulu abandonner. L’homme qui prônait avant tout le respect de l’enfant se retrouve bel et bien aujourd’hui manipulé par des personnes qui semblent avoir oublié ces préceptes de respect du monde de l’enfance, et avoir oublié les droits de l’enfant pour lesquels il s’est battu. Un homme qui avait réussit dès 1925 à mettre en place dans son orphelinat une "république d’enfants" pratiquant l’autogestion... que l’on retrouve plus tard comme organisation des adultes en Israël dans les Kibboutz. En août 2007, le premier article sur Korczak sortait dans Le Monde de l’éducation n° 360, intitulé Une autre école est possible. L’interview qui sert de charpente à l’article vient de... Suisse. Cet été, beaucoup d’associations Korczak européennes se sont élevées... contre les expulsions d’immigrés décrétées par Nicolas Sarkozy !

Pour convaincre davantage, notre chercheur donne plus loin d’autres précisions : "Il n’est pas question de présenter le point de vue nazi, l’iconographie de l’horreur. L’approche Yad Layeled, Les Enfants de la Shoah parlent aux enfants d’aujourd’hui, permet aux enseignants d’aborder ce sujet sans crainte de traumatiser leurs élèves". On peut se demander comment : "Le matériel pédagogique sous forme d’une mallette La Shoah et l’enfant, la formation d’une semaine pour des enseignants francophones proposée au kibboutz des combattants des ghettos en Galilée sont des outils très utiles à des formateurs qui ne peuvent pas être spécialistes en tout". On reste un peu dubitatif sur la démarche : faire le voyage en Galilée pour aller chercher une simple mallette éducative ? Drôle de proposition !

Heureusement, on apprend quelques pages internet plus loin que la fameuse mallette est également distribuée par "Yad Layeled France" depuis 2000 et a été actualisée en 2004, un organisme "proposant la mallette pédagogique L’Enfant et la Shoah qui est destinée aux enseignants et à leurs élèves dès le CM2." Ce simple matériel pédagogique se résumant à une mallette est soutenu en France par le CIDEM, où on trouve comme par hasard en première page "La Journée du souvenir de Guy Moquet"... une page préfacée par Raymond Aubrac.

En fait, l’organisme très particulier forme des enseignants, mais pas en France ! "La formation d’une semaine pour des enseignants francophones proposée au kibboutz des combattants des ghettos en Galilée sont des outils très utiles à des formateurs qui ne peuvent pas être spécialistes en tout". Aller dans un kibboutz pour apprendre une forme de pédagogie ? Et en ramener une simple mallette ? Pas la peine se dit-on : la branche française du Yad Aleyed existe et distribue la mallette. Oui, mais justement elle ne fait pas dans la pédagogie, mais dans d’autres organisations : "Yad Aleyed France annonce qu’il ’participera le 20 février prochain au grand concert des 60 ans d’Israël, à la maison de l’Unesco, à Paris’ sous la présidence de Simone Weil", précise l’invitation. A la fin de l’annonce pour le concert (prix des places : 250 €, 100 €, 60 €, 25 €), un texte annonce à nouveau la couleur :

"L’association des amis de Yad Layeled a été créée en France pour encourager la pédagogie novatrice de Yad Layeled, musée-mémorial inauguré en 1995 en Galilée sur le campus de la Maison des combattants des ghettos - Beit Lohamei Haghetaot. Yad Layeled France conçoit et diffuse des outils permettant d’aborder l’histoire de la Shoah en milieu scolaire, dès le CM2 (mallette pédagogique, séminaire pour enseignants, expositions)". Notez la "pédagogie novatrice" évoquée, celle concernant en fait... les tout-petits. L’idée de la mémoire de la Shoah en CM2 provient donc bien de là, et de là précisément, Nicolas Sarkozy ne l’a pas sortie de son chapeau !! On lui a simplement ajouté un volet "nom associé" qui lui fait référence à autre chose, la recherche des noms de victimes de l’holocauste, réalisée au Yad Vashem, le musée de l’holocauste. Son association française a pour dirigeants Simone Weil et Elise Wiesel, mais aussi... Richard Prasquier, dirigeant du CRIF. Pour les préparatifs du 60e anniversaire, les préparatifs vont bon train. Sur un autre forum de l’UEJF, en effet, on cherche deux étudiants pour distribuer des flyers pour ce prochain concert. Pour ceux qui le désirent encore, un séminaire pour enseignants est en cours d’organisation pendant les vacances scolaires, ici, en février 2008... il se tient... à Saint-Jean-d’Acre ! En Galilée ! "Il intéressera aussi les pédagogues qui souhaitent acquérir des outils pour aborder l’histoire de la Shoah avec de jeunes enfants", dit encore Yad Layeled. "Ce séminaire se déroule dans les meilleures conditions possibles, au Kibboutz des Combattants des ghettos, sur un site magnifique à 3 km de Saint-Jean-d’Acre. Animé par les meilleurs spécialistes, historiens et chercheurs." On n’en sort pas. Ou plutôt on se retrouve à chaque fois à Saint-Jean-d’Acre.

A la lecture de tout cela, on s’aperçoit bien que Nicolas Sarkozy n’a été cette fois-ci que l’instrument d’un organisme désireux de vendre des moyens pédagogiques plus que contestables, sinon surréalistes, avec ces voyages obligatoires en Israël, et des affirmations gratuites sur l’efficacité pédagogique finale. Le président du CRIF jurant ses mille dieux qu’il n’y est pour rien, les regards se tournent vers ceux qui auraient pu entendre les sirènes de simples vendeurs, et non d’un réel projet pédagogique. Insister autant sur la notion d’âge minimum pour évoquer la Shoah n’est donc pas issue d’une génération spontanée : d’aucuns y ont intérêt, et un intérêt financier à l’entreprise. Comment peut-on en arriver à pareille aberration ? Comment peut-on aller aussi vite en besogne pour ces questions si fondamentales sur l’apprentissage de la Shoah auprès des jeunes esprits ? Qui a bien pu se faire avoir à ce point ? Se faire autant embobiner ? Qui a fait pression sur la présidence pour en arriver là ? Le mystère reste entier, même si ce soir on tient un bout de l’iceberg avec le rôle inquiétant tenu par Yad Layeled France auprès du président ou plutôt de ses proches conseillers, dont Henri Guaino ?

L’histoire nous dira plus tard comment on en est arrivé là. Une autre histoire nous apprend que les gens qui ont fait la publicité à l’organisme dénoncé ne sont pas exempts de tout reproche. Leur probité même est sujette à caution. La dame venue de Suisse qui prône autant dans les IUFM français les vertus pédagogiques de Yad Layeled pouvait donc passer pour quelqu’un de digne de confiance. Or, en cherchant un peu, on découvre qu’elle n’est pas seulement intéressée par la mémoire de la Shoah. Depuis plusieurs années, elle dirige un autre séminaire en Suisse, "S’envoler sans s’affoler", qui consiste à apprendre aux gens... à ne plus avoir peur de prendre l’avion ! Un séminaire plutôt lucratif, une "Initiative privée", précise le forum qui révèle l’affaire, qui "bénéficie de la collaboration de Swiss, de l’Aéroport international de Genève et de Skyguide". Et qui réclame 8 fois par an, 990 francs suisses par tête de pipe (vol compris, soit 569 euros !) autrement dit de l’or suisse en barres. Une activité qui me semble loin d’être celle d’un chercheur, et tout aussi éloigné de sa vocation à vouloir faire comprendre la Shoah à des enfants de CM2, chose que beaucoup de psychologues et de spécialistes du monde de l’enfance trouvent néfaste. Cette histoire ne tient pas debout, à se demander qui a cherché à déstabiliser qui, ou pire encore elle révèle la dangerosité d’un conseiller auquel Edouard Balladur avait conseillé de ne pas se fier. La décision prise trop rapidement et sans aucune concertation préalable met un président affaibli dans un nouveau pétrin dont il aurait pu facilement se passer. Ce soir, on relève encore une fois sa précipitation et son inconséquence, sur les sujets les plus frivoles comme sur les sujets les plus graves. Et celui de la Shoah n’est pas à prendre avec autant de légèreté. Et encore moins avec un tel esprit partisan.

Source : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=35995

Messages

  • A force de se mettre dans la m..... il va bien finir par se noyer.

    Enfin Mme VEIL a fini par réagir contre les conneries de celui qu’elle avait soutenu durant la campagne présidentielle ; allant même jusqu’à dire que BAYROU était le pire de tous.

    BAYROU pire que LE PEN faut pas déconner tout de même Simone.

  • Beaucoup de bruits pour rien ...

    je suis passeur de memoire depuis 1999 et j’avoue mes interrogations sur ce brouhaha.
    Vos cheres petites blondes ne risquent ni traumatisme, ni cauchemar en tout cas pas jamais rencontree dans ma petite carriere de raconter des histoires d’enfants de la shoah ... Korzjak est mon pere spirituel et les enfants meritent toute mon attention. Les dessins apres les histoires racontees sont pleins de couleurs, pleins de vie.
    Le moment plus beau est :
     Bon maintenant vous allez courir dans la cour et hurlez que vous etes vivants... Pour celui qui n’a jamais vecu ce moment ou ils se retournent et foncent sur vous, vous embrassent, vous serrent dans leurs bras, vous ne pouvez pas comprendre.

    Par contre, je pleure souvent sur la condition humaine et les societes qui peuvent provoquer de telles monstruosite car que penser du vendeur d’aspirateur Adolf Eichmann devenu le maitre d’oeuvre de la solution finale ?...
    La shoa est porteur d’espoir, de citoyennete, il suffit de savoir la raconter ...

    Il y a plus de 10 ans, je me suis assise dans une classe de Yad Vashem et de Beit Lohamei Hagetaot ( pres de Saint d’Acre) et savez-vous ce que j’ai fait en rentrant ? je suis allee m’occuper des gosses des cites Hlm, j’ai monte un programme culture, citoyennete , j’ai discute avec les collectifs palestiniens sur des solutions, defendu le droit des tibetains,j’ai milite socialement avec une energie que je ne me connaissais pas.
    Je me suis battue pour la Democratie et l’Humain
    Et si Hitler avait deteste les protestants ? les musulmans ? nous ferions la meme chose, nous raconterions raconterions pour ne plus voir se reproduire cette chose.

    L’etude de la shoa m’a donne une nouvelle citoyennete, celle du monde, elle m’a appris a ecouter et a poser un regard different sur les gens. Elle fait de moi un Etre Humain Citoyen responsable.
    Les jeunes des lycees professionnelles ont recu 5 sur 5 mon message, je me bats pour vous mais votre devoir c’est de vous battre pour ma fille... Combien sont alles faire les demarches pour s’inscrire sur les listes electorales ? Beaucoup ...

    le tout est de savoir raconter, d’avoir beaucoup d’amour a donner ... Et si nous donnions une chance au 21 eme siecle d’etre spirituel plutot que communitariste ?

    • Questions : le génocide est le produit d’une TERREUR ÉTATIQUE. Un génocide risque-t-il de se reproduire en France ? Contre les juifs ? Pourrait-il se produire contre un autre groupe de population ? Si c’est le cas, en quoi, parler uniquement de la Shoah pourrait-elle être un apprentissage qui protègerait "les autres" contre un génocide ?

      À quoi tout cela rime-t-il ?

      En outre, l’article ci-dessus démontre que même la mallette est conçue par des gens ayant des liens en Israel, qui, de surcroît, se font du pognon avec ce projet (avec études en kibboutz !!!) : on se fout vraiment de la gueule des gens car cette démarche suppose que l’on ne fait pas confiance aux cadres de l’éducation français qui préparent les programmes pour les élèves.

      Alors, remballez la propagande !