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L’inquiétant Monsieur de Villepin et notre cocotte-minute

Publie le mercredi 9 novembre 2005 par Open-Publishing

Il n’a jamais été élu. Il a été le théoricien d’une dissolution de convenance. Il gouverne par ordonnances. Et maintenant, il s’apprête à activer la loi de 1955 sur l’état d’urgence. Cette loi n’a jamais été utilisée en métropole depuis la guerre d’Algérie. Pas même en mai 1968 ! Sans parler du fait que réactiver un dispositif qui date de cette période tragique de notre histoire, quand on connaît la blessure qu’elle suscite aujourd’hui chez les enfants d’immigrés, blessure symbolique, mais aussi blessure concrète au quotidien, est vraiment d’une arrogance ou d’une inconscience désarmante ? Compreenez bien ces lignes.

Rien dans ce que vous lisez ici n’est prétexte démagogique à justifier qu’on brûle les voitures des pauvres, qu’on brûle les écoles maternelles publiques, encore moins qu’on mette en danger la vie des gens. Mais le péril dans les moments de crise, c’est qu’on porte à son paroxysme une lecture moralisante des événements de ladite crise, et que l’on interdise une vision plus froide et mesurée. Quand Nicolas Sarkozy insulte la jeunesse, il a table ouverte pour venir préciser sa pensée le lendemain, rasé de près, sur les plateaux télé. Expliquer doctement que bien sûr, il ne met pas tout le monde dans le même sac. Il sait très bien que ce qu on retiendra c’est l’image choc, mais pourra néanmoins protester de la subtilité de sa pensée.

Croit-on qu’un jeune qui brûle une voiture n’aurait pas, si on lui donnait quinze minutes d’antenne, la même capacité de concéder que son acte était excessif et condamnable (Nicolas Sarkozy, lui, n’a rien concédé ?et c’est pourtant ce que demandent explicitement les jeunes, un mot "d’excuse", un simple mot !), mais que la violence qu’il subit lui-même, parce que notre société ne se dresse pas comme un seul homme pour lui donner la place qu’il mérite comme chacun, ne se dresse pas comme un seul homme pour dire qu’un employeur raciste, au XXIème siècle ça doit aller directement en prison ferme, parce que notre société ne se dresse pas comme un seul homme quand elle voit, à 7 à 8 sur TF1 il y a une semaine, des policiers dire à plusieurs reprises à des jeunes parfaitement calmes qu’ils vont les envoyer dans un transformateur EDF s’ils persistent à demander à être vouvoyés et pas tutoyés, et précisent explicitement que "plus les cités flambent, mieux c’est pour eux même" (les policiers), que cette violence là qu’il subit lui-même, et qui se concentre dans un cocktail molotov, elle mérite peut-être qu’on se réveille tous un peu ? Qui arrêtera de parler d’intégration à des jeunes qui sont aussi Français que quiconque et attaquera en diffamation ceux qui parlent de hordes étrangères à leur propos ?

Qui leur dira que puisqu’ils font partie de la communauté nationale, ils n’ont pas à y être admis, ou pire tolérés, mais qu’ils sont indispensables à cette communauté, et que chaque instant qui passe sans qu’ils aient ce sentiment d’être indispensables parce que tout l’effort de la Nation n’est pas concentré sur cette priorité absolue, chacun de ces instants est une honte et une insulte pour chacun d’entre nous tous ?

Et qui pour leur dire que ce désordre qui nous sert le coeur, parce qu’il fait mal a des gens simples, mais parce qu’il nous renvoie tous à notre politique de l’autruche, ce désordre les dessert ? Auront-ils noté comme moi que l’inquiétant Monsieur de Villepin, hier soir sur TF1, empêtré dans une prose pathétique, n’a pas eu un mot de mise en garde, voire a presque adoubé la formation des "groupe de citoyens", prélude à des milices autorisées dans ces quartiers ?

Et dernière question : pourquoi, alors que les cités flambent, ne sait on toujours pas , 12 jours après, avec précision, pourquoi deux enfants se sont précipités dans un local EDF dangereux et pourquoi une grenade lacrymogène appartenant aux CRS s est retrouvée dégoupillée si près d’une mosquée qu’une salle de prière a du être évacuée ? Pourquoi ? Pourquoi ? qu’y a-t-il de plus urgent aujourd’hui ?

Spectacularisation de la politique, qui tend à nous transformer, nous qui sommes "à l’abri" loin des cités ou s’exprime aujourd’hui cette violence, en doctes juges moralisateurs, plutôt qu’à mettre les mains dans le cambouis de la réalité. Éloignement des politiques, mépris de la diversité de notre pays, absence de responsabilité politique, discours déconnectés, fanfaronnades qui remplacent l’action, absence de représentativité. Tous ces mots nous les connaissons. Ce dont nous prenons conscience aujourd’hui plus que jamais, c’est qu’ils sont dans une cocotte minute. Et que la société, moi, vous, et ceux qui nous représentent, avons allumé le gaz dessous.

Citoyens, soyons vigilants