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L’univers impitoyable des Assedic de Paris

Publie le samedi 6 août 2005 par Open-Publishing
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Un thriller social pour décrire l’univers impitoyable des Assedic de Paris
de Anne-Lise Defrance

Refuser la liberté.

Choisir volontairement l’internement en hôpital psychiatrique : "Je ne veux pas sortir. Je suis bien ici." Tout pour ne pas retourner là-bas, aux Assedic. Tout pour ne pas retrouver "des gens qui sont capables de descendre leur plus proche collègue pour toucher leur salaire sur quatorze mois et demi" .

Dans Notre aimable clientèle , Emmanuelle Heidsieck, journaliste spécialisée dans les questions sociales et ancienne collaboratrice du Monde Initiatives , met en scène un employé des Assedic, alors que son antenne est en pleine restructuration. Révolution des méthodes de travail, changement de la culture d’entreprise, surveillance informatique, l’auteur passe au crible l’arrivée de nouveaux procédés calqués sur le monde anglo-saxon de la finance.

Robert a 42 ans et vingt d’ancienneté comme "technicien expérimenté fonction allocataire" (comprendre liquidateur à l’accueil) dans le service public. Mais voilà, le service n’est plus si public et les demandeurs d’emploi ne sont plus des chômeurs, mais des clients. Le héros d’Emmanuelle Heidsieck est loin de l’époque où il distribuait des tickets de métro à ceux qui en avaient besoin. Désormais l’heure est aux radiations et aux économies. "Quelle différence entre nous et la BNP ou le Crédit lyonnais ? Aucune, mes amis. (...) Nous sommes une banque, oui, une banque", s’exclame, pour motiver ses troupes, dans un grand show à l’américaine, Dominique Martinez, directeur réseau de l’Unedic.

GUERRES LARVÉES

"La trame de mon livre est fictive, même si les méthodes évoquées sont réelles . Un document sur une institution comme les Assedic aurait fait bâiller le lecteur au bout de deux pages. Par la fiction, je rends l’ensemble plus abordable" , souligne l’auteur. Impossible donc de reconnaître des personnalités existantes. Même si, parfois, un trait de caractère ou un prénom comme celui d’Henri-Etienne, président du Medef, laissent peu de place au doute.

D’abord observateur ironique, Robert perd, au fil des pages, de sa légèreté. "Ils me font peur. Comment en suis-je arrivé là ?" , s’interroge-t-il. La machine à broyer est en marche. "Il y a une violence incroyable dans cette réforme du modèle social auquel on assiste aujourd’hui. Une violence d’autant plus forte qu’elle génère de la souffrance dont on ne parle pas" , insiste Emmanuelle Heidsieck.

Exemple de cette dépersonnalisation du système, la multiplication des sigles. Robert, encadré par un AMP (agent de maîtrise professionnel) et un AME (agent de maîtrise encadrant), s’occupe de la GEA (gestion électronique de l’accueil), tout en tentant de conserver un TCD (taux de disponibilité) raisonnable et de s’investir dans les RCIII (réunion collective d’information, identification, inscription). Il est contrôlé lors d’un EPA (entretien professionnel annuel).

Sans jamais se départir de son humour, la journaliste dépeint les guerres larvées, à tous les échelons. Un haut responsable interpelle un subordonné : "En acceptant de devenir directeur général adjoint, vous lui avez marché dessus, vous l’avez écrabouillé. Alors pas d’hypocrisie, La Grendière. Vous êtes comme nous tous, un serial killer. Et dans ce monde du rendement, seuls ceux qui ont une capacité d’adaptation suffisante s’en sortent" . Ce n’est pas le cas de Robert.

 http://www.lemonde.fr/web/article/0...

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