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LA DECROISSANCE ? QUELLE DECROISSANCE ?

Publie le samedi 7 août 2004 par Open-Publishing
4 commentaires


de Patrick MIGNARD

Nous avons vu dans "LA
CROISSANCE ? QUELLE CROISSANCE ?
" comment se pose la question
de la croissance économique dans le système marchand. Comment elle n’est pas
une "erreur" de gestion du mode d’existence de ce système, mais l’essence même
de son existence. Or, nous savons qu’une telle problématique de fonctionnement
n’apporte ni le bonheur, ni l’égalité, ni l’harmonie sociale mais que, de surcroît,
elle menace à terme l’équilibre écologique de notre planète dans le court et
le long terme.

Faut-il réduire la production de biens et services ? Telle est aujourd’hui la question essentielle. La réponse est évidente. Toutes les études et projections montrent que nous sommes entrain non seulement d’empoisonner l’ensemble de l’écosystème, mais de plus nous entamons significativement le patrimoine de survie des générations futures. Au rythme qu’elle a atteint, l’activité humaine cessera dans quelques décennies faute de moyens.

La réponse à cette question, une fois acquise doit trouver son expression concrète dans les décisions à prendre. Là résident toutes les difficultés car, même si nous arrivons à convaincre théoriquement le plus grand nombre, reste la réalisation concrète des changements. Personne n’a évidemment la réponse du « comment faire »…ça ne s’est jamais produit dans l’Histoire.

Présenter et envisager un tel changement c’est bouleverser toute la vie sociale et individuelle des citoyens, c’est leur signifier un changement radical de leur mode de vie, de leurs habitudes, de leurs repères, c’est implicitement signifier, c’est du moins, même si c’est faux, en ces termes que se sera perçu, une « régression » par rapport à une vie qui pour eux, est « relativement confortable » ou du moins vécue comme telle. C’est aussi disons le sans détour un questionnement sur la notion de besoin.

LA DIFFICILE QUESTION DES BESOINS

La détermination et la définition des « besoins » est une question difficile car elle renvoie au « sens » du système de production. En effet, chez l’Homme, « produire » n’est pas simplement se procurer des biens en vue de la satisfaction de ses besoins biologiques. C’est bien cela, mais c’est aussi deux choses déterminantes :
 établir des relations sociales, c’est-à-dire déterminer un « mode de relation à l’autre » qui va donner un sens moral, éthique, bref politique à ces relations et qui va réagir en retour sur la manière de produire ;

 c’est créer des biens et des services qui vont aller au-delà du simple besoin biologique parce que l’homme exprime des besoins autres que biologiques… disons des « besoins culturels » au sens large.

Cette situation caractérise le comportement humain et l’Histoire, et en particulier celle des deux derniers siècles, montre les dérives possibles engendrées par une telle situation.

Dans un souci, même louable, de retour sinon à la nature, du moins de respect de celle-ci, il serait évidemment absurde de ne s’en tenir qu’à des besoins biologiques. Mais alors se pose un problème : jusqu’où aller dans la définition et la détermination des besoins ?

Le système marchand, lui, répond (et répond même pour nous) simplement à cette question : les besoins étant illimités (et en l’absence de tout frein et d’une habile incitation, ils semblent effectivement l’être), le système de production a pour vocation, dans un cadre marchand, de les satisfaire, autrement dit de satisfaire les besoins solvables… et c’est ce qu’il fait… allant même jusqu’à créer de nouveaux besoins pour… pouvoir les satisfaire. On se rend compte que, même si ce système à vocation à satisfaire tous les besoins, son caractère marchand fait que concrètement il ne les satisfait que pour un partie de la population, celle qui peut payer.

Or, à examiner de près le mécanisme des besoins, on constate que nombre d’entre eux sont effectivement des « besoins culturels », c’est dire des besoins dont on peut facilement se passer mais qui ont une grande importance sociale… pour « paraître », ou par habitude, routine, ou du fait de céder aux modes et incitations des fabricants… Tout le problème est de savoir, collectivement, socialement, pas seulement individuellement, prendre du recul par rapport à ces besoins… savoir s’en passer sans vivre cela comme un appauvrissement.

UN PROBLEME DE METHODE

Le danger et l’erreur seraient de poser le problème de la « décroissance », dans les mêmes termes, en les inversant que ceux qui président à la définition de la « croissance ». Raisonnement qui pourrait se résumer à : la croissance est à bannir, inversons la tendance en décroissant.

Il est évident que le discours sur la décroissance, même s’il est tout à fait juste et convainquant ne « peut pas passer »… voire fait peur. Si chacun reconnaît individuellement sa justesse (et on en est encore loin), chacun à, dans son esprit, toutes les meilleures raisons du monde de « continuer comme avant »… autrement dit de ne rien changer. La meilleure manière de démontrer qu’une pratique est néfaste et absurde est de la remplacer par une autre positive et logique… mais cela ne se fait pas spontanément. Il est évident que si nous présentons en guise d’alternative un modèle social de fonctionnement du genre, en exagérant, « retour à la vie primitive », privations généralisées et autres joyeusetés de ce genre… nous ne convaincrons personnes… et heureusement.

Le véritable mécanisme de la prise de conscience en la matière n’est ni l’adhésion spontanée à un discours, ni la culpabilisation, encore moins la contrainte, mais la reconnaissance concrète du bien fondé d’une conception d’organisation sociale. Alors, mais alors seulement on peut enclencher un processus de transformation sociale permettant, par pallier de parvenir à un rythme de production compatible avec l’état de la planète et les besoins humains.

Prenons un exemple simple : la production et la consommation de viande. Si nous disons :« Il est absurde et malsain, diététiquement et écologiquement, de manger de la viande tous les jours… ou d’en avoir potentiellement la possibilité », et donc d’adapter une gestion du cheptel à cette manière de consommer (dont on sait ce que ça donne),… nous avons sur le fond raison. Cela dit, rien ne dit que nous convaincrons, je suis même sûr du contraire. Nous allons passer, dans le meilleur des cas, pour de doux rêveurs, voire, dans le pire, pour de dangereux passéistes qui veulent imposer la pénurie (rien que ça !). Comment opérer pour faire changer les habitudes, en excluant évidemment la solution de la contrainte ? Il nous faudra concrètement convaincre, c’est-à-dire non à partir d’un discours, aussi convainquant soit-il, mais en impulsant une pratique qui démontrera concrètement que la pratique nouvelle est non seulement possible mais meilleure que la précédente. Cet exemple n’est pas purement théorique, il s’agit de l’exemple d’une pratique mise en autre dans plusieurs régions, sans concertation, sans coordination, sans médiatisation, simplement mise en œuvre par des producteurs et des consommateurs (qui n’ont rien d’écologistes intégristes et ascètes… au contraire) qui ainsi ont déserté les grands circuits de consommation de viande. Ceci se pratique également pour les légumes.

Tout cela pour expliquer quoi ? Deux choses :
 1 De nouvelles pratiques sont possibles et ce malgré le matraquage idéologique et publicitaire ;
 2 Pour parvenir à de telles pratiques, il faut commencer par les expérimenter concrètement et ne pas simplement s’en tenir au discours moralisateur ;
 3 Ces pratiques sont à généraliser, à fédérer, et constituer l’essence même de l’alternative politique à mettre en place.

L’exemple pris est limité à une activité très particulière, c’est vrai. Notre intention est de faire en sorte que ce soit l’ensemble des activités humaines qui correspondent à cette pratique. Cet exemple, tout son intérêt est là, nous illustre une méthode pour y parvenir, car c’est bien à un problème de méthode que nous nous heurtons… On ne sait pas comment s’y prendre. On a des idées, mais comment les faire partager et les concrétiser ? L’essentiel de notre manière d’agir politiquement est fondé sur la prédominance du discours, la volonté de convaincre, d’obtenir l’adhésion à la rationalité de notre démonstration. Le problème c’est que la collectivité ne fonctionne pas de cette manière, de même que le mécanisme de la prise de conscience, surtout dans un monde ou l’information est totalement manipulée et soumises aux puissances financières et commerciales qui ont intérêt à ce que rien ne change.

On est loin de l’écologie officielle, celle des pouvoirs publics et des partis politiques, qui est une véritable escroquerie politique. L’écologie a subi ce contre quoi elle se bat : elle est devenue un argument de marketing politique, à consommer sans modération, mais dans le cadre strict du système marchand dont elle respecte les principes. Cette escroquerie a donné naissance au « développement durable », véritable chimère politicienne qui permet à la fois de sécuriser le citoyen au regard des questions écologiques et de continuer à détruire l’environnement.

Si tout ce qui vient d’être dit est exact, c’est à une véritable mutation de l’action politique à laquelle nous devons procéder. Le fonctionnement politique traditionnel est « hors jeu ». L’alternative ne passe pas par un changement politique à la tête de l’Etat, mais par une pratique économique et politique qui fondera de nouveaux rapports sociaux (voir l’article "TRANSITION").

Messages

  • Heu...

    c’est bien mignon mais il sert à quoi cet article ?
    c’est moi qui passe à coté de choses à en tirer ou bien il est vraiement plat ?

  • Je souhaite compléter cet article et celui intitulé "Transition".
    Ces articles nous parlent d’actions, de se fédérer autour de valeurs alternatives, de montrer l’exemple en adoptant un mode de vie illustrant ce que pourrait être l’avenir meilleur... Soit, je ne remets pas en question ces faits, mais allons encore plus profondément dans le coeur du système qui fait qu’aujourd’hui l’écart se creuse à grande vitesse entre les puissants (= exploiteurs d’Hommes et de Nature, capitalistes) et les pauvres (=exploités, tapissés au fond de chez eux à tenter d’oublier leurs angoisses devant la tv, ou bien à creuver la dale, à creuver de maladies à la con...). Comment se fait-ils que cette scission s’accentue sans que personne veuille vraiment y changer quelquechose suffisamment fort pour que quelquechose change vraiment ?

    Souvenons-nous des évènement politico-judiciaires de ces dernières années : scandales politiques, votes faussés, pots-de-vin, mensonges, mencas à la cassette VHS, retournement de veste, déviation du PS dans les idées de droite... Tous ces évènements ont doucement contribués à désenchanter et désespérer (enlever l’espoir) des citoyens français en le domaine politique. Chacun s’est petit-à-petit enfermé dans l’idée que les politiques "sont tous véreux" comme dirait mon oncle. Promesses electorales non tenues, revirements de cutie, surdité accrue aux revendications des travailleurs, des malades, des médecins, des chercheurs, des intermitents, etc... trempage dans des histoires diplomatiques sordides (Mobutu, copinage avec la Chine et autres pays dictatoriels, signature de divers accords et charte asservivants encore plus les peuples) ont fini d’achever le peu d’espoir qui pouvait persister. Un gouvernement qui vit soumis à des relations extérieures oppressantes, y sacrifiant le bien-vivre de son peuple, un monde de puissants qui montre l’exemple de la loi de la jungle et régit la planète selon ce principe, répend l’idée que la loi de la jungle est universelle, et inévitable, irréversible ("There Is No Alternative" TINA, nous disait Margareth Tatcher.)

    A mon sens, il s’agit de redonner de la confiance en soi, de dire que chacun à un potentiel de puissance d’expression, d’action, de concrétisation de lui-même, de participation à la vie collective, à la vie de la planète. Que ce pouvoir ne demande pas grand effort si ce n’est la volonté, la patience, et que d’être logique en actes avec ce que l’on pense, ce que l’on défend. Il s’agit de dire au gens que non, ils ne sont pas un tas de merde ne valant même pas qu’on lui maintienne ses droits à la sécu. ou à la retraite, servant juste à produire les richesses dont va s’empiffrer une minorité de la planète, que non voisin, tu ne sers pas qu’à engraisser ton fumier de patron qui te harcèle, que non, on n’est pas obligé d’accepter de se faire enlever nos maigres acquis sociaux (cf : les multiples changements de cet été que nous a mitoné notre gouvernement français), que non voisine tu n’es pas une pute parce que ton patron te colle la main au cul et que tu n’oses pas broncher parce que tu as 2 mômes à élever toute seule, et oui, tu peux dénoncer, être force de pression, contribuer à ce que celà ne se renouvelle pas, et pourquoi pas t’investir plus loin dans la cause, être actrice de la vie, ne plus subir uniquement.

    Le problème aussi est qu’on est arrivé à un point où les gens sont tellement persuadés d’être des merdes (puisque l’Etat et les concitoyens le leur font sentir au quotidien en ne les respectant) qu’ils en sont persuadés et vivent avec cette idée comme quelquechose d’irréversible voir banal. Ce qui pourrait expliquer pourquoi c’est aussi la boucherie (verbale, ou physique : insultes, racisme, vandalisme, assassinats, etc) entre les gens qui sont dans la même merde, puiqu’il n’est pas possible pour un être humain de vivre en étant persuadé d’être une merde irrespectable sous peine de se flinguer tout de suite. En effet, pour remédier à cette dévalorisation de soi, l’exercice consiste à se prouver régulièrement à petites doses que oui, on peut encore se faire respecter : cogner sa femme et ses gosses, rouler à la vitesse d’un héros de film, se foutre de la gueule d’un gros ou d’un maigre, harceler des souffres-douleurs, employer et exploiter une femme de chambre, acheter des actions de sociétés à la noix pour faire comme les "grands"...
    Certains diront qu’il s’agit de bêtise pure. Non, c’est un mécanisme participant à la survie mentale à court terme des individus, parce que la douleur est si intense qu’il faut soulager vite, à coup d’actes faciles. Ce que j’aimerais plutôt comme pansements, qui enlèverait tout le pue de surcroit, c’est que l’on milite pour obtenir les moyens de proposer à chacun d’être reconnus et de se construire une vision personnelle de soi-même, de sa vie, de son futur.

    Prenons un exemple concret : la Mairie du 13e arrondissement, la région IDF, IBM, Ozone, Parinux, la Caisse des dépots et consignations (et j’en oublie) ont sponsorisé le projet d’implantation d’un Espace publique Numérique sur la dalle des Olympiades (Paris, 13e, chinatown). Cet espace est tout à fait novateur par rapport aux précédents car celui-ci propose un accès gratuit à des ordinateurs, à internet, et à de la formation informatique proposés par des associations, des organismes tels que l’ANPE, et autres acteurs sociaux. Le projet éducatif est très social et tend à faire prendre conscience aux participants qu’ils sont des richesses en eux-même parce qu’ils sont, tout simplemen. Et par ce fait qu’ils vivent, ont une histoire, ont une expérience de la vie (comme tout le monde) alors ils sont de potentiels publicateurs de sites web, d’idées, de débats... Oui chacun à la parole et l’EPN leur donne les moyens de concrétiser leur expression. Notons, que cet espace informatique dont les ordinateurs seront largement équipés d’OS et logiciels libres est inité par un élu communiste, dans une tradition/renouvellement du principe social d’éducation populaire. D’autrepart, le projets ne s’est pas implanté géographiquement au hasard : il s’agit des tours d’habitations à caractères social, de HLM et autres batiments de l’OPAC ou vit une population issue de l’immigration chinoise, défavorisée. Ce choix de lieu accentue l’idée de choix politique.
    Au passage, j’en profite pour vous recommander la lecture du dernier livre de Marie-George Buffet "Un peu de courage", qui réconcilie avec le domaine politique, redonne un souffle plein d’énergie et d’espoir. Rien à voir avec Robert Hue, ça a beaucoup évolué, en tirant leçons du passé, en préconisant à présent le "construisons ensemble", en encourageant et initiant les forums sociaux... pour le reste lire le livre.

    Donner les moyens d’apprendre, de se former, de s’exprimer et d’être entendu, donner confiance en soi à chacun, lui reconnaître sa valeur de richesse humaine infinie (puisque l’homme à le pouvoir de tranformer, de créer) participant à la richesse de l’Humanité, voilà une ambition politique qui me semble pertinante et vouée au succès, succès dans le sens de grand potentiel à changer la donne réellement.
    Concrètement, celà se ferait par l’élaboration de projets tels que l’EPN cité ci-dessus.

    "Montrer l’exemple" comme l’article avant le préconisait, c’est bien, mais il faut avant tout donner les moyens à autrui d’arriver aux motifs qui nous ont fait adopter ces modes de vies, et ce au plus grand nombre. Partager ses connaissances, partager donc donner et savoir recevoir et ainsi donner reconnaissance à autrui, pour amplifier le respect mutuel et le sens humain/altruiste de chacun. Une fois que l’on sera dans cette dynamique-là, alors on choisira de façon indolore et enthousiaste (contrairement à l’idée évoqué dans l’article avant) des énergies respectueuses de l’environnement, on gèrera selon des principes respectueux de l’avenir écologique de nos descendants, alors l’esclavagisme moderne s’amenuisera, etc... je vous laisse compléter cet avenir possible...

    Po

    • c’est BOOOO !!!
      Oui, Bravo, vous avez un cerveau et un coeur bien foutus !!!!
      combien de millions, heu , soyons élitistes, combien de centaines de milliers de personnes pensent et peuvent agir ainsi ?
      Le seul probleme, c’est que je ne vous ai pas vu, pas entendu, pas connu,
      Aucun lien Réel ne nous lie
      Internet ? échanger sur internet ? Mais Mossieu, sans contact Réel rien de réel ne peut arriver.
      Alors oui montrer l’exemple tous les jours dans les petit gestes de la vie quotidienne, parceque chacun d’entr’eux aura été pesé, évalué et pensé en toute concsience et responsabilité. Quelle est la conséquence de cet achat ? ( qui fabrique, pour qui, traité comment, avec quoi.....)
      Prendre ma voiture au lieu du vélo pour faire 10 km ? ...................
      Internet pour changer le monde ? Votre jolie expérience de rendre accessible l’outil informatique au milieu des HLM, franchement ? honnetement ? vous croyez vraiment que vous agissez sur les situations sociales réelles ? La seule chose que j’y voit, c’est le toujours plus et encore plus d’eau amenée au moulin de la desincarnation de la vie, Rien qui n’empechera les Nantis de continuer à profiter des belles et bonnes choses de ce monde pendant que vous, vous continuerez à vous battre pour augmenter le taux de croissance des phantasmes échangés. Allons nous continuer dans cette confiscation du réel ?
      ou bien saurons nous nous réapproprier nos vies en nous reconnectant au réel par nos sentiments et nos cinq sens ?
      LB