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LA GREVE GENERALE EN MARTINIQUE

Publie le jeudi 5 mars 2009 par Open-Publishing
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MEETING D’INFORMATION ET DE SOUTIEN A LA GREVE GENERALE EN MARTINIQUE 28 FEVRIER 2009

INTERVENTION DE ROBERT SAE PORTE PAROLE DU CNCP

Bonsoir à tous.

Je vous remercie de votre présence. Je remercie particulièrement les organisations amies qui nous ont aidés à préparer ce meeting. Avant de commencer mon exposé, je vous propose d’observer une minute de silence en l’honneur du combattant syndicaliste Jacques BINO tombé sur le front en Guadeloupe.

Tout le monde le sait : les principaux médias français ne s’intéressent à la Martinique ou à la Guadeloupe que lorsque l’image de paradis pour touristes est entachée par un cyclone ou une quelconque autre catastrophe. La Guyane a statistiquement plus d’occasion d’être citée car, chaque fois qu’une fusée Ariane décolle de Kourou, la France doit lancer ses cocoricos.

Il a fallu la mort d’un syndicaliste pour que ces médias daignent s’intéresser à une grève générale qui paralysait la Guadeloupe depuis une vingtaine de jours. Et comme il n’y a pas de sang en Martinique, ils peuvent toujours se permettre de bloquer l’information. Il n’est donc pas étonnant que l’opinion publique française soit si ignorante de nos réalités et que perdurent tant de clichés à l’égard de notre peuple.

Mais, mesdames et messieurs, chers compatriotes et amis, ce qui se passe chez nous aujourd’hui a une telle portée que nous avons le devoir de mener bataille, ici, sur le front de l’information, afin que tous ceux qui rêvent d’un monde nouveau, plus juste, plus solidaire et plus humain, participent à l’écriture de cette page nouvelle de l’histoire de nos peuples.

LE FILM DES EVENEMENTS

Au moment où l’intersyndicale de Martinique a lancé le mot d’ordre de grève générale reconductible pour le 5 février, personne, mais vraiment personne, ne pouvait se douter de l’ampleur de la mobilisation qui allait déferler dans notre pays.

Le jeudi 5 Février, l’intersyndicale constituée par la CDMT, la CFDT, la CFTC, la CGTM, la CGTM-FSM, la CSTM, l’UGTM, l’UNSA, la CFE-CGC, FSU, le SMBEF et SUD PTTT, lançait un appel à la grève générale et à la mobilisation sur la base d’une plate-forme de revendication en 11 points. La centrale FO s’est jointe à cet appel. Dès ce jour-là, la grève était quasiment totale et 25.000 manifestants occupaient les rues de la capitale. Tous les partis politiques patriotiques ou se revendiquant de la gauche étaient représentés dans l’imposant cortège.

Le Vendredi 6, les travailleurs municipaux, les entrepreneurs de transport et les camionneurs, les artistes, les étudiants et les lycéens, rejoignaient massivement le mouvement. Durant tout le week-end, des milliers de personnes se rassemblaient à la maison des syndicats pour manifester.

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Le Lundi 9, un cortège de près de 30.000 personnes traversait les quartiers de Sainte - Thérèse, Dillon, Volga avant de redescendre au centre ville. Les enseignants de l’UAG, l UFM (Union des Femmes de la Martinique)

L’association des Maires de Martinique, de son côté, lançait un appel à soutenir le mouvement, annonçant la fermeture des mairies (sauf pour les urgences).

Mardi 10 : la mobilisation est toujours aussi imposante, grossie d’un collectif de « Mamans engagées » et de jeunes de plus en plus nombreux. Des manifestations ont également lieu en commune (Sainte-Marie, Saint-Pierre, Lorrain, Marin)

Pour répondre au problème de l’approvisionnement alimentaire de la population, le Collectif du 5 février invite les petits agriculteurs et une coopérative agricole à venir vendre leurs produits directement aux consommateurs à la maison des Syndicats. Ce sont des milliers de gens qui participent à ce marché, après quelques flottements, au début, dans une discipline remarquable.

Mercredi 11 et Jeudi 12 : toujours une montée en puissance du mouvement avec l’entrée en lice des avocats, des pompiers et des artisans.

Une manifestation a lieu à Sainte-Luce.

Vendredi 13 : la ville reste envahie par les manifestants toute la journée et le soir ce sont encore des milliers de gens qui participent au grand meeting organisé par le Collectif.

Samedi 14 et Dimanche 15 : la décision prise par le collectif d’autoriser l’ouverture des petits commerces et la livraison du carburant permet aux travailleurs en lutte et aux familles de se réapprovisionner. Les chauffeurs de taxis se réunissent et annoncent leur entrée dans la mobilisation pour le lundi suivant.

Lundi 16 : les manifestations reprennent avec un défilé monstre de 35.000 personnes. Les marins pêcheurs sont venus en nombre. Les élus martiniquais de toutes tendances sont fortement présents.

Des animateurs et des journalistes venant de tous les médias, épaulés par des artistes, lancent TV-OTONOM-MAWON qui a pour but de porter la vraie information sur le mouvement. Ses émissions sont relayées par KMT, qui elle est présente sur le terrain depuis le premier jour, et par internet. Je profite pour vous en donner l’adresse :

collectif5fevrier.blogspot.com

Notez aussi celle de notre mouvement : www.m-apal.com

Cette semaine s’est caractérisée par la multiplication de meeting de masse dans différentes communes de l’île.

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE L’AMPLEUR DE CE MOUVEMENT ?

Disons le tout net, il ne s’agit pas là d’une « contagion de la Guadeloupe sur la Martinique ». En affirmant cela, nous ne diminuons absolument pas le caractère admirable de la lutte du peuple guadeloupéen. Mais nous voulons combattre une offensive pernicieuse qui vise à donner une image infantile de nos peuples. Un intéressant article paru sur le site « Bella Ciao » montrait déjà que derrière le vocabulaire choisi (contagion, fièvre, crise...) se cachait une attaque idéologique contre le caractère positif et salvateur de la lutte des peuples. Ce que nous voulons surtout dire, c’est que si nos luttes éclatent aujourd’hui c’est tout simplement parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ce sont évidemment les conditions spécifiques qui déterminent leur forme et leur rythme propres.

Toutes ces dernières années, l’Amérique latine, le Continent Africain, L’Asie ont, tour à tour, été secoués par des émeutes de la faim, par des luttes contre le FMI et le néolibéralisme. Les

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victoires politiques en Amérique latine sont l’un des aboutissements de ces luttes. Les travailleurs européens sont montés au front ces derniers mois. IL y a quelques jours 150.000 Irlandais défilaient contre l’austérité.

C’est donc un système mondial qui affiche son échec et c’est à une offensive des peuples en lutte pour un monde nouveau que nous assistons.

En ce qui concerne la Martinique, trois éléments sont à prendre en compte :

1) Depuis plus de deux ans l’intersyndicale regroupant les principales organisations de travailleurs dans notre pays a mené un travail assidu pour élaborer une plate-forme de revendication consensuelle. Elle a organisé des assemblées de militants et des réunions régionales ouvertes au grand public pour expliquer et amender cette plate-forme. La grève reconductible décidée pour le 5 février a été minutieusement préparée dans les sections syndicales.

2) L’intense travail de conscientisation menée par les organisations politiques anticapitalistes et patriotiques a vu son impact largement augmenté quand les travailleurs ont découvert l’immense corruption gangrenant les milieux financiers et qui a été dévoilée à l’occasion de la crise, et quand ils ont constaté que les gouvernements qui les jetaient dans la misère et supprimaient les conquêtes sociales, ont annoncé le versement de milliards aux spéculateurs véreux responsables de la crise. Le CNCP, pour sa part, avait multiplié les réunions publiques pour expliquer la crise, les raisons de la vie chère, les possibilités de changer les choses. (Voir APAL de Juillet 2008). D’autres partis tels le PCM avaient également pris des initiatives allant dans le même sens.

3) La sur exploitation éhontée que notre peuple subit du fait de la domination coloniale a atteint des proportions inimaginables : marges commerciales de 4OO% ; augmentations massives quasi quotidiennes ; sans compter que le gouvernement de Sarkozy qui multiplie les cadeaux fiscaux aux plus riche a déclenché un racket fiscal de grande ampleur sur les familles martiniquaises. Je ne parle même pas des conséquences de l’euro. La vie était devenue tout simplement impossible !

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POURQUOI LE MOUVEMENT S’EST-IL INSTALLE DANS LA DUREE ?

C’est essentiellement parce que le gouvernement français, pris au dépourvu, y a porté et porte encore des réponses qui sont en complet déphasage avec la situation.

Dans un premier temps, l’administration française et les représentants de la grande distribution avaient cru pouvoir désamorcer la bombe en acceptant de satisfaire l’une des revendications, à savoir la baisse du prix de 100 produits de première nécessité. Mais ils sont très vite revenus sur leurs engagements. D’une part, parce qu’ils se sont rendus compte que notre peuple mobilisé autour du collectif ne se contenterait pas de mesures en trompe l’œil, mais, d’autre part, parce que le Gouvernement Français redoute l’extension des mobilisations en France même. L’impact du mouvement, initié par les Guadeloupéens puis par les Martiniquais, dans les autres colonies et en France même, est conséquent. La manifestation de milliers de personnes à Paris, exprimait clairement la volonté de « suivre l’exemple des Antilles ».

La tactique, alors choisie, a été d’annoncer un catalogue de 39 propositions supposées répondre aux attentes des Martiniquais.
Cela est déjà inacceptable par principe, qu’après un mouvement d’une telle ampleur, le représentant du gouvernement entende balayer d’un revers de main des revendications élaborés par un peuple pour imposer ce sur quoi, lui, il entend qu’on discute. Mais ce qui est plus grave c’est que ces « propositions » reflètent un mépris et une condescendance que notre peuple n’accepte pas !

« Mise en place d’un plan d’action par le Préfet pour la promotion du créole » !!! (Point 25)

« Appui de l’état aux projets de valorisation des produits locaux, en particulier par la création d’un label « France Saveurs d’outre-mer » !!! (Point 29)

Entre l’annonce de la mise en place accélérée du RSA (dont le financement n’est pas encore envisagé), l’annonce de mesures ponctuelles (une prime de 200 euros, par exemple), on constate une série de déclarations d’intention sans aucun engagement concret de création de poste ou de modifications législatives. Des lignes budgétaires sont, comme à l’accoutumée, affichées sans que les mesures structurelles et à long terme revendiquées ne soient un seul instant envisagées. Mais nous disons tout cela pour information, car l’important n’est pas de peser ce qu’il y a de bon ou de pas bon dans les mesures annoncées par le gouvernement français.

Il est surtout question de poursuivre la mobilisation pour la satisfaction de NOS PROPRES REVENDICATIONS.

LE GOUVERNEMENT JOUE LE POURRISSEMENT DU MOUVEMENT ET ENVISAGE LA REPRESSION

Comme c’est le cas dans tous les conflits où ses intérêts sont menacés, l’Etat colonial a activé les dispositifs visant à discréditer le mouvement et à l’avoir à l’usure.

1- Les médias qu’il contrôle sont utilisés pour dénaturer le sens de la lutte, pour semer l’inquiétude au sein de la population. L’exagération des inévitables difficultés ou des dérapages mineurs est systématique.

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2- Les divisions sont suscitées entre :

 les syndicats et les partis politiques,
 entre la population et les élus politiques qui sont tous démagogiquement rangés dans le même sac,
 entre la Guadeloupe et la Martinique, etc.
 entre les travailleurs français et les peuples des colonies ; (Nous coûterions cher à la France)

J’illustrerai ces points lors du débat.

3- La sempiternelle accusation qui prétend que la grève détruirait l’économie est quotidiennement martelée. On a pu entendre le Préfet déclarer que, par les premières grandes manifestations, les Martiniquais avait su se faire entendre, et que, pour ne pas affecter l’économie, il fallait que les choses reviennent à la normale.

Il se garda bien de rappeler ce qu’était la situation dite « normale » :

 c’est la disparition de 2 petites exploitations agricoles par jour et de 200O entreprises artisanales par an,
 c’est l’endettement des ménages. 23000 personnes interdites bancaires pour une population de 400.000 habitants.
 ce sont les licenciement, la précarité des emplois et le chômage. (30 % de la population en âge de travailler)

La situation c’est que, avec ou sans grève, la dégradation du tissu économique s’accélère et s’approfondira encore du fait de la politique de saccage menée par Sarkozy et son gouvernement, du fait de la crise financière et économique mondiale, du fait de l’entrée en récession des pays capitalistes, dont la France. Aux USA qui, à notre connaissance, ne sont pas bloqués par une grève générale, 1,6 millions de travailleurs ont été licenciés ces trois derniers mois et des millions de familles seront chassées de leurs maisons qu’elles ne peuvent pas payer. Et, il faudrait que cesse la mobilisation pour que se remette en marche cette économie qui veut qu’une retraitée percevant 460 euros de pension mensuelle soit persécutée par le fisc parce qu’elle ne peut pas payer les 980 euros de taxe foncière qu »on exige d’elle pour un lopin de 200 m2 en zone insalubre à Pointe- Fort !

C’est comme si le syndicat des dealers demandait qu’on arrête les cures de désintoxication pour que ses affaires reprennent.

Eh bien ! Si le résultat de la grève générale devait être que cette économie là s’effondre, alors qu’elle dure mille ans ! Car messieurs du gouvernement et de la grande entreprise nous n’avons pas les mêmes hantises !

Et à mes compatriotes en lutte je dis « chaque fois que vos vous sentiriez fléchir, reprenez en main vos factures, réveillez en vos mémoires l’arrogance de ces fonctionnaires coloniaux qui se moquent de vos souffrances et tenez bon ! La lutte doit se poursuivre jusqu’à la victoire car, dans cet énorme sacrifice que fait notre peuple uni, germe le pouvoir de vivre humainement et dignement.

La grève s’arrêtera quand le peuple Martiniquais estimera avoir obtenu des résultats conséquents ; et, même là, les colonialistes et les spéculateurs ne devraient pas se croire sauvés, car nous poursuivrons notre lutte dont l’objectif est de détruire leur système et de construire une économie alternative qui soit au service des êtres humains et qui préserve la vie des générations futures. Comme dit l’un des principaux slogans en Martinique :

SE POU LA VIKTWA NOU KA ALE, MANMAY LA AN NOU MOBILIZE !

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4- Il faut maintenant parler de cette machiavélique manoeuvre qui a été faite pour dévier la lutte du peuple Martiniquais. En effet, une trop opportune campagne a essayé de présenter les Békés comme les uniques responsables de la situation catastrophique que nous connaissons.

Il convient de rappeler que c’est l’Etat colonial lui-même qui, dès le départ, a fait des propriétaires terriens et des capitalistes békés les relais de sa politique colonialiste, qui a garanti le maintien de leur position dominante avec l’appui de la justice et des forces de répression. Faire semblant de découvrir aujourd’hui le caractère abusif des marges commerciales ou les disparités sociales, dans la colonie, relève du cynisme le plus éhonté.

En réalité, les békés ont été jetés en pâture, d’une part, pour masquer la responsabilité fondamentale de l’Etat français dans le maintien du système colonial avec ses pratiques de pillage et de discrimination et d’autre part, pour profiter de l’aubaine et confier le gâteau à d’autres groupes capitalistes plus proches du pouvoir.

Alors soyons clair, si notre lutte contre le système clanique et la main mise de cette minorité sur l’essentiel des richesses du pays, il est manifeste que les békés sont aussi Martiniquais que les latifundiaires descendants de colons en Amérique latine sont brésiliens, argentins ou autres. L’idée de chasser une communauté en tant que telle du pays est une vue d’esprit irraisonnable, en tout cas, étrangère à tout humanisme révolutionnaire. Par contre, l’objectif d’imposer une abolition des privilèges et une organisation plus équitable de la société martiniquaise reste essentiel. En tout cas, ce combat là ne saurait nous détourner de la lutte contre le système colonial, qui reste essentielle.

On a aussi voulu nous faire passer pour des racistes. A ceux qui pourraient être troublés par la désinformation faite à propos de notre mouvement, nous réaffirmons le plus solennellement que jamais, au grand jamais, son objectif ne saurait être de « mettre les bancs dehors ! » Nous ne sommes pas de ceux qui disent « les blancs nous ont mis en esclavage » car nous connaissons le sort que subissait la classe ouvrière française pendant que les gouvernements de la France éternelle, soi-disant patrie des droits de l’homme, opprimaient nos ancêtres. Et je vous avoue me sentir mille fois plus proche d’un français devenu SDF après un licenciement abusif que d’un quelconque Omar BONGO.

Ce sur quoi, par contre nous sommes intransigeants, c’est sur le respect des droits du peuple Martiniquais à l’autodétermination. L’actuel mouvement qui se déroule en Martinique s’inscrit dans une dynamique de lutte pour la remise en cause du statut néocolonial et pour que les Martiniquais puissent disposer des conditions pour un développement autocentré et alternatif. Nous affirmons que notre peuple exige une réponse tant politique qu’économique à ses revendications.

J’ai entendu dire, ici ou là, que ce que voulaient les « citoyens Français » dans « les îles », c’était exclusivement la baisse des prix, l’augmentation des salaires, l’égalité républicaine, et même la reprise du processus de 1946 !

Ceux qui tiennent de tels propos me semblent bien sélectifs dans leur écoute !

Que signifie à leurs oreilles les slogans « Matinik sé ta nou, matinik sé pa ta yo, yo pé ké fè sa yo lé, adan péyi-nou a ! » ou encore « Manmay la sé travay nou lé, sé pa la charité nou mandé ! »

Ont-ils jamais entendu les explications portées par l’intersyndicale et le collectif du 5 février quant aux revendications telles que :

 LE DROIT EFFECTIF DE VIVRE ET DE TRAVAILLER EN MARTINIQUE
 LA RECONNAISSANCE PLEINE ET ENTIERE DU FAIT SYNDICAL MARTINIQUAIS
 UN SYSTEME EDUCATIF REELLEMENT AU SERVICE DE LA POPULATION
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En tout cas, nous qui participons au mouvement sur le terrain, pouvons témoigner que le la lutte du peuple martiniquais n’est pas simplement pour le pouvoir d’achat mais pour conquérir le POUVOIR DE VIE ! Et nous ne sommes absolument pas dans une logique intégrationniste.

Est-ce à dire que le Collectif du 5 février est en lutte pour l’indépendance ? Evidemment non !

Mais en Martinique, la majorité du peuple a rejeté la diabolisation des patriotes et nous avons su réaliser un consensus pour exiger collectivement les avancées politiques et économiques nécessaires à la résolution des problèmes auxquels notre pays est confronté.

Car, nous ne croyons pas à la fable d’une République généreuse et impartiale. Nous ne croyons pas que l’Etat deviendra garant d’une quelconque égalité républicaine. Sa sé lespwa mal papay ! Les rois aussi se prétendaient garants du bonheur de leurs sujets !

Nous savons bien qu’aucune république bourgeoise ne garantira l’égalité des droits, la liberté des citoyens et la fraternité entre les hommes. Ki donk, nou pé ké bwè dlo mousach pou lèt !

Serions nous donc aveugles aux lois liberticides qui se multiplient dans le monde occidental ? Serions- nous donc aveugles à la casse des services publics et à la remise en cause des conquêtes sociales ? Nous ne nous battons pas simplement le pouvoir d’achat, mais nous entendons conquérir le pouvoir de vie !

Mesdames et Messieurs, chers compatriotes, amis de tous pays, j’essaierai maintenant de répondre à vos questions, mais en conclusion à mon exposé, je veux réaffirmer ici que la grève générale qui se déroule en Martinique, n’est ni spontanée, ni corporatiste, ni intégrationniste. La mobilisation des Martiniquais fait bien partie du mouvement historique plus général par lequel, les peuples entendent mettre fin à ce système barbare qui les opprime, qui exploite les travailleurs, détruit l’humanité et met la planète en danger.

Nous vous remercions chaleureusement de la solidarité dont vous faites preuve. C’est ensemble que nous construirons une société plus équitable, plus solidaire et plus humaine.

Je vous remercie de votre attention.

Messages

  • Malgré les différences qui existent entre les deux îles, l’articulation du combat des travailleurs martiniquais avec la victoire de ceux de la Guadeloupe est essentielle afin d’aboutir à une victoire en Martinique d’une ampleur au moins égale.

    La solidarité doit se renforcer en faveur des deux classes populaires, elle est vitale pour l’avenir du combat social dans les confettis du vieil empire colonial français, elle est vitale également pour l’avenir de la bataille dans la métropole continentale française.

    Elle déplace également les rapports de force à l’intérieur du nationalisme corse , en matière de poussée du poids des travailleurs, des couches associées, dans le nationalisme de cette ile, ainsi que le rapprochement concomitant avec les autres forces de travailleurs, les sensibilités révolutionnaires non nationalistes.

    Car le combat guadeloupéen est également un combat qui pèse sur les soubresauts sociaux en corse en montrant des solutions éclatantes pour faire reculer le capitalisme.

    le nationalisme bourgeois peut reculer au profit d’un nationalisme révolutionnaire et "ouvrier" (toujours au sens large du terme "ouvrier") qui unifie les travailleurs, nationalistes ou pas.

    J’évoque la question corse là pour indiquer combien le combat des travailleurs guadeloupéens fait bouger les lignes bien au delà de ses spécificités non discutables.

    Mais, bien plus, les combats des travailleurs antillais ont un écho considérable dans le monde maintenant , ils combinent un fait maintenant planétaire : La classe ouvrière, au sens moderne du terme, est maintenant majoritaire , partout dans le monde, en proportion de la population active. le rapport de force est écrasant vis à vis des autres classes .

    Même d’immenses pays , aux classes paysannes auparavant immenses, comme l’Inde ou la Chine, le Vietnam et le Brésil, etc, deviennent des sociétés qui se sont prolétarisées à immense vitesse.

    On est immensément loin de l’URSS de 1917 et ses 4% d’ouvriers, 1% à la fin de la guerre civile. Une classe ouvrière si faible ne pouvait contrôler une société entière, même construite en son nom, sans qu’une couche sociale autre, ne lui dérobe le pouvoir.

    Même la France de 1936 fait figure de monde marqué par la puissance numérique de la paysanneriequand on la compare à la planète actuelle. Pétain ne s’y trompera pas en essayant d’instrumentaliser cette classe contre la classe ouvrière, politique suivie assidument pendant des dizaines d’années par la droite comme sa variante gaulliste jusqu’à ce que la paysannerie ne représente plus grand chose.

    La question guadeloupéenne s’insère, avec ses particularités, dans cette prodigieuse évolution des rapports de force numérique entre les classes et les couches sociales distinctes de celles-ci.

    Pas de grandes aglomérations ouvrières de travail, plus tant de gigantesques usines, mais une classe ouvrière omni-présente dans la société, dont le poids est tellement immense que, quand elle trouve une organisation déterminée, de bas en haut, elle devient irrésistible et explose le camp d’en face.

    Bien plus, la fin de ce conflit marque l’opposition entre les secteurs les plus gros et classiques de la bourgeoisie , et les petites entreprises, artisans et commerçants ayant un ou deux employés. Malgré l’offensive idéologique menée, c’est bien les gros qui ont refusé de signer les accords, pendant que les "petits" le signaient.

    La minuscule classe bourgeoise guadeloupéenne a explosé (provisoirement) dans la bataille sociale.

    La simple unification déterminée de la classe ouvrière et des couches qui lui sont associées, a explosé le camp d’en face, explosé la bourgeoisie locale, malgré une logique de clan, souvent ethniciste, marquée (les patrons "omni-blancs" dans un monde coloré exclu du pouvoir).

    Le gouvernement liberticide de Sarkozy, malgré son agressivité, n’a pas trouvé la faille lui permettant de réprimer lourdement les Guadeloupéens (ce n’est pas faute d’avoir essayer de pousser à ce débouché), ils tenteront probablement de se venger et manœuvreront sur chaque grande bataille pour avoir légitimité de cogner sur les travailleurs d’une façon décisive.

    La puissance du mouvement des travailleurs, sa détermination, n’ont pas permis au gouvernement de trouver une solution pour pouvoir pouvoir pratiquer une répression massive.

    Le prix politique est demeuré hors de portée de Sarko. Ils n’ont pas trouvé la faille pour provoquer un casus belli permettant de déchainer la violence (la nomination de Lefebvre à la tête de l’UMP par notre pékinois national montre qu’ils ont compris la nécessité de mettre des gens d’une très grande agressivité dans leur dispositif politique, mais encore faut-il gagner la légitimité d’une politique dans une situation pouvant exploser à tout moment sur un terrain ou sur un autre) .

    La Guadeloupe fut l’affirmation, en ce point de la planète, de l’évolution de la puissance numérique de la classe ouvrière dans le monde, au delà des spécificités indéniables de la lutte menée.

    La classe ouvrière est pratiquement partout dominante dans le monde maintenant, la bourgeoisie a liquidé la plupart des autres couches et classes sociales qui pouvaient lui être alliées.

    Dans la grande crise qui s’emballe (et qui aura ses hauts et ses bas) , la poursuite de victoires vertueuses de la classe ouvrière et du peuple, d’abord dans les points faibles du capitalisme français que sont la Réunion et la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane française, puis en métropole, nécessiteront la solidarité la plus intense possible et une grande détermination.

    Elles se construisent maintenant sous la poussée de données objectives, symbolisées par l’augmentation immense du poids numérique d’un prolétariat moderne , partout sur la planète.

    L’avancée des guadeloupéens a des couleurs de 1936, un parfum des victoires de 1936, un immense sentiment de confiance en soi et d’espérance pour les travailleurs et le peuple de cette ile.

    Et c’est bien le second aspect, au rapport de forces objectif entre les classes, l’adjonction d’un rapport de forces subjectif permet la mise en mouvement d’une puissance colossale victorieuse.

    Cette puissance change les possibilités de renversement réel de la bourgeoisie , de la même façon qu’elle diminue les possibilités de contre-révolutions nomenclaturistes qui ont été construites historiquement sur la faiblesse numérique de la classe ouvrière, la faiblesse de ses capacités à diriger, à s’auto-organiser, faiblesses qui ont rendu aisé la cristallisation de couches sociales dirigeantes non contrôlées par les travailleurs, couches sociales qui n’ont eu de cesse de rêver de devenir bourgeoisies et qui ont appliqué assidument les mêmes méthodes violentes et despotiques que la bourgeoisie contre les travailleurs.

    En même temps que la planète court au désastre sous les coups des crises bourgeoises (économiques, écologiques, etc) , des conditions se sont créées d’une victoire de la classe populaire, même dans le ventre de 30 ans de reculs et de défaites des travailleurs, dues à un mouvement ouvrier dépassé, bureaucratisé et très imprégné par les valeurs capitalistes, peu préparé à la phase d’agressivité bourgeoise que nous avons vécu ces dernières décennies.

    La simple existence d’une organisation massive, de bas en haut, déterminée en Guadeloupe, sans même de sujet politique formel affirmé , a conduit un mouvement d’une durée inédite , aussi puissant à la fin qu’au début, concluant victorieusement.

    Une leçon pour toutes et tous , un 1936 sous nos yeux, à enrichir pour faire encore mieux.
    Virer la bourgeoisie.

    je souhaiterai également parler aux plus réformistes d’entre nous parmi les travailleurs, ou comme aime le dire la télé, aux plus modérés d’entre nous, notamment ceux qu’on retrouve dans les directions syndicales, comme dans une grande partie de la CFDT et de FO :

    C’est bien en menant une lutte déterminée, sans concessions, "jusqu’au boutiste", unitaire du début à la fin, que la victoire s’est faite, pas en privilégiant l’esprit de négociation comme essaye de le faire croire en permanence la classe d’en face.

    Les organisations, et le LKP, se sont d’abord concentrés sur la mobilisation, tout du long, sans arrêt, la négociation n’étant qu’une des expressions de cette détermination.

    C’est un leçon de choses qui ne renvoie pas à des journées de grève séparées de 2 mois, de même qu’effectivement ça ne renvoie pas à un appel à la grève générale permanente , mais à l’organisation méthodique de celle-ci, dans l’unité, ...

    Face à une classe agressive ennemie, il n’y a aucune possibilité de victoire qui passe d’abord par un négociation ou une logique centralisée autour de la negociation.

    On est dans le domaine des rapports de force sans pitié.