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LE DROIT A LA REVOLTE

Publie le mardi 8 mai 2007 par Open-Publishing
3 commentaires

de Ricardo Flores Magon

Du haut de son piton rocheux, le Vieux Vautour scrute l’horizon. La clarté, qui commence à dissiper les sombres nuages amassés par le crime, l’inquiète. Dans la pâleur du paysage se dessine la silhouette d’un géant : l’insurrection.

Le Vieux Vautour a beau se perdre dans l’abîme de sa conscience, en remuer la fange, il n’y trouve rien qui puisse l’éclairer sur les origines de cette révolte. Il fouille alors ses souvenirs. Hommes et choses, dates et événements forment dans sa tête un cortège dantesque. Les martyrs de Veracruz défilent, blêmes. Ils exhibent les blessures que leur ont infligées une soldatesque avinée, à la lueur de la lanterne d’une cour de caserne. Viennent ensuite les livides ouvriers d’El Republicano, hardes et chairs déchirées par les baïonnettes des sbires.

Suivent les familles de Papantla, femmes, vieillards et enfants, le corps criblé de balles. Voici les ouvriers de Cananea, tout ruisselants de sang, sublimes dans leur sacrifice. Et, imposants, ceux de Rio Blanco, dont les plaies sanglantes accusent le crime officiel. Et les martyrs de Juchitan, de Velardeña, de Monterrey, d’Acayucan, de Tomochic. Des légions de spectres, de veuves, d’orphelins et de bagnards se succèdent. Le peuple entier surgit, nu et défait, accablé par l’ignorance et la faim.

Le Vieux Vautour lisse rageusement ses plumes ébouriffées par le tourbillon des souvenirs. Il se refuse à lire dans le passé les causes de la révolution. Sa conscience de charognard justifie la mort. Il y a des cadavres ? Sa pitance est assurée.

Ainsi vivent les classes dirigeantes, de la souffrance et de la mort des classes dirigées. Pauvres et riches, opprimés et despotes, égarés par l’habitude et les usages ancestraux, considèrent cette situation absurde comme naturel.

Un jour pourtant, un des esclaves tombe sur un journal libertaire. Il y lit comment le riche abuse du pauvre par la force ou par la ruse. L’esclave se met à réfléchir et en conclut qu’aujourd’hui comme hier seul compte le rapport de force. Il devient un rebelle. On ne saurait combattre la force par beaux raisonnements, mais bien par la violence.

Le droit à la révolte pénètre les consciences. Le mécontentement grandit, le malaise devient insupportable. La contestation éclate et tout s’embrase. On respire alors un air vivifié par les effluves de la révolte.

Les esprits sont saturés, et l’horizon commence à s’éclaircir. Du haut de son rocher, le Vieux Vautour est à l’affût. Plus une plainte, plus un soupir ni même un sanglot ne montent des plaines. C’est une clameur, un rugissement. Le rapace s’épouvante en baissant l’œil : on n’aperçoit plus le moindre dos courbé, le peuple s’est levé.

Glorieux instant qui voit un peuple entier se redresser ! Ce n’est plus un troupeau d’agneaux brûlés par le soleil, ni une foule sordide d’esclaves résignés. C’est une horde de rebelles qui se lance à la conquête de la terre. Une terre qui renoue avec la noblesse puisque ce sont des hommes, enfin, qui la foulent.

Le droit à la révolte est intangible. À chaque obstacle qui entrave la vie, il faut y recourir. Révolte ! Crie le papillon rompant le cocon qui l’emprisonne. Révolte ! Crie le bourgeon en déchirant l’enveloppe qui l’enferme. Révolte ! Crie le germe au passage de la charrue, réclamant les rayons du soleil. Révolte ! crie le nouveau-né en déchirant les entrailles maternelles. Révolte ! Clame enfin le peuple soulevé pour écraser tyrans et exploiteurs.

La révolte, c’est la vie ; et la soumission, c’est la mort. Y a-t-il des rebelles au sein du peuple ? Alors la vie est possible, ainsi que l’art, les sciences et l’industrie.

De Prométhée à Kropotkine, les révoltés ont été les moteurs de l’humanité. Le dépassement qui caractérise les instants privilégiés de l’Histoire, c’est la révolte. Sans elle, le genre humain se traînerait encore dans cette lointaine pénombre que les historiens appellent l’âge de pierre. Sans elle, les peuples seraient encore à genoux devant les principes spécieux du droit divin. Sans elle, ils seraient depuis longtemps égarés dans les brumes de l’idéologie. Sans elle, notre merveilleuse Amérique continuerait de dormir sous la protection des océans mystérieux. Sans elle, on verrait encore se profiler l’austère silhouette de cette insulte au genre humain qu’était la Bastille.

Il ne reste au Vieux Vautour qu’à prendre son envol, la pupille sanguinolente rivée sur le géant qui s’avance. Il n’a toujours rien compris aux causes de l’insurrection. Les tyrans ne comprennent pas le droit à la révolte.

10 septembre 1910

Messages

  • En politique il ne suffit pas des révoltes .

    Il faut se poser la question de comment les rendre efficaces et ne pas en faire payer le prix à ceux que nous pretendons défendre .

    • Certes Camarade, mais ce poème est beau et doit être diffusé.
      Mais, car il y a un mais, la révolte gronde, il faut la canaliser. Comment, en proposant des idées qui ont fait leur preuve.
      Le philosophe à dit "Il n’y a de nouveau que ce qui a été oublié".
      Alors n’oublions pas que des camarades se sont battus pour un monde meilleurs. Que de ces luttes sont sortis les congès payés, la loi sur la sécurité sociale, la création d’EDF-GDF, etc.
      Qui a fait cela ? Le patronat, la bourgeoisie ? Non des Camarades.
      Alors, lorsque que gronde la révolte, qui est nécessaire, saisissons là et allons avec l’accompagner pour offrir un monde nouveau et égalitaire.
      Nous avons déjà "loupé" une oportunité de le faire, lors des manifestations anti-CPE. Pourquoi personne n’a soutenu à Paris les étudiants se dirigeant vers l’assemblée nationale ?
      Quand une émeute gronde dans les cités, sans jeter de l’huile sur le feu, qu’attendons nous pour en profiter et lancer nos idées en s’appuyant sur ces appels au secours des plus démunis ?
      A aucun moment, nous marxistes, ne faisons notre devoir, faute de bras souvent, faute d’expression. Alors, comme à l’ancienne, affiches, dépôts dans les boites aux lettes, contacts avec les jeunes, les éducateurs, qui eux aussi cherchent une main tendue.
      C’est sur ce terreau que nos idées passeront.
      Aprés ? Et bien quoi après ? De quoi avons nous besoin ? de travailler, pour vivre heureux. Alors quand on me parle de mondialisation, je préfère rire, car comme je le dis souvent, il y a pas bien loin de chez nous artisans, paysans, petites industries qui proposent ce que les grands groupes offrent. L’autarcie ? Le temps de bien redémarrer l’économie.
      Exemple ? Cuba qui depuis la révolution, vit et survit à l’embargo que ces salopards d’américains imposent. Certes la vie ne ressemble en rien à la notre. Mais entre nous, être libre et vivre dans un pays libre, plutôt que tout avoir et ne pouvoir rien faire, parce cette saleté de fric nous en empèche, tu choisis quoi ?
      Germinal, voilà nous y arrivons, Zola avait raison, avec son Germinal, aujourd’hui il existe, il faut saisir l’occasion. L’Amérique du Sud nous montre la voie, faisons comme elle. Ne baissons pas les bras.
      A force de révoltes, à force de courage combatifs, à force de refuser, à force de devenir insurectionnel, nous ferons prendre conscience aux gens que le communisme n’est pas mort, loin de là, et qu’appliqué tel qu’il doit être appliqué, il est l’idéal de l’être humain.

      TROLLEY013

  • VIVA VILLA CABRONES

    LA REVOLUCION NO HA TERMINADO

    Mot d’ordre très populaire au sud du rio grande...