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LE FUTUR EN COLOMBIE : UNE DOMINATION DES PARAMILITAIRES "COSTUME-CRAVATE"
Publie le dimanche 7 octobre 2007 par Open-Publishing2 commentaires
Entretien avec Javier Giraldo, défenseur des Droits de l’Homme. Par Eugenia Garcia Raya. Frontera Cero. Source : Rebelión.
Alors qu’en Colombie les morts violentes des opposants au gouvernement continuent, le président Alvaro Uribe travaille à la « légalisation » des paramilitaires. Les liens de ces derniers avec les militaires et les politiques ont été prouvés dans les tribunaux et leurs crimes continuent à être la cause principale du déplacement interne et de l’exil des colombiens. Le défenseur des Droits de l’Homme Javier Giraldo, prêtre jésuite qui a reçu le IIIème Prix María Bandrés en 2003, continue à lutter pour les droits des victimes de la violence et particulièrement pour les droits des plus de trois millions de personnes « déplacées ».
– FC : Après des décennies de crimes, les complicités entre paramilitaires, militaires et politiques se dévoilent publiquement. Mais parallèlement, sont mis en route des projets pour « normaliser » ces paramilitaires et empêcher qu’ils ne soient jugés pour des délits atroces, comme s’il ne s’agissait que d’un « scandale » de plus que le pays peut éluder. Jusqu’où peut-aller ce processus paradoxal ?
En reconstruisant l’histoire du para militarisme en Colombie pour entrevoir son futur, on découvre une stratégie de domination aussi intelligente que perverse, avec une première phase de grands massacres et de déplacements, qui se renforce ensuite par le contrôle des structures d’organisation et de pouvoir, toujours avec un pouvoir économique monstrueux qui se légalise jusqu’à pouvoir acheter l’Etat. Cette stratégie « dose » la violence selon ses besoins. Il arrive même un moment où la diminution de la violence sert à éviter la censure internationale produite par la monstruosité de ces crimes.
Actuellement, l’impunité qu’offre Uribe au paramilitarisme tend à permettre un accès d’ores et déjà légal au contrôle de l’Etat par la voie électorale. Dans cette phase de « légalisation », il apparaît qu’ils ont tissé, par leur énorme pouvoir économique, des liens très étroits avec la classe politique traditionnelle et émergente particulièrement avec le parlement, la force publique, le pouvoir judiciaire, les partis politiques et les medias. C’est ainsi que le « scandale » qui aide à exorciser le passé devient manipulable. J’espère me tromper mais le futur prévisible, d’ici quatre ou cinq ans, c’est celui d’une domination légalisée des paramilitaires « costume-cravate » pleinement acceptés par la société et qui pourront s’exprimer à travers les médias.
– FC : Ce processus est-il compris par la société colombienne ? Comment considérez-vous le fait que le président Uribe compte, selon les médias, avec un appui majoritaire ?
Le prisme à travers lequel de grandes franges de la population comprennent le processus de légalisation paramilitaire a de nombreux composants. L’un d’eux est « la comparaison » de la violence et la stigmatisation intensive de l’insurrection : On a comparé la violence des guérillas et la violence paramilitaire pour transférer aux paramilitaires le traitement juridique et idéologique que l’on réserve aux guérilleros alors qu’en réalité, le para militarisme est le bras semi-clandestin de l’Etat. Ensuite, on a nié tout caractère politique à la guérilla pour la définir exclusivement comme « terroriste » et pouvoir nier ainsi l’existence d’un conflit social et armé. A partir du moment où on met en route la « démobilisation » paramilitaire fictive avec des mécanismes d’impunité particulièrement audacieux, on proclame la nécessité d’une « réinsertion » des violents dans des projets économiques ou sécuritaires. C’est ainsi que dans de nombreux cas, ils deviennent les porteurs de projets de « justice sociale et économique » à travers la gestion d’entreprises productives. Dans tout cela, le narcotrafic, l’argent « blanchi » et les multinationales jouent un rôle de première importance. Pendant ce temps-là, la répression à toute opposition est légitimée par le discours de la « sécurité démocratique » qui justifie les morts et les déplacements en les considérant comme des fruits des « combats » contre l’insurrection et on accuse les leaders sociaux d’être des « guérilleros déguisés ».
La fatigue de la guerre entraine de grandes masses de population à soutenir celui qui a « réussi » à faire descendre quelques chiffres de la violence et qui proclame la « sécurité démocratique ». D’un autre côté, les mouvements sociaux arrivent maintenant quasiment à bout de souffle à cause de la barbarie qui les a exterminés et de la terreur dans laquelle sont plongés les survivants. De plus, les très hauts niveaux de pauvreté offrent au gouvernement un champ fertile pour un nouveau modèle populiste : Plusieurs millions de familles reçoivent des chèques de la Présidence de la République en entrant dans des programmes d’intérêt gouvernemental ou d’action sociale en tant qu’arracheurs de coca, gardes forestiers, indics ou coopérants des forces de sécurité. Même si les ressources sont dérisoires, survivre équivaut à soutenir politiquement.
Et puis, le monstrueux pouvoir économique des paramilitaires, dont un des composants est le narcotrafic qui n’est absolument pas fragilisé, et l’avalanche de capitaux transnationaux qui envahissent euphoriquement le pays, rayonnent de projets de « progrès » auxquels de grandes masses de chômeurs se lient et qu’ils remercient ensuite par un appui politique. Mais si quelque chose a été mis en évidence ces mois derniers c’est que le pouvoir électoral d’Uribe s’est fondé sur d’énormes fraudes mises en œuvre par le para militarisme à travers des extorsions et des méthodes terriblement violentes. Tout cela donne à penser qu’une telle machine est intacte et qu’elle définira encore longtemps les processus électoraux.
– FC : Quel est le rôle joué par les organisations des victimes de cette violence ?
On ne peut pas nier que le mouvement des victimes s’est renforcé, au moins numériquement, suite aux rites de « confession » de la loi appelée paradoxalement « Loi de Justice et Paix » peut-être pour cacher ses mécanismes d’impunité aussi subtils qu’efficaces. Cette Loi a des effets d’annonce, qui ne sont pas opérationnels, sur « la vérité, la justice et la réparation » et elle a amené des milliers de victimes à secouer le silence auquel elles avaient été réduites par la terreur, elle les a amené à s’identifier comme militants et à revendiquer leurs droits. Certains se sont tellement risqués qu’ils ont été assassinés, déplacés, exilés ou réduits à nouveau à la terreur et au silence. Mais d’autres persévèrent avec entêtement.
Plusieurs rencontres ont déjà eu lieu et les rites mémoriels se sont multipliés. Certains ont décidé de participer aux procès des leaders paramilitaires, dans l’espoir, presque toujours frustré, d’obtenir un renseignement qui puisse permettre de découvrir des restes mortels ou au moins une piste sur ce que sont devenus leurs êtres chers. Beaucoup d’autres ne croient plus dans ces rites et n’attendent plus rien. Un des principaux facteurs du scepticisme vient des antécédents de corruption des hauts fonctionnaires du Ministère Public qui ont garanti l’impunité de crimes terribles. De toute façon, entre les victimes, des alternatives commencent à voir le jour. Ce sont les commissions de la vérité et les tribunaux d’opinion qui laissent de côté l’appareil judiciaire corrompu. C’est aussi l’appel aux organismes internationaux pour que la justice universelle devienne effective.
– FC : Le collectif colombien est le plus nombreux à demander l’asile en Espagne. Par ailleurs, une des plus graves crises humanitaires du monde est celle vécue par les déplacés internes colombiens. Vous avez vous-même été un déplacé et vous avez dû vous exiler à cause des graves menaces que vous aviez reçu. Etre forcé à partir de chez soi : Qu’est-ce que ça veut dire ?
Mes souvenirs de l’exil sont profondément douloureux, malgré l’énorme privilège d’avoir été accueilli fraternellement par mes frères jésuites et bien que j’ai profité de ce temps pour des projets de recherche. Les blessures morales et psychiques de l’exil entrent dans le champ de la privation de la liberté et des projets de vie les plus chers, elles affectent l’identité la plus intime et le plus humain de notre humanité. J’ai connu de nombreux réfugiés qui somatisaient ces privations d’une façon poignante. Je crois que le réfugié n’appelle pas seulement la compassion généreuse des bonnes gens, c’est aussi un sujet de droits qui transcendent les frontières des patries, chaque fois que les gouvernements du monde tolèrent et soutiennent des régimes, comme le colombien, qui produit des millions de victimes pour défendre les privilèges de minorités et, le plus souvent, pour garantir l’exploitation des ressources par des capitaux transnationaux qui profitent de ces formes de barbarie.
– FC : Il y a une méconnaissance de l’immense gravité des violations des droits de l’Homme en Colombie. Quel doit-être actuellement le rôle de la communauté internationale et en particulier de certains gouvernements européens qui semblent ambigus envers le gouvernement de Uribe ?
C’est très triste et préoccupant que la vérité de notre tragédie soit ignorée presque universellement. Mais je ne crois pas que les gouvernements européens, et les nord-américains, ignorent ce qui se passe. Les grandes agences de presse ne l’ignorent pas non plus. C’est un problème de volonté et de principes éthiques, l’opinion « publique » mondiale est régulée par d’énormes conglomérats économiques pour qui la « vérité » est une marchandise. Les énormes affaires des capitaux transnationaux en Colombie bloquent la dénonciation d’un régime qui leur ouvre ses portes et garantit leurs transactions. La population consciente et solidaire est de moins en moins nombreuse, mais toujours plus riche en humanité. J’admire profondément les organisations humanitaires, les associations et les personnes solidaires qui dénoncent cette tragédie.
Eugenia García Raya est responsable de l’Information Publique de la Commission Espagnole d’Aide au Réfugié (CEAR). http://coordinadora.popular.googlep...
Messages
1. LE FUTUR EN COLOMBIE : UNE DOMINATION DES PARAMILITAIRES "COSTUME-CRAVATE", 8 octobre 2007, 00:08
Il faut que le monde devienne plus écologique et plus propre.
Les gens ont peur de perdre leur travail ? Créons des fermes biologiques collectives un peu partout.
La salut de la Colombie viendra de la prise de conscience planétaire.
Comme ce pays est très lié aux Etats-Unis, le salut viendra peut-être des démocrates américains.
Continuez votre travail de diffusion des informations sur le net et alertez toutes les organisations en Europe, aux Etats Unis et ailleurs. Faites connaître l’histoire de votre pays. Ecrivez des livres. Ecrivez le plus possible. Il faudra bien qu’il y aiat une priise de conscience en Europe. Il en va du salut de notre planète.
1. LE FUTUR EN COLOMBIE : UNE DOMINATION DES PARAMILITAIRES "COSTUME-CRAVATE", 8 octobre 2007, 07:12
Les grands états de ce monde savent très bien ce qui se passe en Colombie. L’horreur absolue : on a envoyé des Casques bleus dans certains pays pour moins que ça, mais ils n’étaient pas soutenus par Bush, n’est-ce pas... Cela dit, je pense que le vent est en train de tourner. Uribe et ses pourris du pouvoir n’ont pas vu venir le souffle international déclenché par l’affaire Betancourt. La coup de projecteur que la Franco-Colombienne a suscité a éveillé les consciences internationales, me semble-t-il, et Uribe, le copain de Pablo Escobar (qui était d’ailleurs son cousin) est désormais découvert. Il me semble qu’il a perdu la main de tous les côtés. Bush le lâche, et il est cerné par les états voisins sud-américains, menés par Hugo Chavez.
Alors il faut en profiter et enfoncer le clou ! Dans un livre à paraître bientôt en France, "Ingrid Betancourt, une femme libre !", l’auteur décortique tout le système mafieux et paramilitaire qui tient les députés et les sénateurs colombiens par la corruption, le système de la "para-politica" et les atrocités commises pour en arriver là.
Oui : écrivons, bougeons-nous ! Le mal est au bord du goufre en Colombie : il n’y a plus qu’à le pousser pour qu’il s’écrase au fond du ravin !
Danyray.