Accueil > LES 12 ET 13 MAI, UNE GRANDE INITIATIVE DE L’IHS CGT DE L’AUDE…

LES 12 ET 13 MAI, UNE GRANDE INITIATIVE DE L’IHS CGT DE L’AUDE…

Publie le jeudi 8 mars 2007 par Open-Publishing

Cette année notre département commémore les évènements de 1907 dans le midi viticole. Beaucoup de manifestations sont prévues, expositions, conférences, spectacles et, en point d’orgue, un grand colloque international à Carcassonne. L’Institut d’Histoire Sociale de la CGT de l’Aude s’est inscrit dans cette démarche commémorative.

Cependant il a estimé que l’ensemble des manifestations prévues risquaient de présenter cette grande révolte comme un soulèvement consensuel et interclassiste où tous, propriétaires et ouvriers, luttaient pour la même cause. Aussi avons-nous pris la décision d’organiser nous aussi un colloque où les salariés auraient toute la place qu’ils méritent, sans occulter qu’ils ont, en nombre, participé au succès des manifestations. La Fédération des travailleurs agricoles du midi, dirigée par Paul Ader, a eu beaucoup de réticences et a rappelé que les grands propriétaires qui appelaient les ouvriers à participer au mouvement étaient aussi leurs exploiteurs. Rappelons un peu le contexte de l’époque.

LA VIGNE EN LANGUEDOC

La vigne n’a pas toujours été massivement présente en Languedoc. Au début du XIXe siècle, elle n’était même, souvent, cultivée que sur les plus mauvaises terres. La plaine était le domaine presque exclusif de la culture céréalière. A ceci, plusieurs raisons. D’abord, cette agriculture était héritière de l’économie vivrière. Les paysans, à l’exception des gros propriétaires ne réalisaient pour ainsi dire aucun excédent. La seconde raison était que le vin était difficile à transporter ce qui le rendait cher. Les propriétaires de vignes préféraient donc distiller leur production ce qui permettait de réduire les volumes et donc les coûts de transport.

La première industrialisation de la France rendait possible le décollage de l’économie viticole. En effet le chemin de fer permettait dès la deuxième moitié du XIXe siècle, de transporter massivement les barriques. D’autre part, les nouvelles couches urbaines, et en particulier les ouvriers, fortement consommatrices d’un vin peu cher et à faible teneur en alcool – 9 à 10° – dopaient considérablement la demande. Toutes les conditions étaient réunies pour l’inexorable descente du vignoble dans la plaine où l’on se mit à planter des ceps avec d’autant plus de frénésie que la culture de la vigne était beaucoup plus rémunératrice que celle du blé pour laquelle les paysans d’ici ne pouvaient rivaliser avec les grandes régions céréalières. Enfin, dans le dernier tiers du siècle, le phylloxéra ravage le vignoble en épargnant le sud de la région (Aude et PO en particulier) ce qui a pour conséquence d’accélérer encore la plantation de vignes dans les zones non touchées afin de pallier le manque de vin dû aux ravages de l’insecte xylophage dans les régions du « nord » et dans la vallée du Rhône.

UNE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE SANS PRECEDENT

La vigne est une culture peuplante. En quelques années les communes de la plaine narbonnaise et des basses Corbières doublent, et parfois plus, leur population. Nos villages accueillent donc massivement des migrants chassés par la faim et la misère de leurs régions d’origine : les Pyrénées, la Montagne noire, l’Auvergne… Ces migrants trouvent ici du travail comme ouvriers agricoles ou d’autres professions qui se développent avec la prospérité viticole : maçons, menuisiers, plâtriers, nécessaires pour réaliser les obligatoires extensions des villages, bourreliers, tonneliers, maréchaux-ferrants dont la nouvelle économie a besoin.

UNE ECONOMIE EN CRISE

A la fin du XIXe siècle, après que l’Aude ait à son tour été la proie du phylloxéra et qu’elle ait réussi plus vite qu’ailleurs à cette crise, profitant des recherches déjà effectuées, le vignoble est reconstitué, en particulier avec des « plants américains », résistant à la maudite bestiole. Oui mais voilà, la demande fléchit, nos vins sont concurrencés par ceux d’Algérie et par ceux des autres régions où la fraude s’est installée et où les grandes entreprises capitalistes de production de sucre réalisent d’éhontés profits dans le sucrage du vin… Les cours s’effondrent et les premiers à trinquer sont les ouvriers dont les salaires baissent de façon conséquente. Au début du siècle, les cours remontent mais pas les salaires. Les ouvriers agricoles qui commencent à s’organiser, s’en émeuvent.

En 1903 ils créent la Fédération CGT des travailleurs agricoles du Midi (FTAM). Dès le fin de cette année la grève éclate dans l’Hérault et les PO. Le 1er janvier 1904 elle touche Cuxac d’Aude sous l’impulsion de Paul Ader, un de ces migrants évoqués plus haut, un Ariégeois qui devient cette année-là secrétaire de la FTAM. 

La grève s’étend à tout le département pour, au total, mettre en mouvement 7800 ouvriers dont 1100 femmes et une centaine d’enfants. A Coursan, par exemple, ce sont 1000 grévistes dont 250 femmes qui sont en grève pendant 9 jours. Ces grèves sont très suivies et pour la plupart couronnées se succès. Les revendications portent sur les salaires pour lesquels les grévistes obtiennent jusqu’à plus de 60 % d’augmentation et sur le temps de travail qui est réduit de façon significative ce qui majore encore plus les salaires horaires.

En décembre, constatant que beaucoup de propriétaires ne respectent pas les accords signés auparavant, la FTAM lance un appel à la grève générale. Celle-ci est beaucoup plus dure que celles du début 1904 mais ne donne pas d’amélioration à la situation déjà acquise. 1904 marque l’entrée en lutte de ces salariés de la viticulture et leur organisation. Dès sa création, la fédération compte plusieurs milliers d’adhérents. Des syndicats c’ouvriers agricoles comme celui de Cuxac rassemblent plus de 200 camarades, presque le double à Coursan…

LA REVOLTE DES GUEUX

Cependant, les cours du vin se sont à nouveau effondrés. Le vin ne se vend plus. Pour Marcellin Albert à la tête des 87 d’Argeliers, c’est la faute aux fraudeurs. Ses propos suscitent de plus en plus d’intérêt de la part des viticulteurs victimes ce cette dépression économique. Les réunions se succèdent dans les villages et villes, à partir du 31 mars, toujours un dimanche… Dès le 14 avril, ce sont de véritables meetings : Coursan, plus de 5000, Capestang, 10000, Lézignan, 20000. Le 5 mai à Narbonne, ils sont 80000 à écouter Marcellin Albert mais aussi Ernest Ferroul, maire socialiste de la ville et qui se positionne alors comme un leader du mouvement. La foule est de plus en plus importante… 120000 à Béziers, 170000 à Perpignan, 220000 à Carcassonne, 300000 à Nîmes et, le 9 juin, 600000 à Montpellier !

Le Comité d’Argeliers lance le lendemain la grève de l’impôt. Les municipalités qui soutiennent les vignerons, démissionnent une à une. Le 19 juin les esprits s’échauffent lors de l’arrestation de Ferroul. Des coups de feu partent. Louis Ramon, un ouvrier maçon, militant de la Bourse du Travail, tombe. Il est la première victime. Le lendemain, place de l’hôtel de ville la troupe tire sur la foule. La fusillade fait 5 morts. A la nouvelle des tragiques évènements, le 17e Régiment d’infanterie, composé de soldats de la région, se mutine, quitte la caserne d’Agde et se rend à Béziers pour « protéger la population » des balles de Clémenceau. Gouvernement d’assassin ! C’est le titre que la CGT nationale choisit pour l’affiche qu’elle fait éditer suite aux fusillades de Narbonne…

On le voit, ces évènements sont riches. Mais à leur évocation se pose la question, centrale pour nous, car ils constituaient plus de la moitié de la paysannerie, « Et les ouvriers ? ». C’est donc pour tenter de répondre à cette question que nous organisons ce colloque… Riche et sérieux par la qualité des intervenants, il n’a de sens pour nous, que s’il devient le colloque de l’ensemble de la CGT du département. C’est à nous tous qu’il incombe à présent de faire en sorte que ce soit une réussite.

Xavier VERDEJO, IHS CGT AUDE
xavier.verdejo@wanadoo.fr

COLLOQUE DE L’INSTITUT D’HISTOIRE SOCIALE CGT DE L’AUDE
LES OUVRIERS AGRICOLES ET 1907 : DES LIENS COMPLEXES.
PLACE ET RÔLE DES OUVRIERS DANS LE MIDI EN CRISE.
LES 12 ET 13 MAI 2007 A NARBONNE – BOURSE DU TRAVAIL.

Samedi 12 mai, matin : OUVRIERS AGRICOLES EN GREVE AU DEBUT DU XXe SIECLE.
Présidence d’Anne GARRETA, membre du Bureau fédéral de la Fédération nationale agroalimentaire et forestière (FNAF)CGT

Accueil à partir de 9 h.
9 h. 30. Introduction par Alain JOB, Président de l’IHS CGT de l’Aude, ex-secrétaire général de l’UD CGT de l’Aude : La CGT et l’Histoire.
Trois interventions. Jean-Louis ESCUDIER, chercheur, chargé de recherches au CNRS, laboratoire montpelliérain d’économie théorique et appliquée (LAMETA) : Les ouvriers viticoles du Bas-Languedoc en grève autour de 1907 ; Michel CADE, Professeur à l’Université de Perpignan Via Domitia : Les grèves agricoles de 1904 dans les Pyrénées-Orientales ; Jean SAGNES, Professeur émérite, Université de Perpignan : Chansons de grèves ouvrières en Languedoc viticole (1904-1933).
Questions et débat

12 h. 15. repas dans les jardins de la Bourse (inscription au préalable).

Samedi 12 mai, après midi : LES TRAVAILLEURS DE LA TERRE, LEUR PRODUIT, LEUR CONDITION, LEUR ORGANISATION.
Présidence de Magali ASTRUC, UL CGT Narbonne.

14 h. Trois interventions. Lise COLLANGE, chercheure/animatrice à l’Institut de recherches et d’études des salariés agricoles (IRESA/FNAF CGT), Montreuil : Nommer, désigner les ouvriers agricoles entre 1861 et 1971 ; Freddy HUCK, Président du bureau de la FNAF CGT, ex-secrétaire général : Histoire de la Fédération agroalimentaire CGT ; Jean-Louis ESCUDIER, chercheur INRA, Pech Rouge, Gruissan : Le vin, qu’est-ce que c’est ?
Questions et débat

16 h 40. Table ronde animée par Elyane BRESSOL, Secrétaire de l’IHS CGT national, membre du Conseil économique et social, sur le thème « Viticulteurs, salariés de l’agriculture, quelle vision d’une économie en crise ? » Invités : CGT, CFDT, FO, MODEF, CONFEDERATION PAYSANNE, FDSEA, SYNDICAT DES VIGNERONS

A partir de 19 h 30 : Repas et spectacle à la CCAS EDF-GDF de Gruissan. (inscription avant le 30 avril 2007, plus tard sous réserve de places disponibles). Hébergement possible à la CCAS.

Dimanche 13 mai, matin : QUELQUES QUESTIONS AUTOUR DE 1907.
Présidence du Comité Régional CGT

9 h. Deux interventions. Laura FRADER, professeur à la Northeastern University de Boston (Etats-Unis) : Le genre et la classe dans les vignobles : le Narbonnais au début du XXe siècle ; Rémy PECH, Professeur à l’Université de Toulouse-Le-Mirail : Les ouvriers viticoles du Narbonnais entre ferroulisme et syndicalisme révolutionnaire.
Questions et débat.

10 h 40. Deux interventions. Bernard BEAULIEU, responsable CGT, Champagne : Autre région, autre problématique, la révolte des vignerons champenois de 1911 ; Xavier VERDEJO, Professeur à Narbonne, Responsable du conseil scientifique de l’IHS CGT de l’Aude : Salut à vous ! La question de l’antimilitarisme à la CGT avant 1914.
Questions et débat

12 h. Patric GREZE, Responsable de l’UD CGT Aude : Conclusions.

12 h. 20. Fin du colloque. Apéritif vigneron.

Avec le soutien de : UL CGT Narbonne, UD CGT Aude, Comité Régional CGT Languedoc-Roussillon, FNAF CGT, l’IRESA, l’IHS des P.O., la CCAS EDF-GDF, l’INRA, le Conseil Général de l’Aude…