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LES DROITS DE L’HOMME OU LES AFFAIRES SONT LES AFFAIRES ? LA FRANCE UMP vue d’ailleurs

Publie le lundi 10 décembre 2007 par Open-Publishing

Monde (tribune de genève)

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Tapis rouge pour Kadhafi
DIPLOMATIE | 00h05 Le dictateur libyen commence aujourd’hui sa visite officielle à Paris. A la clé, des milliards en contrats, une reconnaissance politique et une polémique interne à la France.
JEAN-NOËL CUÉNOD | 10 Décembre 2007 | 00h05

Le guide suprême de la Libye va donc planter sa tente à Paris. Au sens propre du terme. En effet, le colonel Mouammar Kadhafi, où qu’il se trouve, sacrifie toujours à sa tradition bédouine en recevant ses invités sous toile. Le camping n’étant pas aisé au centre de la capitale française, c’est finalement sur la pelouse de l’hôtel Marigny que le chapiteau présidentiel sera monté.

Le potentat de Tripoli a également émis une série de souhaits ardents que le Service du protocole de l’Elysée va s’échiner à satisfaire durant ce séjour de cinq jours. Qu’on se rassure. Aux dernières nouvelles, les gardes républicains ne seront pas forcés de défiler à dos de dromadaires.

De l’avis général, cette visite constitue pour Kadhafi un « retour sur investissement » pour la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien jetés dans les geôles libyennes sous de fallacieuses accusations. C’est l’avis, notamment du -socialiste Pierre Moscovici président de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions de cette « relaxe » des infirmières bulgares : « Le véritable prix de la libération, c’est la visite effectuée par le président Sarkozy à Tripoli et c’est la visite du colonel Kadhafi à Paris. Le chef de l’Etat libyen est reçu dans une grande capitale occidentale. Il est réintroduit à un très haut niveau dans la communauté internationale en étant ainsi adoubé par la France », a-t-il expliqué au Monde. Ce séjour officiel est d’autant plus important pour Kadhafi que les autres puissances occidentales n’acceptent toujours pas la venue du chef libyen sur leur sol.

Les députés socialistes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils boycotteraient la visite de Kadhafi à l’Assemblée nationale. Quant au président du MoDem (centre d’opposition) François Bayrou, il a déclaré que ce déplacement du dictateur était « indigne de la France et indigne pour la France ».

Kouchner s’insurge
Quant au ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner (d’origine socialiste), il ne parvient pas à avaler la couleuvre libyenne. Dans une interview à La Croix qui paraît aujourd’hui, il prend pour la première fois ses distances avec le président Sarkozy : « Il n’est pas question d’oublier au nom de la « realpolitik », les victimes du régime libyen. »

Sur le plan médiatique, cette visite intervient au mauvais moment. L’heureux effet de -surprise de la libération des infirmières est maintenant passé. De plus, lors de leur audition devant la commission d’enquête parlementaire française les anciennes prisonnières du régime de Tripoli ont décrit l’enfer qu’elles ont vécu pendant huit ans et demi, enfer partagé par le médecin palestinien aujourd’hui naturalisé bulgare. Les tortures physiques et psychiques subies dépassent en intensité ce que l’on croyait -jusqu’alors.

De bonnes affaires
Le président Nicolas Sarkozy a publiquement défendu son point de vue ce week-end : « Si nous n’accueillons pas les pays qui prennent le chemin de la respectabilité, que devrions-nous dire à ceux qui prennent le chemin inverse ! J’avais posé un postulat, je n’irais en Libye que lorsque les infirmières seraient libérées. C’est ce que j’ai fait. »

Si ce voyage permet à la Libye de réaliser une belle opération diplomatique, il donnera l’occasion à la France de faire de bonnes affaires. Tripoli achètera des Airbus pour au moins 3 milliards d’euros. Et les entreprises d’armement vont signer des commandes qui se compteront également en milliards d’euros.

Après les félicitations empressées du président Sarkozyà Poutine, la nouvelle « realpolitik » soulève une fois de plusdes polémiques. Qui serontsans doute oubliées si, grâce à elle, la France obtient enfin les points de croissance qui lui manquent.