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LES LUMIÈRES EN DÉBAT : Paris, 21 novembre 2006

Publie le mardi 14 novembre 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

Dans quelle mesure les Lumières du XVIIIème siècle peuvent-elles avoir une actualité en ce début de XXIème siècle ? Mais quelles Lumières ? Quelle redéfinition des Lumières doit-on engager à l’aune des expériences historiques, des enjeux du présent et des défis de l’avenir ? Le n° 17 de la revue ContreTemps (septembre 2006) a ouvert le débat, le nouveau livre de Régis Debray le prolonge.

Un dialogue public entre :

* Régis DEBRAY, écrivain, philosophe, auteur de Aveuglantes Lumières -
Journal en clair-obscur (éditions Gallimard, novembre 2006)

* Sophie WAHNICH (historienne, CNRS) et Philippe CORCUFF (politiste, IEP de
Lyon), coordonnateurs du dossier "Lumières : actualités d’un esprit" du n°17 de la revue ContreTemps (septembre 2006, éditions Textuel)

Mardi 21 novembre 2006 - 21h-23h

Auditorium de la Maison de l’Amérique Latine (217 bd Saint-Germain - Paris 7° - Métro : Solférino)

Organisé par la revue ContreTemps (éditions Textuel)

* Extrait de « Fragiles désirs de Lumières radicalement contemporaines » de Philippe CORCUFF et Sophie WAHNICH, introduction du dossier du n°17 de la revue ContreTemps (septembre 2006) :

« Le temps présent peut-il se passer des Lumières comme expérience de la pensée critique et comme esprit politique ? Après les critiques des Lumières au cours du XXème siècle, comment réinventer une place pour cette tradition intellectuelle et politique, pourquoi ? Ce dossier de ContreTemps pose donc le problème de l’actualité des Lumières en notre époque brouillée. Mais pas l’actualité de n’importe quelles Lumières, mais de Lumières radicales pour lesquelles les ordres sociaux existants ne sont pas indépassables, pour lesquelles changer le monde demeure une tâche à reprendre infiniment et de manière urgente.

Les Lumières radicales, telles que nous les entendons, ne sont pas nécessairement des Lumières arrogantes, surplombantes, avides de certitudes et d’absolu. Ce sont des Lumières profondément travaillées par les fragilités historiques de la condition humaine. Tout d’abord, parce qu’elles sont passées par les filtres critiques de l’histoire, des XVIIIème, XIXème et XXème siècles. Et que ces tumultes de l’histoire appellent une réflexion critique des Lumières sur elles-mêmes. Mais l’auto-réflexion critique des Lumières n’est-elle pas déjà incorporée, dès ses premières manifestations, au programme des Lumières ? Et puis, dès le XVIIIème siècle également, les Lumières renvoient à des sentiments d’humanité confrontés à l’inquiétude, à l’impossible, au fragile. Les justes Lumières, nos justes Lumières, c’est la puissance du désir d’inventer un monde, confrontée à toutes les résistances psychiques et sociales qui font obstacle à ce désir. Ce désir, ces désirs sont discontinus, mais on peut en observer des potentialités aujourd’hui, par exemple dans l’amorce de constitution d’une volonté populaire contre le technocratique Traité Constitutionnel Européen lors du référendum de 2005. Certes ces désirs rencontrent des obstacles, et ces obstacles sont parfois identiques, parfois fondamentalement différents. C’est à ce titre qu’il y a à articuler des îlots d’analogies entre différents moments historiques où cette question des Lumières surgit. Comment faire, comment s’orienter dans la pensée, dans la politique, quels garde-fous inventer face à la cruauté humaine, quels dispositifs historiques pourraient en transformer la donne, comment relancer les dés de l’universalisable face à la marchandisation du monde, etc. L’actualité des Lumières, de Lumières radicales et fragiles, relance le questionnement critique et pratique, à l’inverse de l’embaumement, de la mythologisation ou de la diabolisation. »

* Extraits d’Aveuglantes Lumières - Journal en clair-obscur (Gallimard, 2006), de Régis DEBRAY :

 « Convenons qu’au fil de nos déboires s’est accru un assez gênant décalage entre la silhouette de l’émancipé conforme (à découper en pointillé dans le manuel scolaire) et les malheureux que nous sommes, sujets consentants (et souvent ravis) à toutes sortes d’entreprises post-industrielles de crétinisation des masses. »

 « Notre fourre-tout terroriste nous endort. Ou fanatisme. L’épouvante devant certains actes insoutenables escamote ce qu’ils supposent de désintéressement et d’esprit de sacrifice (drogues dont nous n’abusons pas nous-mêmes, c’est vrai). Le sommeil de la raison chez les gens raisonnables tapisse nos chambres closes de monstres surnuméraires, comme si nous n’avions pas déjà notre compte. Il y a tant de mots-œillères, repoussoirs commodes et paresseux qui, se faisant passer pour des diagnostics, dispensent de toute recherche de cause et d’antidote. »

 « Réveillons-nous et cherchons l’après-Lumières qui ne devrait plus rien aux Anti-Lumières, et sera la plus sûre façon d’en triompher. Sur ce chemin-là, il y a des risques et des coups à prendre : blasphémer le saint nom de Voltaire, entre autres impiétés. »

Site de la Maison de l’Amérique Latine : http://www.mal217.org/agenda/agenda.cfm?id_agenda=1672

Site de la revue ContreTemps : http://www.contretemps.ras.eu.org/

Site des Editions Textuel : http://www.editionstextuel.com

Messages

  • "Réveillons-nous et cherchons l’après-Lumières qui ne devrait plus rien aux Anti-Lumières, et sera la plus sûre façon d’en triompher. Sur ce chemin-là, il y a des risques et des coups à prendre : blasphémer le saint nom de Voltaire, entre autres impiétés. »
    on a ici "en concentré" toute l’indigence et la bêtise de ces petits et petites messieurs dames...

  • Ah la France des Lumières....Je me demande ce qu’en pense les Ivoiriens et et les Togolais !

    • Les Lumières, c’est l’ouverture de la possibilité ouverte à tous du déploiement d’une raison critique individuelle contre les préjugés et les ordres sociaux oppressifs : "par les seules lumières de la raison, et indépendamment des dogmes sacrés qui donnent à l’autorité souveraine la sanction du droit divin", écrit Rousseau contre les inégalités sociales dans son "Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes" (1755). Les Lumières critiques, c’est donc aussi la possibilité de la critique de la justification par des hommes des Lumières de l’oppression (esclavage, colonialisme, domination masculine, etc.). L’ironie si facile contre les Lumières, qui s’exprime dans ces post, participe donc aussi des Lumières...

      Quand aux intellos qui passent à la télé (comme Régis Debray), il arrive qu’ils soient plus pertinents que les sous-intellos-sous-critiques qui passent sur internet...

      Y aurait pas un problème d’éclairage aujourd’hui ?

      Lampadaire isolé

  • Le Siècle des Lumières, c’est aussi un très beau roman du cubain Alejo Carpentier.

    Mais c’est d’abord, la rupture d’avec la croyance en une supériorité divine.
    C’est l’explosion de la notion de liberté, de plaisir, de joie, de bonheur, maintenant, tout de suite. C’est la remise en question des pouvoirs absolus, des aristocraties. C’est déjà le début du féminisme avec Condorcet. C’est l’exigence de penser par soi-même, c’est la lutte contre la pensée unique chrétienne, c’est l’avènement de l’esprit scientifique, c’est le terreau de la révolte et de la révolution.
    C’est ce qui restera en travers de la gorge de tous les réactionnaires, de tous les empêcheurs de jouir du temps qui passe, de tous les agenouillés, de tous les nantis qui entrent en transes dès qu’on évoque ces Lumières qui crèvent l’obscurité des dogmes monothéistes.
    Bien sûr, Voltaire est déiste, bien sûr Rousseau n’est pas toujours à recommander, bien sûr Condillac, La Mettrie, Diderot, d’Alambert ont des faiblesses... Qui n’en n’a pas ! Mais peut-être que le monde se porterait un peu mieux si, les hommes et les femmes politiques qui sont à la tête des états d’aujourd’hui avaient eu connaissance et compris ce que signifie Lumières.
    Quant au monde musulman, il est encore en attente de philosophes éclairés, ce qui le conduit à dériver vers le sucicide collectif pour le plus grand malheur des hommes et des femmes de notre planète.
    Enseigner les Lumières, dans certains quartiers relève du suicide. On peut mesurer à quel degré de stupidité et de refus de penser l’on en est arrivé.
    Les Lumières, c’était aussi et surtout une invitation à réfléchir, à penser, à s’instruire, à apprendre. Tout à rebours de ce dont ont besoin les religions pour se développer. On comprend mieux pourquoi, d’aucuns haïssent cette période de la pensée humaine. Encore maintenant. Et combien, paradoxalement elles sont toujours et plus que jamais d’actualité.

    Max Angel