Accueil > LES MARX BROTHERS AU POUVOIR ?
de JEAN-LUC GONNEAU
Les cinéphiles, et au-delà, connaissent la réjouissante capacité des Marx brothers de semer la pagaille en toutes circonstances et l’hilarante, et impitoyable, capacité de destruction de Stan Laurel et Oliver Hardy. On pourrait compléter ce panorama cinématographique avec des références hexagonales aux spécialistes du dézingage que furent les Branquignols de Robert Dhéry et à la furia ravageuse du Louis De Funès des meilleurs jours, dont la similitude d’attitude en gendarme avec celle de l’actuel ministre de la police a récemment fait sourire, photos à l’appui, un paquet d’internautes.
L’actuel gouvernement possède, de manière hallucinante, les mêmes capacités à semer la pagaille, à détruire impitoyablement, à dézinguer tout ce qui fonctionne encore et à ravager le paysage social, voire le paysage tout court. Différence majeure : nos ministres ne sont ni hilarants, ni réjouissants.
Mais leurs capacités de dézingage tournent à plein régime pendant l’été, hors de tout contrôle démocratique. Attaque frontale du code du travail avec l’installation du contrat à l’essai de deux ans (réservé pour l’instant, appréciez le pour l’instant aux entreprises de moins de 20 salariés). Mépris du droit syndical avec la non comptabilisation des nouveaux salariés de moins de 26 ans dans les effectifs ouvrant les seuils sociaux. Mépris dans cette même mesure des jeunes travailleurs concernés, qui, d’une certaine façon, comptent pour du beurre. Voilà pour Villepin, Dutreil et Borloo, dont le « concept » de cohésion sociale est pour le coup mis au grenier. Nettoyage des individus malfaisants, assimilés à des insectes ou à des rats, bonjour l’humanisme ; soumission des juges à la logique policière ; porte ouverte à la bétonisation « touristique » du littoral corse, voilà pour Sarkozy, et Clément ; réduction du périmètre de la fonction publique et chasse aux ordonnances obsolètes datant de l’ancien régime pour rigoler un peu, voilà pour Copé ; mise à l’encan de l’essentiel du réseau routier, en refilant les routes nationales aux départements sans leur donner les moyens d’y faire face et en bradant les autoroutes au privé, voilà pour Breton, et on en passe.
Mépris, au total, et pour toute la bande, du suffrage populaire. Le non de la gauche le 29 mai, les vestes par eux ramassées en 2004 n’auraient servi de rien ? Les coups fourrés de l’été sont devenus une tradition nationale, au point qu’il faudrait peut-être envisager une neutralisation de cette période pour toute décision engageant l’avenir. Mais ils ne perdent rien pour attendre, les Marx brothers pas drôles du gouvernement. Septembre approche, et il nous reviendra, collectivement, de donner de la voix et de la proposition. Ils mettent le pays à feu, évitons que ça aille au sang, préparons l’alternative avant que les désespoirs accumulés n’entraînent l’apathie ou de sombres aventures.
Pendant que nos branquignols livides s’activent, leurs chefs, réels ou supposés, demeurent marmoréens. Le bonze élyséen espère peut-être qu’il ramassera la mise en jouant le pompier des feux que ses séides allument avec enthousiasme. Et tant le capo di capi du patronat européen, baron bien connu ici, que sa bras droite du MEDEF demeurent d’une admirable discrétion, engrangeant avec flegme les bénéfices attendus de tout ce charivari qui n’a de raison que la leur.
Et pendant ce temps là, François Hollande, encore chef de l’encore principal parti de la gauche compte et recompte les mandats du prochain congrès.