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La France, terre de « quotas »

Publie le samedi 22 septembre 2007 par Open-Publishing

Alors que Nicolas Sarkozy évoque la mise en place de quotas pour les immigrés, la défenestration d’une Chinoise à Paris illustre le durcissement de la traque aux sans-papiers.

de C.C.

Verra-t-on fleurir un jour des petites annonces du type : « La France offre un titre de séjour à 3271 informaticiens indiens et 514 ingénieurs chinois » ? Brice Hortefeux l’avait annoncé lors de la présentation de son projet de loi sur la maîtrise de l’immigration à l’Assemblée en début de semaine. Sarkozy a été plus précis, jeudi, à la télé. Le gouvernement envisage la mise en œuvre de quotas d’immigrés. Lesquels ? Et selon quels cri­tères ? La réponse est floue. « Je souhaite que nous arrivions à établir, chaque année, après un débat au Parlement, un quota, avec un chiffre plafond d’étrangers que nous accueillerons sur ­notre territoire », a déclaré le Président. Précisant : « Je souhaite également que, à l’intérieur de ce chiffre plafond, on réfléchisse à un quota par profession, par catégorie. » « Et puis, naturellement, un quota par région du monde », a-t-il ajouté. Objectif maintes fois répété : augmenter l’immigration « choisie », celle des travailleurs qualifiés, et limiter drastiquement l’immigration « subie », familles et conjoints étrangers de Français. Cette politique passe également par une traque sans faille des clandestins qu’il n’est pas question, au moins officiellement, de régulariser. Des objectifs chiffrés ont été fixés aux préfectures - 125 000 arrestations en 2007 pour atteindre 25 000 expulsions - au risque de provoquer des drames, comme la défenestration ­jeudi d’une Chinoise sans papiers.

Distinction. Sur la question des quotas, la formulation du Président est tâtonnante. On ne sait pas s’il veut sélectionner les étrangers selon leur profession ou en fonction de leur nationalité. La distinction est importante. Légalement, la France peut fixer des quotas par branche d’activité ou par profession sans risquer l’inconstitutionnalité, même si des chercheurs doutent de l’efficacité de la mesure. « Quand vous annoncez un chiffre, les gens se ­disent : Je peux le faire. Ce qui a pour effet induit de créer de l’immigration illégale », af­firme l’historien Patrick Weil. Sélectionner les immigrés selon leur nationalité pose, selon lui, d’autres problèmes. « Dire : Je préfère des Asiatiques ou des Américains serait contraire à la Constitution. C’était le sys­tème américain jusqu’en 1965 mais cela a été aboli car les Etats d’origine protestaient. » La France va-t-elle répéter l’erreur américaine ? Devant les députés, le ministre de l’Immigration a déclaré que le ­gouvernement envisageait « une modification constitutionnelle » avec pour objectif « la définition de plafonds chiffrés d’immigration, à caractère normatif, afin de parvenir à une maîtrise globale de l’immigration et d’atteindre un équilibre entre les composantes écono­mique et familiale, ainsi qu’entre les grandes régions d’ori­gine ». Vendredi, ses ser­vices refusaient de se montrer plus précis.

« Marchandises ». Côté PS, la perspective de quotas n’a suscité que deux réactions, plutôt positives. François Hollande a estimé que l’on pouvait « regarder » cette idée, et Manuel Valls, député de l’Essonne, a prôné la mise « sur la table de [cette] question ». Les associations en revanche ont protesté. Le Réseau éducation sans frontières (RESF) observant qu’ « il s’agit de vies humaines et pas de cheptel », et Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme, que « c’est une manière de traiter les étrangers non comme des personnes, mais comme des marchandises ». « Nous sommes dans une logique d’immigration jetable et corvéable », a déclaré Mouloud Aounit du Mrap, Dominique Sopo de SOS Racisme faisant observer que, « lorsque Nicolas Sarkozy prétend rééquilibrer immigration familiale et économique, il faut rappeler quelques réalités : aujourd’hui, ce n’est pas qu’il y a trop d’immigration familiale, c’est qu’il n’y a plus d’immigration écono­mique car les vannes ont été fermées depuis la crise de la fin des années 70 ».

http://www.liberation.fr/actualite/societe/280166.FR.php