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La Loire-Atlantique en a marre de broyer du noir à cause de Total
Publie le mercredi 19 mars 2008 par Open-PublishingDimanche, un incident à la raffinerie de Donges a provoqué l’écoulement de centaines de tonnes de fuel dans l’estuaire de la Loire. Exaspérés, les habitants manifesteront samedi.
de Nicolas de La Casinière
Sale temps pour les bécasseaux variables et les avocettes élégantes de Loire-Atlantique. Leurs plumes sont tartinées de goudron. Mais les oiseaux, en pleine période de migration, n’ont pas de mémoire. Pas comme les riverains de l’estuaire de la Loire, qui ont vite senti la moutarde leur remonter au nez.
Dimanche soir, une canalisation de remplissage du cargo Ocean Quest a cédé à la raffinerie Total de Donges (Loire-Atantique). Fuite immédiate dans les eaux et les vases de la Loire. Malgré les barrages flottants et le pompage immédiat, la « fuite de carburant » est vite passée de l’incident à l’émoi.
L’histoire récente de l’Erika, la géographie de cet estuaire classé Natura 2000, et le nom du pollueur, Total, tout rend cette pollution très sensible pour les habitants de la Loire-Atlantique. Le souvenir des plages souillées par la cargaison du cargo en décembre 1999 est aussitôt remonté à la surface. C’était à dix kilomètres de là, et c’était déjà Total le responsable.
Annonces officielles
Cette fois, les annonces officielles ont d’abord parlé de 400 tonnes de fuel déversé, puis seulement de 100 tonnes, le reste ayant été récupéré au plus près de la raffinerie. Mardi, il s’agissait officiellement d’« irisations et de traces de pollution diffuses » dans l’embouchure de la Loire et en mer. Aujourd’hui, après survol par un avion des Douanes, la préfecture parle de « très grande dispersion du polluant à la surface des eaux ».
Deux chalutiers tentent de prendre ce produit pétrolier dans leurs filets spécialisés pour la pêche à la marée noire. Hier, ils ont récolté une tonne et demie de fuel. Au large, le navire Argonaute de la Marine nationale tente - vainement - de pomper quelques nappes éparses. Sur les berges, la zone la plus touchée est la rive sud, en face des installations de la raffinerie de Donges. Les plages sont fermées au public, la pêche est interdite, tout comme les activités nautiques.
Barrages flottants et équipes de nettoyeurs
Total s’excuse et annonce que le groupe paiera les nettoyages, mais ne dit rien sur la composition et la toxicité de ce fuel gluant. Pour l’Erika, des volontaires chargés du nettoyage des plages avaient dû consulter leur médecin après des problèmes respiratoires et cutanés. « Il s’agit d’un fuel lourd et toxique, qui ne doit être manipulé qu’avec les plus grandes précautions, gants en néoprène, combinaisons jetables en polyéthylène, port d’un masque et de bottes en PVC », prévient la préfecture. Aucune bonne volonté n’est acceptée.
200 nettoyeurs - pompiers, agents de la protection civile et intérimaires embauchés spécialement dans des sociétés de nettoyage - s’échinent contre le pétrole visqueux dans les rochers et les plages autour de Paimboeuf. Des barrages flottants ont été installés pour protéger les marais salants de Guérande et devant la zone humide du Carnet. La préfecture pense que tous ces nettoyages seront terminés vendredi.
"Marche de la colère", samedi à Saint-Nazaire
La population locale est plus méfiante, qui est excédée par cette nouvelle mésaventure, huit ans après celle de l’Erika. Une « marche de la colère » est appelée samedi à Saint-Nazaire par les collectifs anti-marée noire, toujours actifs depuis le naufrage de l’Erika en décembre 1999. Député Verts de Nantes, François de Rugy demande une commission d’enquête parlementaire sur la sécurité des installations portuaires. « Près de trente kilomètres de berges sont souillées », notent les association de défense de la nature, Bretagne Vivant, la Ligue de protection des oiseaux et Bretagne vivante. La zone est particulièrement critique, puisque les eaux sont brassées par le cumul des mouvements de marée et du courant du fleuve.
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