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La Reunion : aller plus loin que le Plan de cohésion sociale
Publie le jeudi 28 octobre 2004 par Open-PublishingLe Plan départemental de cohésion sociale a été adopté hier à la majorité par les élus du Conseil général. Les deux groupes de l’opposition, Alliance et Parti socialiste, se sont abstenus lors du vote, estimant que le Département n’a pas les moyens de son ambition.
Chacun était hier sur son trente-et-un et tout le monde a voulu prendre la parole. Exceptionnellement, l’assemblée plénière du Département, à laquelle assistait le préfet, a intégralement été diffusée sur Tempo.
Les partenaires du Plan départemental de cohésion sociale ont pu suivre les débats. Le projet a été adopté à la majorité. Les élus de l’opposition se sont abstenus, pour marquer leur réserve quant à la réalisation des bonnes volontés du Département.
"Une lueur d’espoir"
Nassimah Dindar a présenté ce plan comme un programme d’action en faveur de la population réunionnaise et des plus démunis, à la recherche d’un équilibre social pour réduire les handicaps du quotidien.
Sa réussite dépend de la détermination de tous, a-t-elle insisté : "Ce n’est pas une solution miracle, mais un élan nouveau, une lueur d’espoir pour une société plus juste".
Le préfet Dominique Vian, qui lui-même souhaite une nouvelle initiative pour l’emploi, a assuré la collectivité de trouver en lui "un relais loyal auprès du gouvernement". Il se félicite de voir le Département de La Réunion mener "le premier plan départemental décentralisé" et voit dans le Plan Borloo "un plan français, européen, pour reconstruire un lien social". Et il se réjouit d’assister à la naissance d’un projet réunionnais puisque de son côté la Région travaille à un Schéma de développement économique.
L’initiative de la présidente du Département a été saluée par tous, dans sa méthode, puisque comme l’ont noté les rapporteurs des ateliers et les élus, elle a permis un certain décloisonnement, invitant tous les partenaires sociaux à travailler ensemble.
Les critiques pointent principalement le manque de temps pour la concertation, l’absence de diagnostic préalable dans les domaines étudiés et les risques de superposition des nouveaux dispositifs avec les anciens.
Jean-Louis Lagourgue demande une action plus forte dans la lutte contre l’illettrisme et propose d’accentuer la lutte contre l’alcoolisme en taxant les alcools, au même titre que le tabac.
Égalité des droits, plutôt que des chances
Maurice Gironcel et les élus du groupe Alliance et apparentés ont fait part une nouvelle fois de leurs inquiétudes quant à la capacité du Département de disposer des moyens financiers pour mener à bien sa politique dans un contexte mondial où l’élargissement de l’Europe, la diminution du budget de l’Outre-mer et la hausse des prix du pétrole pèsent sur l’avenir de La Réunion.
Il regrette que les nouveaux contrats proposés par le Plan Borloo soient de nouveaux contrats précaires (CA, CIVIS, CIRMA). Soulignant que le secteur marchand ne peut suffire à combattre le chômage, il déplore également la diminution du nombre d’emplois aidés.
Pour aller plus loin, il propose au Département de s’engager vers "une politique globale du développement de La Réunion par la création d’un groupe de travail, en dehors des partis, rassemblant les élus, les forces syndicales et les associations de chômeurs". Les propositions émanant de cette commission seraient alors relayées à l’Assemblée nationale par les députés.
Maurice Gironcel se prononce en faveur d’une égalité des droits plutôt que d’une égalité des chances. Et rappelle à l’État que l’emploi et le logement relèvent de ses compétences premières. Le porte-parole de l’Alliance se demande si le Plan de cohésion sociale n’est pas un leurre, il ne répond pas en tout cas à tous les besoins des Réunionnais.
Un plan irréalisable ?
Patrick Lebreton, s’exprimant au nom du Parti socialiste, reconnaît que "l’objectif est louable" dans le contexte d’une situation sociale gravissime. Il voit dans ce plan "un catalogue de bonnes volontés irréalisables parce qu’adossé à un gouvernement de casse sociale". Lui aussi souhaite une action plus énergique contre l’illettrisme.
Il fait noter que la politique de logement social est freinée par la spéculation foncière, spéculation encouragée par les mesures de défiscalisation en Outre-mer. Il exprime, comme l’Alliance, des doutes sur la capacité de financement de ce plan et n’accorde, face à un gouvernement ultralibéral, aucun crédit au plan Borloo. Cette première intervention lui a valu un cours sur les mérites du libéralisme par Ibrahim Dindar.
Les élus du groupe majoritaire, conscients de l’ampleur de la tâche, répondent que la démarche du Conseil général s’inscrit dans la durée et que loin d’être une fin, le Plan départemental de cohésion sociale n’est qu’un début. La présidente assure que les financements complémentaires apportés à la Caisse d’allocations familiales, au système éducatif, aux communes et aux agglomérations de communes dans le cadre du Plan Borloo permettront de financer les mesures proposées.
Un plan solitaire
Sur le plan de la méthode, les élus de l’opposition reprochent néanmoins au Département de n’avoir pas mené ce plan plus intimement avec les services de l’État et avec la Région. Chacun d’eux n’aura pas manqué de décrier qu’après avoir tellement malmené la cohésion sociale par des réformes successives et impopulaires, le plan Borloo est un minimum de la part du gouvernement.
Graziella Leveneur (Alliance) s’oppose à ce que le plan national s’applique intégralement à La Réunion, mettant en avant que certaines de ces mesures ne font que culpabiliser les personnes les plus fragilisées. Elle remplace la notion d’assistance par celle de solidarité, et la notion d’égalité des chances par l’égalité des situations.
Elle se prononce contre l’obligation de la recherche active d’emploi et le renforcement des sanctions. Pour elle, attribuer un dossier unique au demandeur d’emploi porte atteinte à sa liberté et le freine dans ses démarches.
Elle insiste sur le fait que le secteur de l’emploi doive rester public. Enfin elle reproche au Plan départemental de cohésion social d’arriver après le projet académique et avant la loi d’orientation sur l’école et le plan régional de lutte contre l’illettrisme, sans que le Conseil général ne se soit associé à l’élaboration de ses projets environnants.
Philippe Leconstant (PS) n’a pas été rassuré sur le financement, prévoyant le poids de la gestion et du versement des Revenus minimums d’insertion par le Département. Pour lui, "le défi relève d’une mission impossible". Jean-Jacques Vlody ajoute que "le gouvernement se désengage des responsabilités de l’État".
Un plan perfectible
Éric Fruteau (Alliance) note que "le débat sur la cohésion sociale dépasse le cadre départemental et dépend du national". Il importe selon lui de mettre en place une égalité collective et d’améliorer les services publics, notamment l’ANPE, tout en développant la démocratie participative. Il faut aller plus loin, aller plus haut.
Pour Jean-Marie Virapoullé, "l’apocalypse n’est pas pour demain", et il a demandé à ce que la dotation faite par l’État au Département soit revue à la hausse en raison de l’action engagée.
Monica Govindin a demandé une attention particulière à la pérennisation des emplois-jeunes dans le cadre du Plan départemental de cohésion sociale.
Au terme de ce tour de table qui a duré jusqu’à 13h30, Nassimah Dindar actait la volonté de tous de renforcer l’action contre l’illettrisme, elle validait la proposition d’un projet plus large pour le développement de La Réunion et pour l’instauration d’un comité de pilotage.
Avant le vote, elle précisait encore que le plan était toujours perfectible et que les réunions avec les partenaires sociaux vont continuer. L’Alliance s’est abstenue lors du vote, Maurice Gironcel précisant : "nous accompagnons votre projet, mais nous attendons un projet plus large". Le PS s’abstient également, Patrick Lebreton "salue la méthode, note un objectif ambitieux" mais "ne croit pas au Père Noël".
Eiffel
"Exigeons un véritable plan pour l’emploi"
Dans un communiqué signé par son président Jean-Hugues Ratenon, Agir pou nout tout réagit au Plan départemental de cohésion sociale.
Compte tenu de la situation sociale extrêmement dramatique à La Réunion, et au vu des derniers chiffres de l’INSEE en matière d’emploi, l’association Agir pou nout tout considère les mesures du Plan départemental de cohésion sociale très insuffisantes (...).
Malgré la bonne volonté affichée par Madame la présidente du Département, nous ne pouvons que regretter le manque d’ambition qui laisse (le) champ libre à la politique anti-sociale du gouvernement.
Les discours d’intention des conseillers généraux sont nets et précis, mais la faiblesse des engagements ne va en aucune manière régler le sort des 100.000 demandeurs d’emplois et de dizaines de milliers de familles sans logement. (...)
Le Plan départemental de cohésion sociale ne peut être rejeté, car quand on a soif et faim, on ne peut refuser du pain rassis... Continuons à exiger notre repas quotidien pour une véritable cohésion sociale.
La lutte contre la violence, pour la santé, l’éducation, le logement, le transport, l’épanouissement des familles, trouve son aboutissement dans un emploi stable. Exigeons un véritable plan pour l’emploi qui passe par un recensement des besoins de notre société (...).