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La Tunisie, une dictature trop voyante… sur internet ?
Publie le lundi 17 janvier 2011 par Open-Publishing4 commentaires
En Tunisie, le peuple a eu raison de la dictature en quelques semaines, et ce malgré la violence exercée par le pouvoir en place. Si l’on applaudit officiellement le formidable élan de liberté pour la communauté tunisienne, celui-ci fait déjà peur à beaucoup, et il ne faut donc pas crier victoire trop vite ; d’autant que ce qui suivra cette révolution populaire n’est pas encore certain d’être meilleur que ce qui la précédait.
Mais cette révolution n’est pas une victoire pour la démocratie, bien au contraire : car bien qu’elle exprime aujourd’hui l’espoir d’une génération, elle n’est en réalité que le point de référence qui servira demain à contrôler la vague de protestations qui menace nos belles démocraties. Car il ne faut pas croire, la révolte des Tunisiens n’est qu’une dictature parmi d’autres, et n’a pu aboutir que grâce à la “faiblesse” du régime en place, qui par son trop grand appétit n’a pas su revernir à temps les dorures de son illusion démocratique… ce qui n’est pas le cas partout.
Car il faut savoir qu’en arrivant au pouvoir, la plupart des dirigeants se trouvent confrontés à un système capitaliste tout puissant, qui corrompt peu à peu ses élites quelles qu’elles soient, jusqu’à les rendre complices d’actes délictueux susceptibles de les embarrasser : pour obtenir des contrats créateurs d’emplois ou des subsides internationales, ils doivent s’acquitter de commissions occultes, fermer les yeux sur certaines pratiques, abaisser le coût du travail et la protection sociale, tandis qu’au passage ils empochent également ce qu’on appelle les “rétro-commissions”, ou “pots de vin”. Pris dans cet engrenage, ils se doivent de cacher leurs méfaits aux regards du peuple, et au besoin faire voter des lois protégeant leur personne d’hypothétiques poursuites judiciaires.
Ces lois, cumulées avec celles imposées par les différents lobbies de la finance ou du commerce, finissent inévitablement par rendre impopulaire le chef de l’Etat, qui se trouve au bout du compte coincé dans ses propres malversations : ayant appauvri son peuple tout en s’étant enrichi personnellement, englué dans des affaires de corruption illégales et uniquement protégé par son statut, il ne peut décemment plus lâcher le pouvoir sans rien risquer. Perdu pour perdu, il commence à vouloir tricher aux élections, s’arroger les pleins pouvoirs ou augmenter la durée de son mandat.
Dans le cas de la Tunisie, la misère du peuple et le mépris des dirigeants ont fini par se voir, et atteindre un seuil critique au delà duquel un rapport de force est engagé : le gouvernement au pouvoir n’avait alors plus que le choix de partir, ou bien de se résigner au bain de sang. Le pouvoir ayant opté pour la seconde proposition, il ne lui restait plus qu’à gagner la bataille de l’image, et c’est ici qu’il a échoué.
Car c’était sans compter internet, avec lequel les choses ne sont plus aussi simples qu’autrefois : si les médias traditionnels continuent de reproduire les communiqués officiels, les “journalistes-citoyens” (c’est à dire n’importe qui) peuvent mettre ceux-ci en contradiction avec la réalité par la profusion de leurs témoignages. Il suffit d’un téléphone portable et d’une connexion internet, et les informations se transmettent, se répercutent, se développent.
C’est d’ailleurs à ce genre d’occasions qu’on comprend mieux l’intérêt que représente internet pour la contestation sociale, et surtout le danger qu’il fait courir aux dirigeants des autres “démocraties” du genre. Prompts à saluer la victoire du peuple une fois l’opinion publique informée, ils n’ont de cesse que de se prémunir en retour contre les dangers que représentent pour eux internet et les réseaux sociaux. Prompts à proposer l’aide sécuritaire au dirigeant démocrate d’hier, ils refusent aujourd’hui l’asile à un dictateur… nous démontrant ainsi leur volatilité, ainsi que leur volonté de ne pas écorner leur image. Prêts à user de la force pour lutter contre la contestation, ils se préparent aussi à l’empêcher de se diffuser, pour qu’on ne la voit ni grandir ni s’organiser.
Nous sommes donc désormais prévenus : on ne délogera pas les dirigeants corrompus de nos contrées occidentales aussi facilement qu’en Tunisie, et sans doute les mesures “sécuritaires” seront bientôt renforcées. L’appauvrissement généralisé des peuples, face à l’enrichissement scandaleux d’une petite minorité, commence à se voir partout ailleurs, et conduira bientôt à des émeutes violentes susceptibles de déboucher sur des mouvements de plus grande importance. Nos gouvernants le savent, et s’y préparent depuis déjà quelque temps.
Et il se pourrait qu’en ces occasions, et même si les masques tombent, la réponse des gouvernants soit à la mesure de leur corruption : plus elle sera grande, plus ils frapperont forts… mais moins cela se verra.
Caleb Irri
Messages
1. La Tunisie, une dictature trop voyante…sur internet ?, 17 janvier 2011, 07:27, par libre dissidence
Pensez ce que vous voulez et postez tant que vous voulez des ’p’tits’ commentaires mais :
– une révolution d’initiative populaire et sociale, menée par des jeunes et qui au bout de trois jours n’a vu émerger personne d’autre que le remplaçant officiel prévu par la constitution Tunisienne ;
– des forces armées, des policiers et des comités de quartier qui se regardent en chien de faïences ;
– des contestataires tellement muselés et opprimés que personne ne vient s’exprimer sur leur sort et leur avenir ...
J’ai comme bien d’autres observateurs le sentiment que à part un changement de nom les conditions restent les mêmes et qu’une ’’démocratie populaire’ de plus viennent de voir le jour .
Baisser les prix de la nourriture et redistribuer au peuple, mais sur quel % devra t’on le faire pour calmer les foules et dans le même temps maintenir les contrats ?
Pourvu que je me trompe !
Libre dissidence .
1. La Tunisie, une dictature trop voyante…sur internet ?, 17 janvier 2011, 08:28, par guetteur des rues
nous sommes bien d’accord , absolument !
2. La Tunisie, une dictature trop voyante…sur internet ?, 17 janvier 2011, 14:19, par njama
Ben Ali vaincu par la rue, ou lâché par l’armée ?
D’après
Espérons qu’il ait raison, c’est bon signe si l’armée soutient le peuple ...
2. La Tunisie, une dictature trop voyante…sur internet ?, 17 janvier 2011, 08:34, par Copas
tue-dieux ! comme cela se dit en France
je pense que le clavier de notre ami a fourché grave...
Mais mon ami, regardes aussi en France, en Italien, en Grande Bretagne, etc, comment la bourgeoisie ne peut s’empêcher de bâfrer sans vertu (même bourgeoise) !
Les liens profonds entre la bourgeoisie française, ou italienne, ou espagnole, son appareil politique et les benalistes ne ressortent pas d’une exception, et indiquent que le système est profondément vermoulu, partout....
par ailleurs, oui le fait qu’un peuple comme le courageux peuple tunisien ait réussi à virer à mains nues un dictateur assis sur un formidable appareil policier a déjà un grand effet d’entrainement sur beaucoup de pays.
quelque soit l’avenir de ce qui se passe en Tunisie et quelques soient les spécificités pour la Tunisie.
la secousse est profonde et les leçons parcourent par de multiples chemins toutes les classes populaires au sud, à l’est et au nord de la Méditerranée.
les news circulent de façon latérales entre les peuples et quand un de ceux-ci se met en mouvement en général l’info sur ce qu’ont fait les autres existe quelque part en mémoire et permet de passer directement à un niveau supérieur (même si en France c’est difficile avec les habitudes auto-centrées qui y existent)
La bourgeoisie également en tirera les conclusions .
Cela n’est pas nouveau.