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La bataille pour la conception de l’Etat.

Publie le dimanche 26 septembre 2010 par Open-Publishing

La bataille pour la conception de l’Etat.

Le débat sur la nature de l’Etat a longtemps mis aux prises les anarchistes (abolition) contre les communistes (transformation ou basculement) et les libéraux (Etat modeste ou Etat sécuritaire) contre les sociaux-démocrates (Etat social). Hors du débat intellectuel, dans la société, les patrons voulaient un Etat "pour eux" et les travailleurs salariés du privé étaient eux partagés entre ceux qui voulaient un Etat social pourvoyeur de services publics et de législation sociale protectrice des travailleurs et les autres qui voulaient abolir l’Etat. Quand aux travailleurs du public il était admis qu’ils étaient tous pour un Etat au service de l’intérêt général. Formule qui implique une forte présence de service public agissant sur des critères non marchands et répondant aux besoins sociaux de tous y compris des insolvables.

Il est sans doute plus évident aujourd’hui qu’hier que tous les fonctionnaires de l’Etat ne partagent pas les mêmes conceptions de l’Etat. C’est que l’Etat néolibéral se met au service des entreprises et du capital plus nettement qu’auparavant. Il constitue un bouclier fiscal pour les riches et non un bouclier social pour les couches moyennes et basses.

Tous les fonctionnaires de l’Etat ne partagent pas les mêmes conceptions de l’Etat mais les médias persistent à voir les fonctionnaires comme un bloc uni de la base au sommet sur la défense du statut, le point d’indice pour tous, mais avec des désaccords mineurs. Or il apparait aujourd’hui qu’il y a une fracture sociale importante entre les très hauts fonctionnaires et les fonctionnaires de base (C, B, A de base). Il existe une couche intermédiaire d’encadrement qui n’est pas unifiée mais qui n’approuve pas nécessairement les réformes néolibérales de l’Etat.

Les hauts fonctionnaires se sont mis à pratiquer le pantoufflage et à vouloir introduire le management privé au sein des administrations. La Fondation Saint Simon a facilité tout à la fois la rencontre des élites qui se haissaient auparavant et la justification de l’ensemble. Dans le même mouvement les travailleurs du public se sont solidarisés dans de multiples circonstances avec les travailleurs du privé. Le clivage prive contre public est devenu secondaire au profit d’un conflit travailleurs d’en-bas contre dirigeants d’en-haut. La lutte de classe menée par ceux d’en-haut a débouché sur un sentiment de classe privé-public en-bas. Un des résultat les plus net c’est la haine des hauts fonctionnaires "pantouffleurs" créateurs d’une République tout à la fois libérale et bananière. La critique de la montée d’un salariat précaire au sein des fonctions publiques, notamment la fonction publique territoriale est de plus en plus vive. Même l’idée que le point d’indice doivent être augmenté pour tous jusqu’aux directeurs parisiens ne fait plus consensus. L’idée de carrière républicaine interdit non seulement une évolution des traitements exorbitants "à l’européenne" (voir actuchomage) mais aussi le fait de faire de petites carrières (1) .

En fait il y a au sein des travailleurs du public une bataille féroce sur la conception de l’Etat. De nombreux hauts fonctionnaires veulent démanteler l’Etat social alors que d’autres à la base veulent ôter la logique marchande introduite en son sein par vingt ans de réforme néolibérale. M Rocard l’initiateur des réformes du dernier mouvement de réforme de l’Etat depuis 1989 n’est pas le bien aimé des fonctionnaires de bases, du moins de ceux qui sont syndiqués.

AMK

1) D’aucuns diront que c’est mieux que de rester collé au smic pendant trente ans comme dans beaucoup de métiers du privé. Aujourd’hui le gros du salariat privé et public passe du SMIC à 1300 euros à 28 ans à son double à 50 ans dans le meilleur des cas ce qui signifie qu’il demeure prolétaire durablement. Les conditions de vie face au marché est très différente pour celles et ceux qui démarrent à 2000 euros et plus pour terminer à 5000 ou beaucoup plus. Ce qui change ici ce sont notamment les gros achats et surtout la possibilité d’acquérir un appartement confortable ou au contraire de devoir de rester dans une petit appartement chèrement loué. La différence entre le public et le privé tient surtout à ce que les travailleurs du privé qui arrive à sortir de la condition prolétaire vers 55 ans grâce à de bons salaires (double du SMIC) risquent de tomber au chômage.