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La convention républicaine : la campagne vise l’électorat réactionnaire en jouant sur la peur
Publie le vendredi 3 septembre 2004 par Open-PublishingDernière ligne très à droite de George W. Bush
Par Pascal RICHE
’Histoire oublie les présidents qui ne font qu’un seul mandat, mais quoi qu’il arrive l’Histoire n’oubliera pas George W. Bush. S’il perd l’élection de 2004, il sait qu’il restera dans la mémoire collective comme un personnage sombre : le Président qui a entraîné le pays dans une guerre aventureuse. Hier soir, en montant sur le podium central de la convention républicaine de New York, il jouait donc très gros. Les sondages sont serrés (1) et les républicains comptaient sur son discours pour redonner de l’élan à sa campagne. Après quatre années marquées par une récession, une reprise peu créatrice d’emplois et des déficits abyssaux, le Président devait se montrer capable d’articuler un projet économique et social allant au-delà des simples baisses d’impôt. Il entendait aussi faire étalage de cette « fermeté de caractère » vantée par les orateurs qui l’ont précédé.
Pendant quatre jours, ceux-ci ont martelé un seul message : Bush a des tripes, il sait décider et rester solide, alors que Kerry est un « flip-flopper », une girouette, dont l’élection serait une catastrophe en ces temps de guerre. Mercredi soir encore, le vice-président, Dick Cheney, s’est employé à ridiculiser le démocrate, qui, à l’en croire, « pense qu’on peut impressionner Al-Qaeda avec de la douceur ». Pour les républicains, voter Bush, c’est montrer qu’on ne recule pas devant l’ennemi, qu’on ne « se rend pas », pour reprendre la formule du sénateur John McCain. Et l’ennemi est partout, comme l’a souligné le gouverneur du Massachusetts, le mormon Mitt Romney, dans un formidable amalgame : « L’Amérique fait l’objet d’une attaque en provenance de presque toutes les directions. Nous avons été attaqués par des terroristes meurtriers et fous. Nos employeurs et nos emplois sont menacés par les coûts bas et le travail hautement qualifié à l’étranger. Les valeurs familiales sont attaquées de l’intérieur... »
« Miracle ». La peur semble être devenue la seule carte que les républicains aient décidé de jouer en cette fin de campagne. Le bilan du Président est en effet difficile à vanter. Ses deux décisions majeures, les baisses d’impôt et la guerre, sont considérées comme des erreurs par une majorité d’Américains. Avec un tel bilan, sa victoire relèverait du « miracle », selon David Broder, le chroniqueur politique du Washington Post.
Mais Bush a déjà montré, en 2000, qu’il pouvait gagner par miracle. Cette année encore, il espère créer la surprise en faisant apparaître de nouveaux électeurs chrétiens conservateurs, particulièrement dans les Etats les plus cruciaux de la bataille (Floride, Pennsylvanie ou Ohio). Karl Rove, son stratège, considère 2004 comme une élection qui se jouera sur la « mobilisation » de la base. Il est obsédé par un chiffre : quatre millions de chrétiens de droite ont boudé les urnes il y a quatre ans.
Côté scène, les républicains poussent sous les projecteurs des vedettes « centristes » (Arnold Schwarzenegger, John McCain) en vue d’ébranler les rares indécis (6 à 7 %). Mais côté coulisse, ils labourent l’électorat le plus réactionnaire. La plate-forme qu’ils ont adoptée est très à droite, que ce soit sur les droits des gays ou l’avortement (Libération d’hier). Sur le terrain, ils placent des « coordinateurs » dans chaque église évangélique.
John Kerry, toutefois, a beaucoup de chance. Les Américains considèrent, à une large majorité, que le pays va « dans une mauvaise direction » ; l’électorat hispanique (qui vote majoritairement démocrate) a gonflé en quatre ans ; les musulmans, qui avaient majoritairement voté pour Bush en 2000, s’éloignent de lui ; les plus de 60 ans penchent également nettement vers les démocrates... Et l’ébullition anti-Bush est sans précédent dans les milieux intellectuels et artistiques
Kerry mollasson. Le problème, c’est que Kerry mène une campagne très mollassonne. Pendant que les orateurs se succédaient au micro à New York pour le traiter de chiffe molle, le candidat démocrate faisait... de la planche à voile. La photo est dans tous les journaux : matériel high-tech, lunettes noires dernier cri. Lorsque Bush se repose on le voit couper du bois ou déplacer des pierres... Conscient que sa campagne manque de punch, John Kerry songerait à renouveler ses conseillers. Mais son problème fondamental ne vient pas forcément d’eux...
(1) Kerry est légèrement en tête pour Time, Fox et NPR. Bush est légèrement en tête pour CNN, NBC/Wall Street Journal, et Los Angeles Times. Ils sont ex-aequo selon ABC.