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La désespérance devant un abandon de la solidarité

Publie le lundi 7 janvier 2008 par Open-Publishing
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Le médecin et écrivain Christian Lehmann réagit à l’annonce de la grève des soins de Bruno-Pascal Chevalier.

Figure de la mobilisation, ces derniers mois, contre les franchises médicales, Christian Lehmann, médecin généraliste et auteur de plusieurs ouvrages, n’est pas vraiment surpris par l’annonce de la « grève des soins » de Bruno-Pascal Chevalier.

« Quand on est malade, on doit déjà lutter contre la maladie, chaque jour, pied à pied. Quand, en plus, on fait une analyse politique, comme a fait ce patient, montrant que, en tant que malade, on est pointé du doigt par ceux qui ont tout, la puissance, l’argent et la gloire, comme étant responsables de situations financières difficiles de la nation, alors que, nous le savons, c’est de la répartition des richesses qu’il faudrait parler, et que ce n’est pas le pauvre malade qui est responsable du trou de la Sécu mais l’insuffisance de cotisations des revenus de l’argent… Cette action de grève des soins est une forme de désespoir de la politique, et de désespoir de la solidarité. Tenir quand on est malade, c’est très difficile. Au moins peut-on encore se dire qu’on fait partie de la communauté des vivants, et que les autres nous regardent, au moins avec une neutralité bienveillante, peut-être avec empathie.

Là, on est devant une mesure qui, politiquement, si elle a un sens, veut dire qu’une partie de la population, en bonne santé, considère que ceux qui sont malades, quelque part, exagèrent, fraudent, abusent. Il y a donc un effet de désespérance devant ce qui est considéré par ce patient comme un abandon de la solidarité. Je ne veux pas cautionner son action, sa mise en danger. Il n’y a, hélas ! rien d’étonnant dans ce type d’initiative. J’ai reçu moi-même des lettres nombreuses de patients qui avaient des pathologies lourdes, d’hypertension ou de diabète, par exemple, et qui vivaient les franchises comme une véritable stigmatisation ». Et le médecin de confier avoir « entendu beaucoup de gens évoquer parler de la fin de vie » lors du débat sur les franchises. Se rendant compte « qu’on mettait en cause la nécessaire solidarité sur des soins lourds pour les patients atteints de pathologies sévères », ils en venaient à penser au pire, analyse-t-il, évoquant une sorte « d’eugénisme financier ».

Le passage en force des franchises, en dépit d’une opposition majoritaire dans le pays, n’a, on le voit, en rien émoussé la combativité de Christian Lehmann. Outre l’état de faiblesse de la gauche, mis à profit par Sarkozy pour porter ce mauvais coup comme tous les autres, il incrimine la « vraie chape de plomb » que fait peser le système médiatique, et une incapacité, dans ces conditions, de « décrypter le mensonge sarkozyste ». Allusion à la série d’arguments différents avancés pour justifier cette mesure (combler le déficit de la Sécu, financer la lutte contre la maladie d’Alzheimer, etc.).

C’est pourquoi, même s’il constate chez les gens un début de « prise de conscience » après une période d’atonie, le médecin-écrivain juge prioritaire de « faire un travail de déconstruction du discours du mensonge ». « Ce que l’Humanité et quelques autres, peu nombreux, font », note-t-il. Ce que lui, qui s’y était attelé en faisant tomber le masque des « fossoyeurs » (1) de l’assurance-maladie, a décidé de poursuivre, dans un prochain livre.

(1) Titre de l’ouvrage de Christian Lehmann publié l’an dernier chez Prive. 270 p, 18 euros.

Propos recueillis par Yves Housson
 http://www.humanite.fr/2008-01-05_P...